Éditrice jeunesse depuis cinq ans aux Éditions de l’Emmanuel et maman solo de quatre enfants, Anne-Sophie Chauvet est à l’origine de la première Bible catholique à annoter. Entre intuition personnelle, redécouverte d’une tradition ancienne et inspiration venue du « Bible journaling », elle raconte comment est né cet ouvrage pensé pour prier, méditer et laisser la Parole irriguer le quotidien.
| Qu’est-ce qui vous a poussée à vous lancer dans ce projet ?
Cela faisait des années que les éditions de l’Emmanuel rêvaient d’éditer une Bible. C’est un peu le rêve de toute maison d’édition chrétienne. Mais nous ne voulions surtout pas publier une Bible de plus si elle n’apportait rien, d’autres éditeurs le faisaient déjà très bien.
En parlant avec des membres de la communauté de l’Emmanuel, j’ai découvert leur « carnet de paroles », un carnet vierge où ils notent chaque jour ce qu’ils reçoivent dans la prière. En parallèle, je voyais sur les réseaux sociaux des mamans catholiques pratiquer le Bible journaling.
Ces éléments se sont rejoints : une Bible qui permettrait d’écrire, de méditer et de prier au plus près du texte. D’autant que pour moi-même, après une grande épreuve traversée il y a sept ans, la lecture de la Bible a été une immense source d’apaisement, et je notais les versets dans un carnet… mais de façon dispersée. Une Bible à annoter me manquait vraiment.
| Aviez-vous déjà testé cette pratique avant de lancer le projet ?
Pas de façon continue, car les seules Bibles catholiques à annoter étaient en anglais, et les Bibles à annoter en français étaient protestantes. Je n’avais ni envie de lire la Bible catholique en anglais, ni d’utiliser une version protestante.
En revanche, je tenais un carnet dans lequel je recopiais les versets qui me touchaient, mais cela manquait d’unité. L’idée d’avoir la place d’écrire directement dans la Bible me parlait énormément.
| Comment définiriez-vous le « Bible journaling » à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler ?

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C’est utiliser la Bible comme un journal de bord. On lit un passage et, sur la même page, on écrit ou on dessine : un verset qui nous frappe, une intention de prière, une idée de l’homélie du dimanche, ou même un dessin. C’est une manière très simple d’entrer dans la Parole. Certains méditent en dessinant, d’autres en prenant des notes.
On peut aussi changer de couleur chaque année : vert en 2026, bleu en 2027, rouge en 2028… Et on découvre que le même verset nous parle différemment selon les années. C’est une manière très concrète de voir que la Parole est vivante.
| C’est une pratique venue du protestantisme. Pensez-vous que le public catholique français est prêt ?
C’est la première question que j’ai posée à des frères dominicains de Bordeaux : est-ce que c’est sacrilège d’écrire dans la Bible ? Ils ont été catégoriques : non. Écrire de manière respectueuse dans la Bible n’est pas un blasphème.
Et j’ai aussi découvert que les moines, au Moyen Âge, annotaient énormément leurs Bibles. C’est donc aussi une pratique catholique ancienne, que nous avons simplement perdue pendant longtemps.
Les catholiques anglo-saxons se sont réapproprié cette pratique en voyant les protestants le faire mais dans le monde francophone, il manquait un outil catholique : cette Bible vient combler ce manque.
| Comment répondre à ceux qui craignent de se lancer dans la Bible seuls ?
Nous avons placé au début de la Bible une courte page d’introduction qui explique quels outils utiliser pour écrire, mais surtout qui propose trois parcours pour accompagner la lecture : celui du frère Paul-Adrien, celui de Christus Vivit, et celui du père Mike Schmitz, très connu aux États-Unis (en anglais, cette fois).
Une courte bibliographie propose aussi des livres pour approfondir, dans plusieurs maisons d’édition, livre par livre ou sur l’ensemble de la Bible. L’idée est d’accompagner sans alourdir.
| Dans un monde saturé d’images et de réseaux sociaux, en quoi écrire ou dessiner dans la Bible peut-il aider à entrer dans la Parole ?
Le fait de pouvoir écrire, dessiner, confier ses joies ou ses épreuves, aide à entrer dans le texte. Je rêve que cette Bible soit ouverte sur un lutrin, dans une chambre ou un coin prière, et que la dernière chose que l’on fasse avant de dormir soit de noter une pensée, un verset, un merci à Dieu plutôt que de regarder Netflix ou son téléphone.
| Le format est imposant, à contre-courant du petit format poche. Comment le public réagit-il ?
Très bien. Nous avons voulu redonner à la Bible sa forme d’objet sacré : un grand volume, des signets, des cavaliers bibliques pour se repérer, un beau papier. Ce n’est pas la petite Bible de poche des années scouts mais une Bible d’adulte pour grandir dans la foi. Les retours montrent que les gens sont heureux de retrouver ce caractère précieux.

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| Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer ?
Il y a deux façons de commencer. La première : se fixer un petit défi, par exemple pour l’Avent (le début d’une année liturgique) : lire la Bible en un an ou en deux ans en suivant un parcours. Cela évite de commencer par la Genèse et de s’épuiser.
La seconde : utiliser les textes du jour. Le matin, on les lit sur une application de prière ; le soir, on les retrouve dans la Bible et on note ce qui résonne, à la lumière de la journée. C’est ma méthode.
Certains livres ne seront peut-être jamais annotés, mais peu importe : l’important est d’entrer dans la Parole comme elle vient.
| À qui destinez-vous en priorité cette Bible ?
C’est plutôt un objet pour les adultes, ou pour des lycéens déjà mûrs. Cela peut aussi être un très beau cadeau de confirmation. Pour les plus jeunes, cela peut fonctionner si c’est fait en groupe, par exemple en aumônerie : lire un passage ensemble, noter ce qui a touché chacun, et en reparler ensuite. Mais ma conviction est que c’est surtout un outil d’adulte.
| Quels sont les premiers retours ?
Ils sont extrêmement enthousiastes. Tout ce pour quoi j’ai travaillé – la taille des caractères, l’espace pour écrire, la clarté de la maquette, le choix des polices – revient dans les retours. Les gens trouvent l’objet beau et agréable à utiliser et cela me touche beaucoup.
Ces retours viennent vraiment de toutes les sensibilités et de tous les horizons de l’Église. Cette Bible était attendue. Elle rassemble et pour moi, c’est une immense joie : la Parole unit.
Bible, Dieu avec nous, Éditions Emmanuel, 3 096 p., 49,90 €.
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