Soins palliatifs : une nomination inquiétante

Publié le 30 Jan 2016
Soins palliatifs : une nomination inquiétante L'Homme Nouveau

Le gouvernement français a un talent certain dans la création de numéros verts, sites d’information, observatoires, et organismes en tout genre. Alors que la loi sur la fin de vie en France est en train d’achever ses allers-retours entre l’Assemblée nationale et le Sénat, le ministre de la Santé Marisol Touraine a rendu publique le 6 janvier dernier la création du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. Un organisme né de la fusion du Centre national de ressources en soins palliatifs et de l’Observatoire national de la fin de vie, et qui est censé informer les patients sur leurs « droits effectifs » en fin de vie. Il aura également pour mission de mener une campagne d’information nationale sur les soins palliatifs.

Une militante pro-euthanasie

Le 7 janvier, le nom de la présidente présumée de ce Centre était révélé dans Libération, qui lui avait d’ailleurs ouvert ses colonnes à plusieurs reprises. C’est donc le docteur Véronique Fournier, médecin cardiologue qui dirigeait jusque-là le centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin, qui sera très certainement à la tête du Centre voulu par Marisol Touraine. « Cela bouge (un peu) sur le front de la fin de vie », titre l’« Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité » (ADMD) en apprenant la nouvelle, ce qui laisse présager des convictions du docteur Fournier. Et de fait, celle-ci milite ouvertement en faveur de l’euthanasie, et parle, de tribunes en entretiens, de « construire sa mort ». Le docteur Charles Jousselin, médecin en soins palliatifs au CHU Bichat-Claude Bernard et docteur en philosophie, est président de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP). Pour lui, cette volonté de construire sa mort est illusoire, signe d’une volonté de toute-puissance. « On ne peut pas maîtriser sa mort. Au mieux,?la piqûre?létale?permet d’en maîtriser l’instant », commente-t-il.

Le docteur Fournier a également dénoncé à maintes reprises l’hypocrisie de la législation actuelle sur la fin de vie, qui autorise l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation sans autoriser explicitement l’euthanasie… Une pratique qui soumet les malades à une terrible agonie qui peut durer parfois plusieurs jours. La loi Leonetti de 2005, en légalisant une euthanasie déguisée et cruelle, devait forcément donner du poids aux propos de ceux qui proposent une mort plus rapide, plus douce et, il faut bien le reconnaître, moins hypocrite. C’est ainsi que le docteur Véronique Fournier apparaît comme porteuse d’une vision bien plus « humaine » de la mort, qui rassurera tous ceux que la perspective d’être affamés et assoiffés terrifie.

« Cette nomination est inquiétante, explique le docteur Charles Jousselin, le docteur Fournier se pose comme experte de la fin de vie mais elle n’a jamais fait l’expérience de l’accompagnement des personnes, elle promeut une “euthanasie palliative” et à ce titre, elle n’a pas sa place à la tête d’un Centre national pour les soins palliatifs. » Pour le docteur Jousselin, les soins palliatifs sont d’abord une rencontre entre soignant et soigné, et c’est cette expérience qui permet ensuite de penser la fin de vie. Une rencontre parfois douloureuse, entre celui qui souffre et sait que c’est la fin et celui qui, impuissant à guérir, fait tout pour apaiser la personne malade. « Le docteur Fournier a une vision réductrice de la fin de vie, elle ne pense qu’en termes de solutions à trouver, de symptômes et de gestes techniques. Mais ce n’est pas ça la vie ! Elle observe, sans éprouver la réalité des soins palliatifs… »

Des appels au secours déguisés

Celui qui connaît bien le monde des soins palliatifs confie encore : « Je reçois 500 patients par an et seulement deux ou trois d’entre eux demandent l’euthanasie… et encore ! C’est la plupart du temps un appel au secours déguisé. C’est bien la preuve qu’il ne faut pas s’en tenir au fait, qu’il est fondamental d’accompagner la personne. Dès lors, les demandes d’euthanasie seront rarissimes. »

Il est donc clair que pour le docteur Fournier, les soins palliatifs apparaissent comme une option de fin de vie parmi d’autres, une « solution » au « problème de la fin de vie ». Dès lors que le geste technique est au centre de la pratique médicale, demander la piqûre létale serait aussi justifié que de demander à bénéficier de soins palliatifs. Et l’homme dans tout ça ? « C’est vraiment très inquiétant », conclut le docteur Jousselin.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneSociétéLettre Reconstruire

L’Église face au socialisme (II)

Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024) | Dans la série de ses études synthétiques sur les idéologies modernes, Carlos Sacheri aborde le socialisme et le jugement de l’Église sur cette réaction aux injustices sociales nées du libéralisme économique. Il présente ici les points communs à toutes les idéologies socialistes.

+

socialisme
SociétéLectures

L’inégalité, un outil de civilisation ?

Entretien | Juriste et historien, Jean-Louis Harouel s’attaque dans un livre récemment paru au mythe de l’égalité. Il postule que cette « passion laide » contemporaine, destructrice de la famille, entre autres, ne sert en rien les intérêts d’une population, en montrant que seule l’inégalité, créatrice de richesses, encourage la production et par là-même augmente le niveau de vie et conditionne le progrès moral et scientifique. Entretien avec Jean-Louis Harouel sur son livre Les Mensonges de l’égalité. Ce mal qui ronge la France et l’Occident.

+

égalité mythe
SociétéEglise de France

Pandémie : un avant-goût de la restriction des libertés fondamentales ?

Entretien | Le colloque « Pandémie, Droit et Cultes » s’est tenu à Paris en mars 2022. Ses actes rappellent qu’entre 2020 et 2022, les prérogatives de l’État ont été augmentées de manière extraordinaire au détriment des libertés essentielles, dans un renversement complet de la hiérarchie des biens. Une situation dangereuse qui pourrait bien se reproduire sous des prétextes variés. Entretien avec Guillaume Drago, co-organisateur du colloque et professeur de droit public à l’université de Paris-Panthéon-Assas.

+

pandémie liberté de culte