Le Pape à Bagdad vient de visiter l’Irak, réalisant le projet si désiré, mais non réalisé, du pape Jean-Paul II pour le jubilé de l’an 2000. Il est ainsi le premier pape à s’être rendu sur la terre d’Abraham. Il a voulu accomplir ce pèlerinage comme un grand signe d’espérance, malgré les ombres qui planent à l’horizon en raison des années de guerre passées, du terrorisme islamiste et de la pandémie.
Il a donc accompli un pèlerinage à la fois pénitentiel et fraternel, célébrant deux messes : l’une à Bagdad dans la cathédrale chaldéenne Saint-Joseph après une rencontre ecclésiale dans la cathédrale syro-catholique où 48 personnes avaient été tuées en 2010 ; l’autre à Erbil où il a évoqué la sagesse de la Croix dont le pardon demeure un constitutif majeur. Nous commenterons l’homélie qu’il prononça à Bagdad.
Comme à son habitude le Pape a articulé sa pensée autour de trois mots clés empruntés aux lectures. Le premier mot est celui de sagesse. La sagesse n’est pas l’apanage des Grecs. En tant que moyen pratique pour bien vivre, elle remonte aux débuts de l’humanité et on la trouve dans toutes les civilisations. Dans l’Ancien Testament, les livres Sapientiaux, en même temps qu’ils nous montrent comment il faut vivre, nous dévoilent aussi comment on parvient à la sagesse, c’est-à-dire à la béatitude éternelle et donc à Dieu. Mais surtout ils nous dévoilent où se trouve la vraie sagesse. C’est la question que se posait Job, dans un cri pathétique qui n’est pas sans rappeler celui de saint Augustin dans les Confessions, car la vraie sagesse ne se trouve qu’en Dieu. Mais bien sûr ce sera la Sagesse incarnée qu’est Jésus qui nous dévoilera la vraie sagesse et qui transformera les cœurs habitués à la loi du talion et à celle du meilleur, en offrant à tous la charte des Béatitudes qui marque un renversement total, puisque ce sont les pauvres, ceux qui pleurent, ceux qui sont persécutés qui sont appelés bienheureux. Le contraste est saisissant avec l’échelle de béatitudes que se fait le monde pour qui les riches et les puissants sont au suprême degré du bonheur. La proposition de Jésus peut causer en nous un doute et un certain trouble. N’y perd-on pas ? Ne risquons-nous pas de nous laisser marcher sur les pieds ? Et bien non ! La proposition de Jésus n’est pas perdante, car elle est sage, étant fondée sur l’Amour qui se trouve au cœur même des Béatitudes. L’amour est notre force et il nous apprend que vivre les Béatitudes, comme nous le demande Jésus, c’est rendre éternel ce qui passe et c’est porter le Ciel sur la terre.
Porter le Ciel sur la terre, c’est témoigner, deuxième mot clé du Pape. Il ne s’agit pas d’être un héros d’un jour, il s’agit d’être un témoin de la miséricorde et de la charité chaque jour, malgré les douloureuses vicissitudes que nous fait vivre le terrible quotidien. Ne soyons jamais des fuyards de la charité, tournant le dos aux Béatitudes à la moindre difficulté. C’est celui qui persévérera jusqu’à la fin qui sera sauvé. Enfin, la promesse. Jésus est fidèle. Si nous le sommes aussi dans la pratique des Béatitudes, nous aurons alors notre récompense qui est toujours l’inverse du paradoxe qui nous aura rendus bienheureux. Ne nous décourageons pas. Que Marie nous fasse comprendre que Dieu veut accomplir précisément des prodiges à travers nos faiblesses qui chercheront à accomplir les Béatitudes. Dans l’Antiquité était née la sagesse. De nos jours, des témoins particuliers des Béatitudes sont les martyrs (c’est le même mot en grec), qui grâce à Marie les vivent jusqu’à la mort, pour obtenir la promesse divine de la vraie paix.