Sur « L’Avant-blog » (20 avril), l’essayiste Eric Werner estime qu e nous allons vers la mise en place de ce qu’il qualifie de « société totale ». Explication :
Les lois antiterroristes avaient pour but la création d’un Etat total. En grande partie, c’est maintenant chose faite. Mais les dirigeants n’entendent pas en rester là. Ils veulent aller plus loin. L’Etat total c’est bien. Mais au-delà de l’Etat total, il y a la société totale. Une définition possible de l’Etat total est de dire qu’il donne tous les pouvoirs à la police. La police fait ce que bon lui semble, elle fonctionne en roue libre. Voilà l’Etat total. La société totale, c’est autre chose encore. L’objectif, en l’espèce, est une refonte complète du mode et des habitudes de vie. L’actuelle pandémie en offre l’opportunité. On profite du choc ainsi créé pour avancer un peu plus encore dans la voie de l’Etat total, mais surtout pour jeter les bases de la société totale. Des pans entiers de l’économie sont d’ores et déjà passés à la trappe. On crée ainsi les conditions de possibilité d’une nouvelle société: la société totale, justement. Ubérisation du travail, télémédecine, « homme augmenté », certificat de santé, euthanasie, assignation à résidence, revenu unique de base: telles en sont les caractéristiques.
Entre confinement, sidération et communication politique, la pandémie révèle aussi des réalités plus terre à terre, comme le montre Xavier Guilhou, ancien responsable de la DGSE et des Forces spéciales sur diploweb.com (22 avril) :
Nos vieux pays sont passés en quelques semaines de confinement (depuis le 16 mars 2020 pour la France) de l’état de sidération, à celui d’acceptation en attendant avec une certaine résignation un retour à une vie normale en vue d’une reconstruction économique, sociétale et morale. Entre temps les éditos ne cessent de clamer que « demain ne sera plus comme avant ! ». De leur côté, les politiques, qui ne se sont jamais préparés à de tels scénarios, tentent vainement de démontrer qu’ils maitrisent une situation qui leur échappe. (…) Encore faudrait-il déjà disposer des capacités basiques pour sauver les vies humaines avec 80% des productions de médicaments et produits sanitaires délocalisés en Inde, en Chine et dans les pays du sud-est asiatiques [3] et ne pas être piégés par des dettes publiques abyssales… Cette pandémie révèle de façon flagrante la perte d’autonomie tactique de nos grands pays riches qui détiennent des armes nucléaires, sont membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, mais ne disposent pas des moyens élémentaires pour protéger leurs populations contre un simple virus… (…) Si cette pandémie a déstabilisé nos agendas de riches elle ne s’avère pas forcément dangereuse sur le fond, 95% des malades étant rapidement soignés et guéris. Elle est en revanche catastrophique pour nos systèmes de santé lorsqu’ils basculent en surcharge voire en débordement de leurs capacités du fait de la vitesse de contagion du virus. Or comme nous avons promis à nos sociétés, empreintes par ailleurs de jeunisme et de nihilisme, une qualité hospitalière exemplaire, il est évident qu’un scénario non éthique de sélection de la létalité de cette pandémie devient tout simplement insupportable pour des populations qui ont peur de mourir…et qui exigent de fait un traitement égalitaire en termes de soins…
Au milieu de remarques sur l’enseignement et d’appel à ses collègues à reprendre le travail dès le 11 mai, Jean-Paul Brighelli sur le site de Marianne (20 avril) signe une tribune où il rappelle, au cas où nous l’aurions oublié, que la philosophie des Lumières est une religion et qu’elle possède son sacerdoce : les enseignants :
Après tout, j’ai fait ce métier parce que j’en avais la vocation. Lorsque Péguy parlait des « hussards noirs », c’était par référence aux prêtres de l’enseignement libre. Nous sommes les prêtres des Lumières —ou alors, c’est que vous avez renoncé aux Lumières. Et puis, au pire, voilà une belle occasion de mourir en scène et en héros… (…) Dernier point : les enseignants, pour des raisons déraisonnables, ont une image désastreuse dans l’opinion. Eh bien, lancez-vous donc dans une entreprise qui vous vaudra les applaudissements de vos concitoyens — qui ont mesuré, en récupérant leurs petits monstres, à quel point notre travail quotidien tenait du sacerdoce. La reprise en main ne sera pas aussi compliquée que vous le craignez : les élèves se tiendront à carreau, parce qu’on leur a suffisamment fait la leçon à grands coups de programmes anxiogènes. Il y a même une petite chance pour que sorte de cet épisode un peu plus de vraie sociabilité, que tous les travaux de groupe et autres bonnes intentions pédadémagogiques n’ont jamais fait qu’effleurer.
Chaque matin, la rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une courte revue de presse, principalement axée sur la réflexion (sans dédaigner l’information pure). Nous ne cherchons pas d’abord à faire du clic, pour nourrir des statistiques et l’auto-satisfaction. Notre démarche est plus simple et repose sur une conviction presque simpliste : « demain se prépare aujourd’hui ». Dans ce sens, depuis des années, L’Homme Nouveau propose un regard différent, loin des clivages faciles dans le but d’offrir les outils conceptuels, les habitus de réflexion pour reconstruire une société humaine et chrétienne. cette Revue de presse ne se contente pas de proposer des informations éphémères, mais vous offre aussi de découvrir des réflexions. Elle est là pour nous inviter à réfléchir. En ce sens, elle ne perd (presque) rien de son actualité. Elle se lit et se relit.
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