Si l’institution ecclésiale a ses blessures, son histoire bimillénaire regorge surtout de triomphes. Redisons-les, non pour masquer les inquiétudes et les insuffisances présentes mais pour nous donner l’enthousiasme de contribuer aux victoires de l’Église demain. Triomphe de la charité avec ses « hôtels-Dieu » semés aux quatre vents de l’Occident. Triomphe de la grâce avec ses figures spirituelles confondantes d’abnégation. Triomphe de la beauté avec son patrimoine sacré inouï. Triomphe encore de l’humilité avec tant d’hommes et de femmes – et d’enfants ! – qui se sont évertués durant leur vie terrestre à pratiquer les conseils évangéliques dans la persévérance, la joie et la discrétion.
On manquerait à la justice cependant en oubliant de parler des triomphes de l’Église dans le domaine militaire. Car des faits d’armes héroïques, il y en eut ! La victoire de Lépante en est un, et non des moindres. Il faut dire que, de Charles Martel à Poitiers jusqu’au père Hamel en Normandie, en passant par la Reconquista en Espagne, la civilisation chrétienne s’est trouvée confrontée de façon récurrente à l’esprit de conquête de l’islam.
Une alliance sacrée
Mais comment résumer Lépante ? En 1571, les Turcs occupent presque tout le bassin de la Méditerranée. Face au péril mahométan, le pape saint Pie V s’efforce, avec patience et ténacité, de coaliser les différents royaumes pour préserver l’Europe. Autour de lui, l’Espagne, Venise et Malte scellent une alliance sacrée qui prendra le nom de « Sainte Ligue ». Une flotte imposante est réunie et une bataille navale décisive a lieu le 7 octobre, dans le golfe de Patras, au large de Lépante, à la sortie du détroit de Corinthe. Contre toute attente, la flotte catholique, sous la houlette de don Juan d’Autriche, bien qu’inférieure en nombre, met fin à l’invincibilité de la flotte musulmane. Au-delà de la question géopolitique d’alors, saint Pie V, en visionnaire, avait saisi ce qu’affirme aujourd’hui un cardinal Sarah : « L’islamisme est un fanatisme monstrueux qui doit être combattu avec force et détermination. Il n’arrêtera pas sa guerre. Les barbares sont toujours les ennemis de la paix. L’Occident doit le comprendre. »
Mais que devons-nous comprendre de l’islamisme ? Pour l’islamologue Anne-Marie Delcambre : « L’islamisme, c’est l’islam des textes. » Boualem Sansal, romancier algérien censuré dans son pays, prolonge la définition avec une précision chirurgicale : « L’islamisme est un État souverain, un État qui n’a pas de territoire propre, pas de frontières, pas de capitale, pas de citoyens mais des fidèles unis dans l’Oumma, présente dans toutes les régions du monde, dans la maison de l’islam et dans la maison de la guerre, pas de Constitution mais la charia tirée du saint Coran et des hadiths authentiques. »
Pour préserver la France de 2023 du djihad, on mesure combien la méthodologie qui consiste à invoquer la « France des Lumières » ou la « laïcité » – autant de mantras pitoyables – apparaît gravement insuffisante !
Le mois du Rosaire
Entendons-nous bien : l’anniversaire de la bataille de Lépante n’invite pas le chrétien à prendre les armes, comme don Juan d’Autriche le fit. Cela ne veut pas dire non plus que de combats, il ne saurait y en avoir. La victoire de la Sainte Ligue vient rappeler à notre bon souvenir que, dans le domaine de la foi, s’il faut batailler, il est question alors d’engloutir toutes nos forces spirituelles dans les défis qui se présentent à nous. En 1571, le pape saint Pie V, afin d’implorer la protection divine sur la flotte catholique avait ordonné un jubilé solennel, un jeûne et la récitation publique du Rosaire. Depuis lors, le mois d’octobre tout entier est considéré comme « le mois du Rosaire ».
L’occasion nous est donnée en ce mois de nous rappeler que le Rosaire est une « arme ». Qu’il peut créer des brèches de lumière insoupçonnées parmi les nuages noirs qui menacent l’Église et la France. Prière litanique, elle permet à l’âme de prier quasi instinctivement, presque sans le savoir. La répétition d’une formule appartient à l’art de prier de tous les temps. Telle une houle qui berce autant qu’elle accompagne le navire qui cingle vers le large, le Rosaire stimule en même temps qu’il apaise et le cœur, et le corps, et l’esprit.
Ainsi, l’enchaînement des Ave Maria se fixe pour objectif de nous rendre victorieux dans la bataille de l’existence. Dom Gérard aimait à dire à ses moines que « la récitation du Rosaire consiste moins à instruire qu’à capter et soutenir un mouvement de l’âme ». Du jeune clerc au vieux prélat, du chômeur au chef d’entreprise, de l’écolier à l’étudiant : le Rosaire unit tous les baptisés. Surtout il a pour grande vertu de maintenir le regard de chacun vigilant sur les dangers et l’esprit de tous combatif sur le terrain. Aux armes, donc. À nos chapelets !
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