Une autre guerre : celle du temps de Carême

Publié le 02 Mar 2022
Une autre guerre : celle du temps de Carême L'Homme Nouveau

À côté des conflits comme celui qui se déroule en Ukraine et qui font malheureusement des victimes, il existe des guerres qui assurent le salut. C’est le cas du Carême, temps par excellence de combat contre soi-même en suivant le Christ, vrai modèle. Quelques explications extraites de l’Année liturgique de dom Guéranger, restaurateur de la vie bénédictine en France après la Révolution.

Pourquoi le Carême était-il appelé autrefois « la carrière de la milice chrétienne » ?

« Pour obtenir cette régénération qui nous rendra dignes de retrouver les saintes allégresses de l’Alleluia, explique dom Guéranger, il nous faut avoir triomphé de nos trois ennemis : le démon, la chair et le monde. Unis au Rédempteur, qui lutte sur la montagne contre la triple tentation et contre Satan lui-même, il nous faut être armés et veiller sans cesse. »

Quels sont les événements associés au Carême ?

Retenons en trois :

1°) la montée de la conspiration contre Jésus qui le conduira jusqu’à la Croix ;

2°) les dernières préparations au baptême pour les futurs baptisés dans la nuit de Pâques ;

3°) enfin, la mémoire des pénitents publics qui, naguère expulsés solennellement de l’assemblée des fidèles le Mercredi des Cendres, étaient, dans tout le cours de la sainte Quarantaine, un objet de préoccupation maternelle pour l’Église, qui devait, s’ils le méritaient, les admettre à la réconciliation le Jeudi saint.

Le Christ a-t-il fait Carême ?

Le Christ nous a montré l’exemple en jeûnant quarante jours, retiré au désert.

« Dans l’amour fraternel qu’il nous porte, voyant que la carrière de la pénitence allait s’ouvrir pour nous, il est venu nous encourager par sa présence et par ses exemples. Nous allons nous livrer durant quarante jours au jeûne et à l’abstinence : lui, l’innocence même, va consacrer le même temps à affliger son corps. Nous nous séparons pour un temps des plaisirs bruyants et des sociétés mondaines : il se retire de la compagnie et de la vue des hommes. Nous voulons fréquenter plus assidûment la maison de Dieu et nous livrer à la prière avec plus d’ardeur : il passera quarante jours et quarante nuits à converser avec son Père, dans l’attitude d’un suppliant. Nous allons repasser nos années dans l’amertume de notre cœur et gémir sur nos iniquités : il va les expier par la souffrance et les pleurer dans le silence du désert, comme s’il les avait lui-même commises. (…) C’est ainsi que le Sauveur nous précède et nous dépasse dans la voie sainte du Carême ; il l’essaie et l’accomplit devant nous, afin de faire taire par son exemple tous nos prétextes, tous nos raisonnements, toutes les répugnances de notre mollesse et de notre orgueil. Acceptons la leçon dans toute son étendue, et comprenons enfin la loi de l’expiation. »

Le Carême est-il une question de pénitence physique ?

Écoutons encore dom Guéranger : « Le corps doit participer aux délices de l’éternité ou aux tourments de l’enfer. Il n’y a donc point de vie chrétienne complète, ni non plus d’expiation valable, si dans l’une et l’autre il ne s’associe à l’âme. Mais le principe de la véritable pénitence est dans le cœur : nous l’apprenons de l’Évangile par les exemples de l’Enfant prodigue, de la Pécheresse, du publicain Zachée, de saint Pierre. Il faut donc que le cœur rompe sans retour avec le péché, qu’il le regrette amèrement, qu’il l’ait en horreur et qu’il en fuie les occasions. Pour exprimer cette disposition, l’Écriture se sert d’une expression qui est passé dans le langage chrétien et rend admirablement l’état de l’âme sincèrement revenue du péché ; elle l’appelle la conversion. Le chrétien doit donc, durant le Carême, s’exercer à la pénitence du cœur et la regarder comme le fondement essentiel de tous les actes propres à ce saint temps. Néanmoins, cette pénitence serait illusoire, si l’on ne joignait l’hommage du corps aux sentiments intérieurs qu’elle inspire. Le Sauveur, sur la montagne, ne se contente pas de gémir et de pleurer sur nos péchés ; il les expie par la souffrance de son corps ; et l’Église, qui est son interprète infaillible, nous avertit que la pénitence de notre cœur ne sera pas reçue, si nous n’y joignons la pratique exacte de l’abstinence et du jeûne. »

Et à côté de la pénitence ?

« Entrons donc avec résolution dans la voie sainte que l’Église ouvre devant nous, et fécondons notre jeûne par les deux autres moyens que Dieu nous propose dans les saints Livres : la prière et l’aumône. De même que sous le nom de jeûne, l’Église entend toutes les œuvres de la mortification chrétienne ; sous le nom de la prière elle comprend tous les pieux exercices par lesquels l’âme s’adresse à Dieu. La fréquentation plus assidue de l’Église, l’assistance journalière au saint Sacrifice, les lectures pieuses, la méditation des vérités du salut et des souffrances du Rédempteur, l’examen de la conscience, l’usage des Psaumes, l’assistance aux prédications particulières à ce saint temps, et surtout la réception des sacrements de pénitence et d’Eucharistie, sont les principaux moyens par lesquels les fidèles peuvent offrir au Seigneur l’hommage de la prière. »

L’aumône est-elle vraiment importante ?

« L’aumône renferme toutes les œuvres de miséricorde envers le prochain : aussi les saints Docteurs de l’Église l’ont-ils unanimement recommandée comme le complément nécessaire du jeûne et de la prière pendant le Carême. C’est une loi établie de Dieu, et à laquelle il a daigné lui-même se soumettre, que la charité exercée envers nos frères, dans le but de lui plaire, obtient sur son cœur paternel le même effet que si elle s’exerçait directement envers lui-même. Telle est la force et la sainteté du lien par lequel il a voulu unir les hommes entre eux ; et de même qu’il n’accepte pas l’amour d’un cœur fermé à la miséricorde, de même il reconnaît pour véritable, et comme se rapportant à lui, la charité du chrétien qui, soulageant son frère, rend hommage au lien sublime par lequel tous les hommes s’unissent dans une même famille dont Dieu est le père. C’est par ce sentiment que l’aumône n’est plus seulement un acte d’humanité, mais s’élève à la dignité d’un acte de religion qui monte directement à Dieu et apaise sa justice. Rappelons-nous la dernière recommandation du saint archange Raphaël à la famille de Tobie, au moment de remonter au ciel : “La prière accompagnée du jeûne et de l’aumône vaut mieux que tous les trésors ; l’aumône délivre de la mort, efface les péchés, ouvre la miséricorde et la vie éternelle” ».

Un dernier conseil ?

« Il est un dernier moyen d’assurer en nous les fruits du Carême : c’est l’esprit de retraite et de séparation du monde. Les habitudes de ce saint temps doivent trancher en toutes choses sur celles du reste de l’année ; autrement l’impression salutaire que nous avons reçue, au moment où l’Église imposait la cendre sur nos fronts, se dissiperait en peu de jours. Le chrétien doit donc faire trêve aux vains amusements du siècle, aux fêtes mondaines, aux réunions profanes. » 

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