> 1925-2025 : Dieu le veut ! | Jubilé des 1ers samedis de Fatima
Après la très ancienne dévotion au Cœur immaculé de Marie, le chanoine Mesureur revient aujourd’hui sur l’histoire de Notre-Dame des Victoires et la création de l’association du Saint et Immaculé Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs, devenue confrérie universelle.
Lancés dans notre étude sur le Cœur immaculé de Marie, nous terminions notre précédent billet sur cette promesse faite à Lucie, lors de la deuxième apparition de Fatima, le 13 juin 1917 : « Mon Cœur immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu. »
Derrière cette promesse, on sent toute la tendresse de notre mère du Ciel ; on sent aussi toute sa puissance qu’elle, la Reine des anges et des hommes, est prête à déployer pour protéger ses enfants.
Si Marie est avec nous, qui sera contre nous ?
« Telle est la volonté du Très-Haut, qui exalte les humbles, que le Ciel, la terre et les enfers plient, bon gré mal gré, aux commandements de l’humble Marie, qu’il a faite souveraine du ciel et de la terre, la générale de ses armées, la trésorière de ses trésors, la dispensatrice de ses grâces, l’ouvrière de ses grandes merveilles, la réparatrice du genre humain, la médiatrice des hommes, l’exterminatrice des ennemis de Dieu et la fidèle compagne de ses grandeurs et de ses triomphes. » (Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion, n°29)
Cette tendresse et cette puissance vont se déployer tout spécialement au cours du XIXe siècle, période de grands troubles, qui va engendrer dans toute l’Europe un éloignement de la foi et de la pratique religieuses. La France sera particulièrement touchée, au point que la Sainte Vierge se montrera à plusieurs reprises pour amener ses enfants à la pénitence : Paris en 1830, La Salette en 1846, Lourdes en 1858, Pontmain en 1871… À chaque fois, ses exhortations à la confiance en Dieu se mêlent à l’expression de sa douleur et ses appels à la conversion.
Mais, au milieu de ces grandes apparitions, accompagnées parfois de faits extraordinaires (les miracles de la médaille des sœurs de la rue du Bac, devenue la « médaille miraculeuse » et les guérisons obtenues à la grotte de Lourdes), il faut glisser l’intervention très humble et cependant si fructueuse de la reine du Ciel, dans le Paris révolutionnaire de 1836, intervention qui va faire éclore la dévotion à son Cœur immaculé : voici l’histoire de Notre-Dame des Victoires.
Paris, 1629
Il faut remonter au XVIIe siècle, durant le règne de Louis XIII, roi très dévot envers la Sainte Vierge. Il l’avait fortement invoquée pour obtenir la victoire sur les ennemis du royaume, notamment les protestants réfugiés à La Rochelle. La victoire, sans nul doute, c’était bien la Sainte Vierge qui l’avait obtenue, en réponse aux nombreux chapelets récités en son honneur.
Car sur demande du souverain lui-même, le rosaire avait été prié devant toute la cour par les dominicains du faubourg Saint-Honoré. Puis le roi avait demandé aux frères prêcheurs d’instruire l’armée. Quinze mille chapelets avaient été distribués. Et tous les soirs, les troupes chantaient Ave et cantiques autour de la ville assiégée en portant une statue de Notre-Dame, espérant l’aide du Ciel comme, autrefois, les Israélites devant Jéricho.
Aussi, l’année suivante, lorsque les religieux augustins déchaux de Paris s’adressèrent au roi afin d’obtenir l’argent nécessaire à la construction d’une chapelle pour leur couvent, celui-ci accepta, mais à une condition : que cette chapelle porte le nom de Notre-Dame-des-Victoires, expression de la reconnaissance du souverain et de tout le royaume.
Le 8 décembre 1629, en la fête de la Sacrée Conception de Marie (le dogme de l’Immaculée Conception ne sera proclamé qu’en 1854), les fondations furent bénies et le roi en posa la première pierre.
Et ce fut dans ce couvent que le frère Fiacre eut une apparition de la Sainte Vierge lui demandant d’accomplir trois neuvaines, la première à Notre-Dame de Grâces (à Cotignac), la deuxième à Notre-Dame de Paris et la dernière à Notre-Dame des Victoires, afin d’obtenir la naissance d’un dauphin, Louis XIII et Anne d’Autriche n’ayant pas d’enfant. L’humble frère s’en acquitta du 8 novembre au 5 décembre 1637. Et c’est ainsi que, le 5 septembre 1638, neuf mois jour pour jour après ces neuvaines, naissait Louis « Dieudonné », qui passerait à la postérité en tant que Louis XIV.
Paris, 1836
Si nous sautons deux siècles, nous arrivons alors à l’année 1832. Les révolutions sont passées par là et, plus que tout autre ville, la capitale a souffert de la persécution. Beaucoup n’ont plus la foi et le bon curé de Notre-Dame-des-Victoires, désormais paroisse, se lamente : son église est quasiment vide ! En plein Paris, et dans un lieu consacré à la Vierge !
Quatre ans plus tard, la situation n’a guère changé et le désespoir commence à s’inviter, au point que l’abbé Desgenettes songe à demander sa mutation. Mais, le 3 décembre 1836 (un premier samedi du mois !), en célébrant la sainte messe, une voix lui dit intérieurement : « Consacre ta paroisse au Très Saint et Immaculé Cœur de Marie ! » Une première puis une seconde fois, ce qui permet au curé d’être certain de n’avoir pas rêvé.
