La consécration des monuments religieux

Publié le 21 Juin 2022
La consécration des monuments religieux L'Homme Nouveau

Les 3, 4 et 5 juin derniers, l’église Saint-Pierre de Villers-Semeuse a fêté les 400 ans de sa consécration. Cet évènement offre l’occasion de revenir sur l’importance de la consécration des monuments religieux, alors que l’actualité offre plus d’exemples de désacralisations que de consécrations de lieux nouvellement destinés au culte.

Dans la religion catholique, le terme « consécration » concerne une réalité plus vaste que celle des seuls monuments : elle désigne d’abord le changement du pain et et du vin en Corps et Sang du Christ, mais s’applique aussi à des personnes, et même des pays. La consécration d’une église est quant à elle désignée par le terme de « dédicace », qui lui est propre. La notion d’« église » est par ailleurs générique et désigne tout lieu dédié au culte catholique. Certaines d’entre elles revêtent cependant un caractère particulier, notamment la cathédrale, siège de l’évêque, et la basilique, dont le titre est  conféré par le pape en raison de la présence du tombeau d’un saint ou du développement d’un pèlerinage. Une église peut par ailleurs être à la fois cathédrale et basilique. Les chapelles sont quant à elles des églises qui ne sont pas paroissiales, ou qui relèvent d’une installation privée.

Origine et raison des consécrations

La cérémonie de dédicace d’une église est le fruit d’une lente élaboration qui en explique les rites. Elle trouve ses origines dès les débuts du christianisme. Les chrétiens, qui célébraient d’abord la messe dans leurs maisons, cherchèrent en effet rapidement à trouver un lieu approprié au renouvellement du sacrifice du Christ. L’existence une église est déjà attestée au IIIe siècle. La première mention de dédicace date quant à elle de 314. Mais le simple fait de célébrer l’Eucharistie suffit alors à dédier le lieu au culte divin. L’habitude est alors prise d’offrir ce sacrifice au-dessus de la tombe d’un martyr, pratique à l’origine des pierres d’autels, généralisées au VIe siècle. Peu à peu s’installe l’idée de marquer cette consécration par une cérémonie spéciale, ce qui existait déjà dans la tradition juive. L’intérêt en était par ailleurs renouvelé, car les chrétiens commençaient à utiliser des temples païens, qui étaient alors l’objet d’une purification.

A côté de ces fondements historiques, les fondements spirituels de la consécration apparaissent clairement à la lecture des textes de la messe de dédicace, dans le missel traditionnel. La lecture, issue de l’Apocalypse, montre la Jérusalem céleste, épouse du Christ, symbole de l’Eglise. L’évangile, tiré de saint Luc, présente le Christ entrant dans la maison de Zachée et symbolise ainsi le caractère sacré de l’église, maison du Seigneur. Certains liturgistes, voulant comparer la dédicace aux sacrements, y virent une forme de baptême, mais aussi de mariage : l’église est consacrée pour être demeure de Dieu, et symbolise en même temps l’union mystique entre le Christ et son Eglise.

Le déroulement de la cérémonie

Le déroulement de la cérémonie s’est lui aussi uniformisé avec le temps, malgré certaines particularités régionales. Le ministre ordinaire en est l’évêque. Auparavant, seul le pape avait le pouvoir de confier cette tâche à un simple prêtre, mais le Code de droit canonique de 1983 indique que l’évêque peut exceptionnellement déléguer lui-même son pouvoir. Il s’agit donc d’une fonction épiscopale, par laquelle le pontife officie sur tout son diocèse et uniquement sur celui-ci, selon la règle fixée par le Concile de Trente. L’essentiel du rituel réside dans l’onction de Saint Chrême réalisée douze fois, en forme de croix, sur les murs, et dans les paroles du ministre. Ainsi, après les prières préparatoires et la bénédiction de l’eau, le célébrant entre dans l’église pour la cérémonie de l’alphabet : il trace dans de la cendre étalée au sol les alphabets grec et latin, signes de l’Ecriture et de la simplicité de la foi. Puis il prépare l’eau lustrale,  du latin « lustrare » qui signifie « purifier ». Elle est mélangée à du sel, signe de la doctrine, des cendres, symbole de pénitence, et du vin, qui figure la divinité du Christ. Cet eau sert à la purification de l’autel et de l’église, à l’extérieur comme à l’intérieur. Il procède ensuite aux différentes onctions, tracées elles aussi sur l’autel puis sur les murs intérieurs de l’église, en forme de douze croix. Sont alors dites les prières consécratoires, qui précèdent la bénédiction des différents objets du culte, à savoir notamment les linges et ornements d’autel. Enfin a lieu la translation des reliques, celles-ci étant introduites dans l’église. La cérémonie se termine par une messe immédiatement célébrée.

La cérémonie en tant que telle n’a lieu qu’une fois, mais la messe de dédicace est célébrée à chaque anniversaire, en souvenir de cette consécration. Depuis 1970, le 25 octobre est choisi pour célébrer l’anniversaire des dédicaces dont on ne connaît pas la date.

Il arrive aussi que ces églises soient désacralisées. Le canon 1222 du Code de droit canonique en vigueur depuis 1983 le prévoit et en présente les raisons, l’argument fondamental étant que le lieu n’est plus en état de servir au culte, souvent parce qu’en mauvais état. En principe, la désacralisation d’une église passe par une cérémonie d’exécration, dont le but est d’annuler la consécration. Mais il semble qu’aujourd’hui la désacralisation consiste en un simple acte administratif entre les représentants respectifs du diocèse et de l’autre partie concernée, quand l’abandon d’une église ne donne pas lieu à une profanation. Dans ce dernier cas, le droit canon exige une cérémonie de réparation : la profanation, atteignant directement le caractère sacré du lieu, annule en quelque sorte temporairement la consécration, et aucune messe ne peut être célébrée avant cette cérémonie.

Le cas des profanations (Code de droit canonique 1983, can. 1211)

Les profanations d’églises, qu’elles concernent le lieu de culte en tant que tel, ou, plus grave, le tabernacle et le Saint-Sacrement qui y est présent, constituent toujours un sacrilège. Or toute offense faite à Dieu,  qu’il s’agisse d’un péché personnel ou d’une injure publique, demande réparation. Comme outrages publics donc, ces profanations exigent une réparation publique. Outre les rites qui l’accompagnent, l’essentiel de la réparation réside dans la célébration de la messe, sacrifice de satisfaction dont l’un des quatre buts est l’offrande propitiatoire pour le pardon des péchés. Monseigneur Roland, évêque de Belley-Ars, a ainsi déclaré dans une homélie dispensée à l’occasion d’une messe de réparation : « En de telles circonstances, l’Eglise nous demande de suspendre toute célébration, tant qu’il n’y a pas eu un rite pénitentiel pour réparer le scandale et redonner à l’édifice religieux sa dignité. De même qu’une nouvelle église est dédiée avant tout par la célébration solennelle de l’Eucharistie, de même, une église profanée retrouve sa dignité et est remise en service par une célébration solennelle de l’Eucharistie, c’est-à-dire le mystère du Christ qui livre sa vie pour le pardon des péchés. » En ce qui concerne le déroulement de la réparation, il revient à l’évêque ou à un simple prêtre de procéder à cette cérémonie, en fonction de la gravité de l’injure commise. L’autel est généralement dépouillé, et une cérémonie précède l’aspersion de l’autel et de l’église avec de l’eau bénite. C’est ensuite la célébration de la messe qui rend le lieu à sa destination propre.

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