Ils n’ont rien lâché (6/6) | Marco d’Aviano : La bure et l’épée

Publié le 22 Août 2025
marco d'aviano

Marco d'Aviano bénissant la foule à Gand (Pieter Le Plat, 1681).

Cet été : Des martyrs aux dissidents : Ils n’ont rien lâché

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Né Carlo Domenico Cristofori (1631-1699), le capucin Marco d’Aviano était un prêcheur et thaumaturge réputé dans toute l’Europe de son temps. Il contribua à l’unité des chrétiens face à la menace ottomane. Cela ne l’empêcha pas d’être hautement estimé par les Turcs et musulmans.

 

Lorsque Marco d’Aviano fut déclaré bienheureux en 2003, beaucoup interprétèrent cette béatification comme un geste hostile à l’islam.

Malgré les dénégations du cardinal Saraiva Martins, alors Préfet de la Congrégation pour les Causes des saints, force est de constater qu’une grande partie de la vie de ce frère capucin fut consacrée à combattre l’islam pour le salut des âmes.

Né en 1631 dans la famille aisée des Cristofori à Aviano, une bourgade vénitienne, et baptisé sous le nom de Carlo Domenico, il paraît avoir été un garçon plutôt réservé, sinon timide. Quelle ne fut pas la surprise de sa famille lorsque, placé dans un collège des jésuites, il échappe à l’attention de ses maîtres et disparaît quelque temps ! Une sainte fugue, en vérité puisque, tout rempli de l’idéal des croisades, il a résolu de se rendre en Crête pour y convertir les Turcs.

Recueilli par des capucins, il est aussitôt renvoyé chez lui, mais cette rencontre lui montre la voie : il ira dans l’Ordre des frères mineurs capucins. Il entre en religion à l’âge de 19 ans sous le nom de Marco, devient prêtre en 1655, est rapidement nommé recteur de deux couvents en Vénétie, puis prêche dans toute l’Italie pendant de nombreuses années. Ô miracle ! Voici qu’il guérit une femme à Padoue par simple imposition des mains. Le miracle se répète, au point que sa réputation de thaumaturge lui vaut l’admiration des foules, et on l’appelle dans toute l’Europe.

Marko iz Aviana marco d'aviano

L’évêque de Cologne le prie de venir dans son diocèse pour lutter contre l’influence des luthériens, lesquels tentèrent d’ailleurs de le faire assassiner. En chemin, il rencontre l’empereur d’Autriche Léopold Ier, homme profondément pieux mais quelque peu indécis avec lequel il va se lier d’une profonde amitié. Il devint son conseiller le plus intime, à tel point que l’empereur n’accomplit rien sans lui en faire part.

Comme les miracles et les conversions ne cessent point, on l’appelle également à Bruxelles. Malheureusement, Louis XIV, alors en guerre contre la couronne d’Espagne, à laquelle la Belgique appartient, se défie de lui, craignant qu’il ne soit un agent impérial. Aussi est-il arrêté, ligoté, et envoyé dans une charrette en Belgique sans pouvoir s’adresser au peuple de France. On lui réserva un meilleur accueil dans d’autres pays.

En général, il était suivi d’une foule nombreuse qui l’écoutait prêcher et qui, à en croire ses lettres, l’assaillait de jour comme de nuit sans lui laisser de repos. Le frère Marco était très attaché à la confession. Au cours de ses prêches, il exhortait ses auditeurs à dire l’acte de contrition et à se confesser. Il terminait souvent ses sermons par une bénédiction au cours de laquelle avaient lieu de nombreux miracles.


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Le pape Innocent IX lui accorda même le privilège de donner la bénédiction pontificale avec indulgence plénière pour les défunts. Le Pape le chargea également de missions diplomatiques délicates. On citera surtout le soin de frère Marco à rapprocher les Habsbourg des Bourbons, à rallier à Rome les princes allemands tombés dans le protestantisme, ou encore à unir la chrétienté contre les Turcs.

« Le frère Marc multiplie les prêches, les messes, les prières publiques, les processions pour que le peuple demande à Dieu la victoire : elle lui est bientôt accordée, et pour la première fois, les Ottomans reculent. »

Si l’on rattache si souvent le nom de Marco d’Aviano à Vienne, c’est parce que, sans lui, la ville serait tombée aux mains des musulmans. En 1683, en effet, les Ottomans font le siège devant Vienne, porte de l’Europe. Seul le roi de Pologne, Jean III Sobieski, est en mesure de rassembler rapidement une armée et de défaire les envahisseurs. Mais il pose des conditions exorbitantes à son soutien, notamment le commandement militaire des troupes impériales et une somme d’argent astronomique.

Le Pape envoie alors le frère Marco auprès du roi de Pologne. Bientôt, Jean III est convaincu, il mène ses troupes, préalablement prêchées par le capucin, et délivre Vienne. Malgré ce succès, l’armée turque n’est nullement anéantie, et elle menace encore l’Autriche. Le frère Marc multiplie les prêches, les messes, les prières publiques, les processions pour que le peuple demande à Dieu la victoire : elle lui est bientôt accordée, et pour la première fois, les Ottomans reculent.

Jan Matejko Jan Sobieski alle porte di Vienna dopo la vittoria contro gli Ottomani 1879 83 FG2 marco d'aviano

Jean Sobieski aux portes de Vienne après la victoire contre les Ottomans (Musées du Vatican).

Bien qu’il fit beaucoup pour faire reculer l’islam, Marco d’Aviano était tenu en haute estime par les musulmans. Lorsque les troupes impériales s’emparèrent de Belgrade en 1688, il sauva la vie à huit cents Turcs qui devaient être massacrés. Sa réputation de thaumaturge s’était également répandue en terre d’islam à cause des nombreux musulmans qu’il avait guéris.

Sans cesse sur les routes pour prêcher, accomplir de délicates missions auprès des princes ou combattre l’infidèle, Marco d’Aviano soupira sans cesse après son couvent et ne désira rien tant que s’y retirer. Mais il obéit systématiquement avec humilité. Cette aspiration au repos et à la solitude, il ne put jamais la satisfaire que dans la mort : en 1699, il s’éteignit dans les bras de son vieil ami l’empereur Léopold Ier.

 

Philippe Kersantin

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Philippe Kersantin

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