Le groupe Lafarge au pilori

Publié le 04 Nov 2024

Le procès intenté au groupe Lafarge est-il politique ? © CC BY 2.0, Chad Davis

Depuis plusieurs années, le groupe français Lafarge est accusé de financement du terrorisme en Syrie entre 2013 et 2014. 

  Le 16 octobre, trois juges d’instruction ont ordonné la tenue d’un procès contre le groupe cimentier Lafarge et huit accusés pour financement du terrorisme. Les sommes concernées atteindraient cinq millions d’euros et auraient principalement profité à Daech (l’État islamique). Cette affaire soulève de nombreuses questions qui ne sont pas évoquées par nos confrères. Les faits se sont déroulés en Syrie et allaient du printemps 2013 à la fin de l’été 2014. Depuis 2011, la guerre civile battait son plein dans le pays quand, en 2013, Daech s’invita à son tour dans le conflit. L’usine Lafarge de Jalabiya, dans le Nord-Est, se retrouva encerclée avec ses 250 salariés syriens. Une multitude de barrages tenus par des miliciens islamistes armés coupaient toutes les routes d’accès. En 2012, l’entreprise avait même dû payer 200 000 € pour faire libérer huit de ses employés. Pendant la période incriminée, les responsables de Lafarge sont accusés d’avoir remis de l’argent à un homme d’affaires de la ville de Raqqa, Ahmad Jamal, en relation avec Daech. Les sommes versées auraient été, selon toute vraisemblance, destinées à acheter l’immunité de Lafarge et de ses employés.

Face au canon du fusil

Les grandes âmes vous diront : « On ne donne pas d’argent à un groupe terroriste. » Fort bien ! Mais que fait-on face à un canon de fusil au chargeur engagé ? Les mêmes grandes âmes répliqueront : « On quitte le pays. » Et l’on abandonne ses biens ! Or l’investissement de Lafarge sur place était considérable. Dans les conflits, plus spécialement dans les guerres civiles, en tant qu’étrangers, on se voit souvent confronté à ce type de dilemme. Les journalistes eux-mêmes se retrouvent parfois piégés dans des situations où il faut choisir entre les grands principes et la survie. Il y a néanmoins quelque chose d’étonnant. Alors que l’on accuse Lafarge de complicité avec Daech, les directeurs de l’entreprise entretenaient des relations suivies avec le Quai d’Orsay. Un ancien directeur adjoint de la cimenterie, Christian Herrault, affirme même que les autorités gouvernementales ont incité l’entreprise à rester pour préserver « le plus gros investissement français en Syrie ». Mieux, pendant cette période, comme Herrault, Jean-Claude Veillard, le directeur de la sûreté de Lafarge, a rencontré un officier de la DGSE à plusieurs reprises. En bons Français conscients de leurs responsabilités,…

Pour continuer à lire cet article
et de nombreux autres

Abonnez-vous dès à présent

Alain Chevalérias

Ce contenu pourrait vous intéresser

SociétéArt et Patrimoine

Transmettre le patrimoine vivant, un défi pour la France

Entretien | Malgré les difficultés et la disparition d’un tiers des événements en cinq ans, les Français restent profondément attachés à leurs traditions festives. Thomas Meslin, cofondateur de l’association « Les Plus Belles Fêtes de France », défend ce patrimoine culturel immatériel et veut lui redonner visibilité et dynamisme grâce à un label national et un soutien accru aux bénévoles. Entretien.

+

les plus belles fêtes de france label patrimoine
Société

Nos raisons d’espérer

L’Essentiel de Joël Hautebert | Malgré l’effondrement des repères et la crise des institutions, il demeure des raisons d’espérer. On les trouve dans ces hommes et ces femmes qui, par leurs vertus simples et leur fidélité au devoir d’état, sont capables d’assumer des responsabilités au service du bien commun.

+

espérer vertu
SociétéFin de vie

Euthanasie : « Pierre Simon voulait faire de la vie un matériau à gérer »

Entretien | Alors que le Sénat reporte une nouvelle fois l’examen du projet de loi sur la fin de vie, l’essayiste Charles Vaugirard publie La face cachée du lobby de l’euthanasie (Téqui). En s’appuyant sur les écrits oubliés de Pierre Simon, fondateur de l’ADMD et ancien grand maître de la Grande Loge de France, il dévoile les racines eugénistes et prométhéennes d’une idéologie qui, selon lui, continue d’inspirer les lois bioéthiques contemporaines.

+

euthanasie pierre Simon
SociétéPhilosophie

La logique, un antidote à la crise de la vérité

C’est logique ! – Entretien | Dans son nouvel ouvrage Devenir plus intelligent, c’est possible ! (Le Cerf), François-Marie Portes invite à redécouvrir les outils logiques de la tradition antique et médiévale. Pour lui, apprendre à définir, énoncer et argumenter n’est pas réservé aux spécialistes : c’est un savoir-faire accessible à tous, indispensable pour retrouver le goût de la vérité dans un monde saturé de discours trompeurs. Entretien.

+

penser portes intelligent logique
SociétéLectures

Maurras, pour la Nation, contre le racisme

Entretien | En août, les éditions de Flore publiaient un petit livre d'Axel Tisserand, Maurras, pour la Nation, contre le racisme. À cette occasion, Philippe Maxence s’est entretenu avec l’auteur, agrégé de lettres classiques et docteur en philosophie, au sujet de Charles Maurras (1868-1952).

+

charles maurras racisme nation patrie
SociétéPhilosophie

Le Centre culturel Simone Weil : redonner à la médecine son âme

Entretien | Créé par des professionnels de santé pour leurs confrères, le Centre culturel Simone Weil propose des formations alliant médecine et philosophie. À l’occasion de son séminaire de novembre, il invite praticiens, étudiants et aidants à redécouvrir la vocation profondément humaine et éthique de la médecine face aux défis contemporains. Présentation par François et Marie Lauzanne, pharmaciens et fondateurs du centre.

+

Centre culturel Simone Weil médecine