Sorte de « grand carême » destiné aux hommes, le parcours ascétique Exodus fête ses 10 ans cette année. Focus sur une aventure spirituelle peu commune encore trop méconnue.
Comme un cadet dans une famille nombreuse, il arrive souvent au deuxième de vivre dans l’ombre du premier. Les Saintes Ecritures n’échappent pas à ce constat. Nul n’ignore que la Genèse, premier livre de la Bible, raconte la création du monde et la chute d’Adam et Eve. Mais qui connaît le contenu du livre qui le suit ? Qui pourrait d’ailleurs, spontanément, citer son nom ?
Quel homme suis-je dans la pratique de ma foi ?
A 90 jours de Pâques, le livre de l’Exode – car c’est de lui dont il s’agit – retrouve ses lettres de noblesse ! Ce récit biblique de la libération du peuple élu de la servitude de l’Égypte se trouve en effet, comme son nom l’indique, au cœur du parcours Exodus 90. Initiative ascétique quotidienne américaine en 2013, le parcours s’adresse aux hommes ayant soif de dépassement, de croissance spirituelle mais surtout de libération intérieure. Tièdes ou bisounours, abstenez-vous !
Pendant trois mois, chaque participant s’engage à prendre le taureau de ses péchés par les cornes. Chaque jour, une lectio divina méditative du fameux livre de l’Exode propose de suivre jour après jour les Hébreux, en méditant sur les leçons à tirer du texte saint, et sur la manière de les appliquer à sa propre vie.
Son but ? Ouvrir chaque membre du parcours à une prière personnelle profonde, fervente, constituant idéalement une Heure Sainte quotidienne : donner généreusement du temps au Bon Dieu, gratuitement, malgré les aléas de l’emploi du temps. Voilà déjà un point contraignant (mais également le plus gratifiant, évidemment) du programme. Chaque soir, un examen de conscience approfondi est de mise, de manière à porter un regard sans concession sur la journée écoulée, avec en toile de fond cette question primordiale : « ai-je été un homme pour les autres ? ».
Résolutions concrètes et soutien direct
Tout l’enjeu du parcours, on l’aura compris, consiste, de façon effective, à sortir de l’individualisme consommateur auquel le monde nous incline, afin de devenir un homme fort et prudent, à l’instar de saint Joseph, sur lequel puissent s’appuyer tous ceux qui dépendent de nous : famille, amis, etc… Pour cela, des engagements ascétiques concrets sont à tenir chaque jour, sans exception.
Pas de films, pas de matchs, pas d’alcool, pas de sucreries ou de desserts (seuls les fruits sont concédés), nuits de sept heures a minima, usage exclusif de l’eau froide pour sa douche, jeûne deux fois par semaine, pratique d’une activité sportive intense trois fois par semaine : voilà les points les plus saillants.
Loin d’être une course en solitaire, Exodus 90 se vit dans une fraternité. Chacun est donc invité à rejoindre un groupe de 6 à 8 hommes (ou à en constituer un dans sa paroisse, en lien avec son curé) qui s’engagent, ensemble, dans l’aventure. Cette amitié réelle, profonde – et virile ! – basée sur la prière et le soutien mutuel dans les épreuves permet une sainte émulation à l’heure de la lassitude ou du découragement. Cette fraternité, prélude d’une authentique charité, donne de redécouvrir le sens véritable de l’amitié : le roc sur lequel l’autre puisse s’appuyer quand vient le doute.
Une rencontre hebdomadaire, une Messe en semaine ou des adorations, vécues côte à côte, donnent des ailes. En plus de cette fraternité spirituelle, le parcours réclame d’être accompli en binôme. Chaque soir, par un appel ou un court message écrit (SMS, note vocale), chacun brosse un rapide état des lieux de sa journée, avec ses réussites ou… ses failles éventuelles de manière à s’encourager.
Un parcours certes audacieux, mais fait pour tous
Bien sûr, l’un ou l’autre des points ascétiques évoqués pourrait sembler incompatible avec son rythme propre de vie. Assurément, nous avons tous une bonne raison de ne pas suivre Exodus. Et si, justement, la raison invoquée pour laquelle nous ne voulons pas nous lancer était précisément celle-là même pour laquelle nous devrions le faire… Qui peut prétendre ne pas avoir d’attaches, plus ou moins prégnantes, qui le retiennent aux choses de la terre ? Qui affaiblissent sa volonté ? Qui, faute d’être soignées en son cœur, laissent ses résolutions stériles ou inefficaces ?
La délivrance de Pâques appelée à porter du fruit
C’est pourquoi, l’étincelle censée mettre le feu aux poudres du parcours consiste à écrire notre « pourquoi », cette raison intime qui nous pousse à vouloir quitter l’Égypte de nos servitudes, à nous soumettre volontairement à une discipline en vue de laisser le Christ œuvrer en nous pour nous libérer de toutes les dépendances, petites et grandes, qui se sont installées dans notre vie.
Tout le parcours est ainsi orienté vers le jour 91, début de la vie en « terre promise ». La durée… Voici le maître mot d’Exodus 90, et l’une de ses grandes forces. L’étude de la psychologie humaine a permis d’établir qu’il fallait au moins 90 jours, sans interruption, pour déraciner des mauvaises habitudes et en enraciner des bonnes (1).
Prière, fraternité, ascèse : voici en définitive les trois étapes d’une démarche singulière de libération. Un cocktail choc pour se remettre pleinement au service des autres, par la force du Christ. Trois mois d’efforts et de conversion destinés, non à se dissiper en fumée, mais à mettre le feu sur la terre.
(1) Il existe aussi un parcours plus léger sur 40 jours, Exodus 40…
Pour en savoir plus : exodus90.com
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