Depuis plusieurs années, le groupe français Lafarge est accusé de financement du terrorisme en Syrie entre 2013 et 2014.
Le 16 octobre, trois juges d’instruction ont ordonné la tenue d’un procès contre le groupe cimentier Lafarge et huit accusés pour financement du terrorisme. Les sommes concernées atteindraient cinq millions d’euros et auraient principalement profité à Daech (l’État islamique). Cette affaire soulève de nombreuses questions qui ne sont pas évoquées par nos confrères. Les faits se sont déroulés en Syrie et allaient du printemps 2013 à la fin de l’été 2014. Depuis 2011, la guerre civile battait son plein dans le pays quand, en 2013, Daech s’invita à son tour dans le conflit. L’usine Lafarge de Jalabiya, dans le Nord-Est, se retrouva encerclée avec ses 250 salariés syriens. Une multitude de barrages tenus par des miliciens islamistes armés coupaient toutes les routes d’accès. En 2012, l’entreprise avait même dû payer 200 000 € pour faire libérer huit de ses employés. Pendant la période incriminée, les responsables de Lafarge sont accusés d’avoir remis de l’argent à un homme d’affaires de la ville de Raqqa, Ahmad Jamal, en relation avec Daech. Les sommes versées auraient été, selon toute vraisemblance, destinées à acheter l’immunité de Lafarge et de ses employés.
Face au canon du fusil
Les grandes âmes vous diront : « On ne donne pas d’argent à un groupe terroriste. » Fort bien ! Mais que fait-on face à un canon de fusil au chargeur engagé ? Les mêmes grandes âmes répliqueront : « On quitte le pays. » Et l’on abandonne ses biens ! Or l’investissement de Lafarge sur place était considérable. Dans les conflits, plus spécialement dans les guerres civiles, en tant qu’étrangers, on se voit souvent confronté à ce type de dilemme. Les journalistes eux-mêmes se retrouvent parfois piégés dans des situations où il faut choisir entre les grands principes et la survie. Il y a néanmoins quelque chose d’étonnant. Alors que l’on accuse Lafarge de complicité avec Daech, les directeurs de l’entreprise entretenaient des relations suivies avec le Quai d’Orsay. Un ancien directeur adjoint de la cimenterie, Christian Herrault, affirme même que les autorités gouvernementales ont incité l’entreprise à rester pour préserver « le plus gros investissement français en Syrie ». Mieux, pendant cette période, comme Herrault, Jean-Claude Veillard, le directeur de la sûreté de Lafarge, a rencontré un officier de la DGSE à plusieurs reprises. En bons Français conscients de leurs responsabilités,…