Bien que fort surpris, il décida néanmoins de passer à l’acte, se disant que si en définitive cela ne faisait pas de bien, de toutes les façons cela ne pouvait faire aucun mal. De retour chez lui, il composa les statuts d’une association du Saint et Immaculé Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs. Les membres de cette association s’engageaient à assister à la messe chaque premier samedi du mois et, ce jour-là, à prier plus particulièrement pour la conversion de pécheurs.
Craignant cependant d’avoir été victime d’une illusion, il demanda à la Sainte Vierge de bien vouloir lui donner un signe. Le samedi suivant, l’évêque de Paris, Monseigneur de Quelen, approuva les statuts de la nouvelle association et donna son accord pour commencer dès le lendemain les exercices de piété proposés. Ce jour-là (troisième dimanche de l’Avent, le fameux dimanche Gaudete, aux ornements roses), l’abbé Desgenettes annonça en chaire aux dix fidèles qui assistaient à la grand-messe que, le soir, il célébrerait un office de dévotion au Cœur immaculé de Marie et lui consacrerait sa paroisse. Dès cet instant, une pluie de grâces commença à inonder la paroisse.
À la fin de la messe, deux pères de famille demandèrent à se confesser. N’est-ce pas déjà un petit miracle, lorsqu’on connaît la répugnance naturelle qu’ont les hommes dans leur ensemble à se confesser ? Et le même soir, sans aucune publicité, l’église était trop petite : il y eut entre quatre cents et cinq cents personnes dans l’église, dont un nombre considérable d’hommes. Jamais auparavant, l’abbé n’avait vu une telle affluence dans son église, et cela uniquement après avoir fait son annonce du matin, en chaire, aux dix personnes présentes.
Ce premier événement fut suivi par une série presque ininterrompue de signes. Le lendemain, l’abbé Desgenettes rendit visite à Étienne de Joly, dernier garde des sceaux de Louis XVI, qui avait vécu sans Dieu et, à présent à l’article de la mort, était bien décidé à faire de même. Ainsi refusait-il catégoriquement le secours des sacrements.
Seulement, ce jour-là, contre toute attente, il accepta de recevoir son curé, qui tentait une dernière approche, encouragé par Notre-Dame. Et, plus miraculeux encore, après quelques instants de conversation, il demanda aussi à se confesser, infiniment troublé de sentir dans son cœur une chaleur qu’il n’avait pas connue depuis bien longtemps. Il mourut saintement quatre mois plus tard, en ayant bien regretté ses péchés.
Sans attendre, dès le 12 janvier 1837, l’abbé Desgenettes procéda à l’ouverture des registres de l’association. Dix jours plus tard, il y avait 214 inscrits, l’année suivante (avril 1838), l’association du Saint et Immaculé Cœur de Marie était érigée par Grégoire XVI en archiconfrérie universelle, et cinq ans après (avril 1842) on comptait deux millions de membres et mille neuf cent paroisses affiliées. En 1848, Notre-Dame des Victoires était l’église la plus fréquentée de Paris.
Il n’y a que le Ciel qui sache faire de telles merveilles !
Une dévotion essentielle
Convertir des cœurs endurcis, c’est bien autre chose que guérir des corps ou même repousser une armée. Et pourtant, notre Reine accomplit aussi bien l’un que l’autre, dès que la demande lui en est faite.
Ne considérons donc pas la dévotion au Cœur immaculé comme une dévotion superfétatoire mais, au contraire, bien nécessaire : « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. »
Le couvent des frères augustins était déjà consacré à Marie, sous le beau vocable de Notre- Dame-des-Victoires, mais la Sainte Vierge a voulu ajouter cette consécration à son Cœur très pur, peu de temps avant de dire à tous ses enfants : « Mon Cœur immaculé triomphera ! »
Par notre zèle à observer ses cinq demandes, hâtons son triomphe ! Que chaque premier samedi du mois, au moins cinq fois de suite, nous remplissions les conditions suivantes :
- communion ;
- confession ;
- chapelet ;
- quinze minutes d’oraison sur les mystères du rosaire ;
- le tout en esprit de réparation pour les offenses commises contre le Cœur immaculé de Marie.
Dieu le veut !
Chanoine Adrien Mesureur,
ancien aumônier de l’école Notre-Dame-de-Fatima (près de Lille)
et responsable des retraites spirituelles de l’ICRSP à Loisy (près de Paris).
Courte et très belle prière composée par l’abbé Desgenettes :
Dès le commencement de ce jour, je vous offre, ô Marie, ma mère, toutes mes pensées, toutes mes affections, toutes les prières, les actes de charité et de mortifications que je ferai aujourd’hui. Ob- tenez-moi la grâce de les faire tous avec pureté d’intention et pour la gloire de Dieu.
Je les consacre à votre Cœur très saint et immaculé, afin que par lui et avec lui, ils soient dignes de glorifier la sainte Trinité, et vous prie d’implorer la grâce de ma conversion et celle de tous les pécheurs.
Ô sainte Marie, conçue sans péché et Mère de Dieu, gardez-moi de tout péché pendant ce jour. Ainsi soit-il.
>> à voir : Est-ce la fin de l’Église de France ?