Les nominations d’évêques se sont enchaînées ces derniers jours : Lille, le Mans, Nancy… Entretien avec Mgr Scherrer, évêque de Laval nommé à Perpignan.
Évêque de Laval depuis 2008, le pape François vient de vous nommer au diocèse de Perpignan-Elne. Quel bilan tirez-vous de vos années à Laval ?
Quand on arrive fraîchement nommé dans un diocèse, on a tout à apprendre de son « métier » d’évêque ! C’est l’expérience que j’ai vécue personnellement en Mayenne. J’ai beaucoup reçu de ce beau diocèse qui m’a tant donné.
Fort des liens d’amitié intenses qui se sont noués au fil des années et riche des collaborations pastorales multiples que j’ai pu engager avec d’innombrables chrétiens, j’ai vu la réalisation de beaux projets. Parmi bien d’autres, j’évoquerai la valorisation du sanctuaire de Pontmain, lieu des grands rassemblements diocésains depuis l’ordination de 2008, en particulier Pentecôte 2010, 2015 et 2021.
Ce sont aussi les groupes de partages de la Parole de Dieu, première source pour nourrir la vie des baptisés, qui se sont développés dans le diocèse. C’est la création il y a 13 ans de l’École de Prière à l’adresse des enfants du primaire à Pontmain. C’est encore la publication de six lettres pastorales pour encourager les communautés chrétiennes et les inviter à relayer avec joie la bonne nouvelle de l’Évangile.
C’est la joie suscitée par les ordinations de diacres et de prêtres : huit prêtres et huit diacres durant la durée de mon épiscopat en Mayenne, sans compter les ordinations que j’ai pu présider hors diocèse ou au sein de la Communauté Saint-Martin. Et c’est, ultimement, ce synode diocésain que nous avons vécu en Mayenne de 2018 à 2021.
Quels en ont été les fruits de ce synode « Tu as du prix à mes yeux » ?
Les fruits d’un synode ne sont pas immédiatement tangibles. Car le but d’un synode, c’est d’engager un processus de conversion pastorale et missionnaire sur la durée de plusieurs années. Une Église en synode, en effet, c’est une Église qui monte au cénacle avec Marie pour se laisser renouveler par les dons de l’Esprit Saint. C’est pourquoi le choix a été fait de vivre les grandes assemblées synodales au sanctuaire de Pontmain, dans la basilique elle-même.
Au terme de la promulgation des Actes du synode qui s’est vécue à la Pentecôte 2021, le diocèse s’est donné 10 ans pour assurer la mise en œuvre des orientations prises et se donner les moyens d’en vérifier la pertinence à l’échelle du diocèse tout entier comme à celle de chaque communauté en particulier.
La cause de l’abbé Guérin peut-elle pâtir de votre départ ?
La cause de béatification de l’abbé Guérin, curé de Pontmain, est en bonne voie. Mais les étapes de son processus canonique sont toutefois plus complexes et plus longues que ce que l’on pouvait imaginer au départ. C’est ainsi que dix années se sont déjà écoulées depuis son lancement en 2013. La phase du procès diocésain s’achemine malgré tout peu à peu vers son terme. Ce sera ensuite à Rome de conduire la suite du dossier. Je forme le vœu que mon successeur ait la joie d’en saluer l’aboutissement.
Vous parlez d’ « arrachement » en évoquant cette mutation dans le Sud de la France. Comment expliquer qu’un pasteur puisse changer de troupeau ?
Même si l’ordination lie sacramentellement un évêque à la portion du peuple de Dieu qui lui est confiée, il est dans l’ordre des choses qu’il puisse être appelé un jour par le Pape à se mettre au service d’une autre Église diocésaine.
C’est ainsi que nombre d’évêques en France ont reçu des appels successifs à rejoindre d’autres diocèses, jusqu’à trois au quatre pour certains. Mais de tels changements ne se font pas sans renoncements ni sacrifices. Car il faut du temps pour prendre racine et s’attacher au peuple qui nous est confié. Si bien que, lorsque le moment est venu de partir, on vit cette étape comme un véritable arrachement.
Vous avez accueilli dans votre diocèse les communautés classiques comme la Communauté saint Martin ainsi que les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle. Quelle doit être selon vous l’attitude d’un évêque à leur égard ?
La mission d’un évêque est contenue dans son nom : episcopos, celui qui veille-sur (et non pas qui surveille !). C’est la dimension de paternité bienveillante inhérente à son ministère et qui donne à l’évêque d’exercer une autorité qui éveille et fait grandir, et non une autorité qui domine et qui écrase.
Et puis, plus que jamais, l’évêque est appelé à être l’homme de la communion, qui rassemble dans la même communion de l’amour des baptisés très divers par leur histoire, leur chemin de foi, leurs sensibilités liturgiques ou ecclésiales. C’est la ligne que je me suis efforcé de tenir durant mes années de ministère épiscopal en Mayenne. C’est une mission qui apporte beaucoup de joie !
Quel message souhaitez-vous laisser à vos prêtres et fidèles en quittant votre diocèse ?
Je leur dirai très personnellement ceci : la vie d’un diocèse ne s’arrête pas lorsqu’un évêque est nommé ailleurs ! Vous avez des ressources en vous qui vont vous permettre de vivre cette étape en attendant, dans quelques mois, la nomination d’un nouveau pasteur. D’où la demande instante que leur adresse : priez pour l’évêque que le Seigneur vous enverra le moment venu. Cet évêque existe déjà dans son cœur ! Alors, priez pour lui ! Comme vous m’aviez accueilli à mon arrivée en Mayenne avec tant d’amitié et de bienveillance, faites-lui déjà une place dans votre cœur.
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