« Serait-ce moi ? » : Judas face à l’amour absolu de Jésus

Publié le 20 Août 2025
cène judas trahison

La Cène par Rubens (1631), Pinacothèque de Brera.

Le 13 août dernier, le pape Léon XIV a préparé une catéchèse sur la trahison de Judas, dans le cadre des audiences jubilaires « Jésus-Christ notre espérance » : III. La Pâque de Jésus. 2. La trahison. « Serait-ce moi ? » (Mc 14,19).

 

Le Pape poursuit son parcours de catéchèses sur l’espérance à l’école de l’Évangile. Lors de l’audience générale du 13 août, il commente la scène dramatique de l’annonce de la trahison de Judas. La pièce à l’étage où tout avait été préparé s’emplit d’une douloureuse atmosphère et d’une vulnérabilité grave et silencieuse, entraînant questions et soupçons.

Jésus ne pointe pas du doigt et ne prononce même pas le nom du traître. Il se contente simplement de répondre à la question de Judas : « Est-ce moi ? – Tu l’as dit ». Saint Jean a un récit un peu différent avec la mention de la bouchée de pain donnée à Judas. Saint Matthieu et saint Marc n’y font qu’une allusion lointaine et elle est ignorée par saint Luc.

Un amour absolu

Ce geste tout amical et rempli de miséricorde demeure hautement symbolique. C’est l’application directe du verset 10 du psaume 40 qui montre la bienveillance trahie. Il nous plonge dans les profondeurs de l’amour de Jésus. On s’arrête en général au côté extérieur du geste : le rejet de Judas chez qui l’incrédulité est devenue ecclésiale. Pour saint Jean, ce geste ne signifie pas rejet, mais bien au contraire un amour qui va jusqu’à l’extrême.

Jésus aime et continuera à aimer jusqu’au bout celui-là même qui va le trahir, il aime celui qui ne mérite pas son amour. Jésus sait qui va le trahir et tous les Apôtres lui posent alors la même question : « Est-ce moi ? », y compris Judas qui s’enfonce dans son hypocrisie, courant ainsi directement au naufrage spirituel. Jésus donne la bouchée à Judas infidèle au nom qu’il porte. Et Jésus ajoute : « Ce que tu as à faire, fais le vite. » Rien n’arrête l’amour. Pas même la peur ou l’angoisse.

L’attitude de Jésus envers Judas est prévenante et elle le sera jusqu’au bout. Ses questions et réponses sont des actes miséricordieux qui cherchent à sauver l’apôtre traître malgré lui. L’amour divin reste plus grand que le mal humain. Mais le cœur de Judas se glaça et il sortit. En deux mots, tout le tragique de la Passion s’annonce : Judas quitte le cercle des disciples. Il ne fait plus partie des amis de Jésus, même si Jésus l’aime toujours. Il n’assistera pas à la célébration et à l’institution de l’Eucharistie, ni n’entendra le discours d’adieu. Le péché irrémissible demeure le refus d’aimer.

Fermé à la Révélation de l’amour

Et pourtant, on peut dire que Judas, dont la figure à travers sa fermeture totale à la Révélation de l’amour est une ombre qui recouvre tout le chapitre XIII de saint Jean, comme l’incrédulité est l’ombre qui recouvre tout le quatrième Évangile, Judas donc représente l’exemple le plus probant de l’amour jusqu’au bout du Christ. Rien ne découragea son amour et il fit vraiment tout pour l’empêcher de trahir et parvenir à le sauver. Il semble bien qu’il n’y soit pas arrivé uniquement parce que Judas a refusé l’amour. Dom Delatte explique ainsi ce douloureux passage évangélique :

« Judas n’avait pas voulu de Dieu, c’est le diable qui entrait chez lui. Il y a toujours quelque chose à prendre dans les paroles de l’Évangile : nous autres, nous sommes entre deux pôles, et c’est ce qui constitue le caractère grave, sérieux de notre vie. Il faut que nous appartenions à l’un ou à l’autre ; il n’est pas possible, et il ne sera jamais possible à une créature quelconque, précisément parce qu’elle est créature, de se tenir sur une ligne médiane à égale distance du bien et du mal, à égale distance de Dieu et du diable.

Cette situation de l’homme marchant sur une lame de rasoir n’est pas possible, cela n’est possible qu’à un être qui serait Dieu, parce que Dieu n’a besoin que de lui ; mais nous, créatures, il faut que nous choisissions, il faut faire choix d’un pôle ou de l’autre et, de toute nécessité, il faut faire un choix. »

Souvenons-nous donc toujours que nous sommes fragiles et pécheurs et pensons à poser souvent à Jésus cette question : « est-ce moi ? » Jésus ne dénonce pas pour humilier, mais il dit la vérité pour sauver. Les disciples réagirent avec tristesse et une tristesse qui peut provoquer la conversion. Ce sera le cas plus tard pour Pierre.

Demandons à Marie que le malheur de la trahison ne retombe jamais sur notre tête. Et souvenons-nous toujours que Jésus n’abandonne jamais la table de l’amour. Que Marie nous aide à une vie digne des enfants de Dieu toujours aimés et qui ne trahissent jamais leur maître.

 

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Un moine de Triors

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