Le 24 novembre dernier, la Confédération des Juristes catholiques de France tenait son 29ème colloque au Palais de justice de Paris, sur le thème de « L’intérêt supérieur de l’enfant ». Les travaux étaient présidés par Monsieur le Cardinal Franc Rodé, Préfet émérite de la Congrégation au Saint-Siège. Dans le contexte actuel de « PMA, voire de GPA pour tous », il faut saluer l’intelligence des juristes qui ont su, au cours de travaux d’une grande densité, donner le meilleur du droit à la cause des enfants.
L’enfant au coeur de la société
Le Professeur J.B. d’Onorio, Président de la Confédération, souffrant, avait confié son Introduction au Professeur J.M. de Forges. Il y soulignait que nous étions en train de vivre le succès culturel de 1968, avec son relativisme social et son subjectivisme. L’intérêt de l’enfant permet de revenir à la famille : celle-ci se porte mal. Elle est minée par l’individualisme et son cortège de lois et de jurisprudence mortifères. Le Professeur d’Onorio en dresse un tableau éloquent qui l’amène à conclure que tant de dérives tiennent simplement à la luxure des mœurs des adultes.
Le Cardinal Rodé donnait alors la véritable dimension du sujet. C’est Jésus qui lui-même qui a situé l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous sommes invités à devenir des enfants pour rentrer dans le Royaume de Dieu. Peu valorisé dans notre société, l’enfant vit de son père et de sa mère. Il nous fait voir le Père céleste et nous introduit à la maturité chrétienne. Sur terre, l’Église a élaboré une doctrine des droits de l’enfant afin de garantir les nouvelles générations. Par ailleurs, elle s’est attaquée fermement aux abus sexuels de certains de ses clercs en faisant remonter les dossiers au Saint-Siège.
L’intérêt supérieur de l’enfant malmené par l’individualisme
Aline Cheynet de Beaupré, Professeur de droit à l’Université d’Orléans, disait l’ambiguïté d’un droit civilqui sait actuellement protéger l’enfant aux divers stades de son évolution, mais qui, à cause du relativisme social, détruit les quelques barrières établies à cet effet. L’adoption, le divorce sans juge, l’intérêt à naître ou non, le changement de sexe, sont autant de questions où il serait bon de tenir une ligne claire. Nous sommes en pleine régression juridique.
Jean-René Binet, Professeur de droit à l’Université de Rennes, illustrait fort à propos cette régression en matière de bioéthiqueet les complications sans fin de notre droit qui en découlaient. Si l’enfant à naître doit être respecté, que dire de celui qui n’est pas encore conçu, de l’intervention de la technique ? Les problèmes de filiation, de don de gamètes, d’accès aux origines, d’IVG, de PMA, de bébé médicament, de PMA et GPA interdites mais contournées en pratique, brouillent le discours de l’intérêt de l’enfant qui finit par devenir abstrait.
Traitant du droit de la santé, Aude Mirkovic, Maître de conférences à l’Université d’Evry, confirmait cette évolution d’un droit fait normalement pour protéger les prérogatives des parents à l’égard de leurs enfants, mais qui arrive à les évincer. Le cas le plus choquant de cette dérive est dans le domaine de la santé reproductive et sexuelle où, pour la délivrance des contraceptifs, le mineur est privé la protection de l’autorité parentale.
L’intérêt supérieur de l’enfant mesure des devoirs de la société
Le droit pénal, abordé ensuite par Maître Adeline le Gouvello, fait obligation à l’État de protéger la société du délinquant. Si ce dernier est un enfant, les mesures prises à son encontre sont, selon son âge, plus ou moins éducatives ou répressives. Il y a donc une reconnaissance progressive de sa responsabilité. Mais à l’heure actuelle, l’accroissement des violences change la forme de la délinquance. Le système éducatif paraît dérisoire et il y a plus de demande pour les mesures répressives. Si l’on considère l’enfant-victime les infractions sexuelles sur les mineurs sont difficilement prises en compte, car le droit est confronté aux notions de consentement est de contrainte. Les enfants sont considérés comme mieux informés qu’autrefois, mais il est clair que nous manquons de principes éducatifs.
Ces principes se retrouvent dans l’éducation religieuse. Selon Julien Couard, Directeur de l’Institut Portalis d’Aix, la responsabilité en revient aux parents et le droit est normalement peu concerné, car il n’a pas pour vocation de régir le for interne. L’État laïque est donc simplement garant de ce droit. Les litiges naissent souvent en cas de désaccord entre les parents. Mais l’intervention du juge ne satisfait personne. La tendance générale est de sanctionner le comportement éducatif déviant au regard du standard social.
Grégor Puppinck, Directeur du Centre européen pour le Droit et la Justice, souffrant lui aussi, avait confié sa conférence concernant le domaine international, au Professeur J.P. Gridel. L’intérêt supérieur de l’enfant a une vertu protectrice, car il est destiné à le protéger du pouvoir arbitraire des adultes. Le droit européen et international n’hésite pas à instrumentaliser cette notion pour privilégier une liberté qui ne supporte aucune limite. Ainsi, le Comité des droits de l’homme ne voit pas le côté bénéfique de la vie, mais les atteintes qu’elle peut apporter à la liberté individuelle des personnes. La vie est protégée non pas en elle-même, mais seulement si elle est voulue. Cependant, la Cour européenne des droits de l’homme va à rebours de cette tendance individualiste quand, dans le cadre de la GPA, elle choisit de s’opposer aux satisfactions des désirs individuels pour protéger ldes intérêts publics et même ceux des générations futures. Ceci permet de réintroduire la considération du bien commun et des devoirs de la société à l’égard du futur1.
Note 1 : Etant donné le contexte actuel il a été demandé que les Actes de ce très riche colloque soient publiés le plus rapidement possible. Ils le seront par les éditions Téqui qui a fait paraître les volumes des précédents colloques : Le mariage en question et La dignité au regard du droit.