Messe 12 Pater cuncta :
- Kyrie 12
- Glória 12
- Sanctus 12
- Agnus 12
Commentaire musical
Voici un des plus beaux Glória de tout le répertoire grégorien. Il est pourtant très simple et presque syllabique, assez répétitif, mais muni de multiples petites variations qui lui donnent un charme incontestable. Repéré dans des manuscrits nombreux du XIIe siècle, et probablement d’origine allemande, il emprunte sa mélodie au 4e mode, ce qui ajoute sans doute à sa beauté profonde, mystique.
Toutes ses cadences finales de phrases sont placées sur la corde Mi, si contemplative, à l’exception des quatre cadences de la fin qui offrent une merveilleuse progression ascendante (Mi sur nobis ; Fa sur sanctus ; Sol sur Dóminus ; La sur Jesu Christe et sur Patris). Mais on a dévoilé trop tôt le beau secret de cette pièce… Revenons au début qui n’est pas non plus sans splendeur :
L’intonation est assez exceptionnelle dans sa simplicité. Elle part du Ré, monte immédiatement au La, par un intervalle de quinte, le tout premier de la pièce, tout en élan, puis redescend par degrés conjoints jusqu’au Ré, puis remonte, et cette fois par degrés conjoints jusqu’au La, va cueillir avec un infinie délicatesse l’accent de Deus, souligné par le petit épisème horizontal, et enfin redescend toujours par degrés conjoints, mais cette fois sur le Mi, qui apporte sa nuance mystique. Voilà bien une première merveille, faite de très peu de choses au plan mélodique, mais déjà si expressive !
La suite est très simple, et on l’a dit, quasiment syllabique. Elle va jouer sur les cordes Mi, Fa, Sol et La, en prenant appui sur le Ré grave qui fait ici office de sous-tonique, privilégiant les intervalles de seconde, mais n’hésitant pas à introduire des intervalles plus surprenants, typiques d’une mélodie mystique. Et in terra pax reproduit le schéma mélodique de in excélsis Deo.
On observe une première progression entre les verbes Laudamus te (sommet sur le Fa) ; Benedícimus te (sommet sur le Sol) ; Adorámus te (sommet sur le Sol, mais attaque directe aussi sur le Sol) ; Glorificámus te (sommet et attaque directe sur le La) ; enfin, Grátias ágimus tibi (sommet sur le Do au terme d’une belle envolée préparée par la progression des formules précédentes).
Les deux phrases suivantes, Dómine Deus et Dómine Fili, sont quasiment identiques, quasiment syllabiques, sagement contenues à l’intérieur de la quinte Ré-La et revenant toutes deux se poser sur le Mi.
Par contre, le second Dómine Deus s’envole soudain à partir du La pour aller toucher le Do, grâce à une formule déjà rencontrée sur ágimus tibi. Retour au grave presque instantané et assez saisissant, sur Agnus Dei, Fílius Patris.
Qui tollis peccáta mundi : les deux formules sont différentes : la première navigue autour du Sol, entre le Fa et le La ; la seconde part du Do et rejoint le Sol par degrés conjoints, et retrouve la formule du précédent, mais sur les mots súscipe deprecatiónem nostram. Tout cela est plein de vie, une vie presque insaisissable, indéfinissable, mais si réelle, si joyeuse, si chantante !
Nouvel élan soudain, cette fois sur les mots si bien choisis, là encore : Qui sedes ad déxteram Patris. Là, la mélodie se campe directement dans les hauteurs, part du La, s’appuie légèrement sur le Sol en passant, et monte sur les deux cordes Si et Do, sur l’accent de Patris. Puis, l’humilité du second miserére nobis nous ramène à la réalité de notre condition de pécheurs.
La suite, la fin, on la connaît, avec cette merveilleuse progression, évoquée au début, toute simple mais si expressive. Le Amen, quant à lui (qui est aussi celui des Kyrie 1 et 4) est très sonnant, très ferme, procédant uniquement par degrés conjoints, très appuyé sur le Sol initial, très élargi sur les deux descentes des climacus, très ferme sur sa cadence doublement pointée : un Ré, sous-tonique, et le Mi, tonique du 4e mode. Alors que l’ensemble de la pièce est souverainement léger, le Amen est quant à lui bien planté en terre et en chair. Il conclut admirablement ce merveilleux petit Glória.
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