S’abandonner à la grâce

Publié le 28 Fév 2018
S'abandonner à la grâce L'Homme Nouveau

La vie spirituelle est souvent paralysée par une sorte de quadrature du cercle : elle requiert le combat spirituel, mais pourtant notre effort ne doit pas empiéter sur la grâce du Bon Dieu qui attend juste notre docilité.

Deux grands auteurs aident ici à y voir clair. En premier saint Alphonse de Liguori que, dans une catéchèse, Benoît XVI nommait l’« éminent théologien moraliste et le maître de vie spirituelle pour tous, en particulier pour les personnes simples » (30 mars 2011). En second lieu le Père de Caussade, un grand jésuite du XVIIIe siècle dont on dit à juste titre que « l’appréciation finale qui s’impose à son sujet, c’est que l’on doit le ranger parmi les premiers maîtres spirituels de tous les temps » (RHEF 1967, 150, p. 96).  

Dans « la vraie épouse de Jésus Christ » (cc. 5 & 6), saint Alphonse de Liguori encourage bien sûr la générosité avec saint Paul et les saints : « Qui sème peu récolte peu » (II Cor. 9,6). « Petite négligence fait perdre grande grâce » (bienheureux Gilles) ; et saint Bonaventure fustige ceux qui « désirent donner leur vie pour Jésus-Christ, et refusent de supporter pour lui la moindre gêne ». Il fait sien aussi ce propos roboratif de sainte Thérèse d’Avila : « Avec des efforts et l’aide de Dieu, nous pouvons devenir des saints. Soyez très certains que, si nous n’y arrivons pas, la faute n’en est pas à lui, mais à nous. Dieu vient en aide aux âmes courageuses ». Mais avec saint Bernard, il se méfie de l’effort trop sûr de soi : « Malgré tous vos efforts, vous vous trompez bien, quels que soient vos progrès dans la vertu, si vous croyez, tant que vous vivrez sur la terre, que vos vices sont morts : ils ne sont qu’amortis », prêts à relever la tête. Cassien au Ve siècle disait déjà : « Si nous nous appuyons sur nos résolutions et sur nos efforts, nous sommes perdus sans ressource. Il faut donc nous exciter toujours à prier, afin d’obtenir le secours de Dieu ; il faut redire sans fin : Seigneur, miséricorde ! mon Dieu, aidez-moi ! »

Le Père de Caussade a écrit sur « l’abandon à la divine Providence ». Volontairement le titre fait allusion au quiétisme et au conflit désastreux entre Bossuet et Fénelon. Caussade veut purger l’ambiguïté introduite en la matière par Madame Guyon, la dirigée de Fénelon. Les chapitres défilent pour dire que l’effort moral et l’abandon à la volonté divine loin de s’opposer, doivent s’appuyer au contraire l’un sur l’autre : « Manière d’opérer dans l’état d’abandon, dispositions que requiert cet état, excellence de la volonté de Dieu et le moment présent » (cc. II, III et IX). L’auteur peut alors vanter l’unique effort souhaité, celui de la docilité, effort de l’abandon intelligent et généreux : « Action de mon Dieu, vous êtes mon livre, ma doctrine, ma science ; en vous sont mes pensées, mes paroles, mes actions, mes croix. Ce n’est pas en consultant vos autres ouvrages que je deviendrai ce que vous voudrez faire de moi, c’est en vous recevant en toutes choses par cette unique voie royale, voie ancienne, voie de mes pères » (c. IX). 

Il précise ainsi sa réflexion : « Jésus parle à tous les cœurs, mais on ne l’entend pas. On voudrait savoir ce qu’il a dit aux autres, et on n’écoute pas ce qu’il dit à nous-mêmes. Nous ne regardons pas assez les choses dans l’être surnaturel que l’action divine leur donne ; il faut toujours le recevoir et agir selon son mérite, à cœur ouvert, d’un air plein de confiance et de générosité, car il ne peut faire de mal à ceux qui le reçoivent ainsi. »

Notre Dame est le grand modèle : « Depuis l’étable jusqu’au Calvaire, elle trouve toujours un Dieu que tout le monde méconnaît, abandonne et persécute. De même les âmes de foi outrepassent une suite continuelle de morts, de voiles, d’ombres et d’apparences qui font effort pour rendre la volonté de Dieu méconnaissable, la poursuivent et l’aiment jusqu’à la mort de la croix ». Elle les aide à ne s’étonner de rien : « Plus les sens sont infidèles, révoltés, désespérés, incertains, plus la foi dit : Cela est Dieu, tout va bien! Il n’y a rien que la foi ne digère et ne surmonte ; elle passe au-delà de toutes les ténèbres. »

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