Ce mardi 5 juin, s’est éteint dom François Henry, moine de l’abbaye de Fontgombault. Son enterrement aura lieu ce vendredi 8 juin à 10h30. Avec les nombreux lecteurs qui l’ont connu, Pasquin partage sa peine.
Comme si le crabe n’avait que ça à faire que de ronger la rate d’un bénédictin, de se repaître de sa tripe à lui en arracher la vie. N’épargnant rien, pas même lui, pas même la chair et le sang de ceux qui, pourtant, ont déjà donné leur vie. Vilaine preuve de ce qu’est la maladie. Nous savons tous dans quelle tanière de mort et de soufre elle fut engendrée, de quel refus elle est le fruit, de quelle faiblesse elle est la conséquence. Mon père, en rédigeant cette chronique, les larmes brouillent l’écran, je vous pleure ; tout simplement parce que je vous aimais comme on aime un proche, un très proche. Je vous aimais profondément, depuis longtemps. Du jeune scout, de l’adolescent, de l’étudiant, de l’amoureux, du fiancé, de l’homme marié, du père de famille, du professionnel, vous avez tout su, tout écouté, tout pardonné au nom du Seigneur, relevé et réorienté, souvent avec humour, parfois même caustique… Vous n’aviez ni la charité poisseuse, ni la compassion gnangnan, ni le conseil alambiqué. Combien sommes-nous à avoir été accompagnés vers nos vocations respectives ? Combien d’heures de parloir et de tours de parc ? J’ai rencontré, presque frustré, quantité d’alter ego qui pensaient eux aussi être seuls à avoir le privilège d’être spirituellement suivis par vous, tant vous saviez donner du temps à chacun. Parfois, votre indémodable téléphone sans fil sonnait sous votre bure, venant nous rappeler qu’il y avait un monde au-delà du parloir. Mais seule la cloche de l’office vous tirait de l’écoute pour vous mettre en prière. Mon père, je vous pleure et je n’ai pu vous dire adieu. Je vous ai vu pourtant, il y a quelque temps, la démarche improbable, le teint mortellement jaune, les cernes gris inquiétants, le visage fatigué, tiré et je vous ai cru quand vous avez dit : « Le pire est derrière nous ». Je vous ai cru au premier degré, parce que quelque chose n’avait pas changé : votre regard, votre sourire. J’y ai vu la vie… c’était depuis longtemps la vie éternelle.