Les députés valident le droit à mourir… et le devoir de tuer

Publié le 13 Mar 2015
Les députés valident le droit à mourir… et le devoir de tuer L'Homme Nouveau

Marisol Touraine, ministre de la Santé, a évoqué une possible « étape supplémentaire » dans l’évolution du droit sur la fin de vie, ce 11 mars à l’Assemblée nationale. Le vote solennel de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie n’a pas encore eu lieu – il est prévu pour le 17 mars prochain – qu’il s’agit déjà d’aller plus loin. Mais le nouveau texte de loi va déjà très loin, même si, officiellement, les amendements demandant une aide active à mourir ont été rejetés par les députés lors de l’examen du projet de loi les 10 et 11 mars derniers.

Que dit le projet de loi ?

Le projet de loi entend tout d’abord mettre le patient au centre des décisions, remplacer « le devoir du médecin par le droit des malades », selon les mots de Jean Leonetti, l’un des deux rapporteurs de la loi. Les directives anticipées du malade seront donc contraignantes pour le médecin.
Il autorise ensuite la sédation profonde et continue jusqu’au décès à certaines conditions, ainsi expliquées dans l’exposé des motifs de la loi : « Lorsqu’un malade conscient est atteint d’une maladie grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et souffre de symptômes réfractaires au traitement ; lorsque la décision prise par le malade conscient atteint d’une affection grave et incurable, d’arrêter un traitement de maintien en vie et que cet arrêt engage son pronostic vital. Par ailleurs, ce droit à la sédation est également prévu lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté et se trouve dans une situation d’obstination déraisonnable définie par la loi. » 
Il caractérise enfin, de manière plus claire que dans la loi de 2005, l’alimentation et l’hydratation artificielles comme des traitements, susceptibles donc d’être interrompus au nom du refus de l’acharnement thérapeutique.

L’euthanasie déguisée

Le débat sur la fin de vie a largement divisé, c’est peu dire, les députés. Les seuls points qui aient fait l’unanimité étaient la nécessité de développer les soins palliatifs et le constat de l’échec de l’application de la loi Leonetti de 2005. Cet échec politique et le manque criant de moyens alloués à la fin de vie n’ont pourtant pas affaibli la volonté de la majorité d’aller plus loin, toujours plus loin, vers le permis de tuer. 1 100 amendements avaient été examinés par les députés, dont 1 000 déposés par l’opposition pour dénoncer un texte « inutile » et « dangereux ». Sans succès. D’aucuns se réjouissent du rejet des amendements demandant une « aide active à mourir ». Pourtant, administrer au patient la sédation profonde et continue – dont on sait qu’elle accélère la mort – suppose un acte de la part du médecin qui n’a rien de passif. L’autorisation de la sédation profonde est continue jusqu’au décès et d’autant plus dangereuse que, comme le stipule le texte de loi, elle n’est pas réservée aux seuls malades dont le pronostic vital est engagé à court terme : elle suppose l’accord du patient et que celui-ci soit atteint d’une maladie grave et incurable. Comme Vincent Lambert, par exemple.

Et tant pis pour le médecin…

Lors des débats parlementaires, à quelques exceptions près, les députés n’ont eu de cesse d’insister sur la nécessité de mettre « le patient » au centre, d’inverser la logique du médecin tout-puissant… À tel point que les médecins apparaissaient comme de véritables bourreaux, toujours pressés de multiplier les traitements, de gaver leur patient de médicaments, de s’acharner sur eux pour leur faire gagner quelques minutes de vie, sans jamais écouter leur malade. Comment les soignants peuvent-ils accepter d’être ainsi méprisés ? Il y a, bien sûr, des cas graves d’obstination déraisonnable. On peut, bien sûr, déplorer que certains soignants favorisent le tout curatif au détriment du soin. Mais comment oublier volontairement tous ceux qui œuvrent inlassablement pour le bien du patient, pour l’accompagner jusqu’à la mort en apaisant ses souffrances autant que possible ? Le débat parlementaire s’est complu dans ce mensonge où le patient était la victime et le médecin son bourreau.

Accorde-t-on des droits au bourreau ? Certainement pas. Il exécute les ordres (et les gens) sans rechigner. C’est ainsi qu’il a été spécifié, lors du débat parlementaire, que les médecins n’auront pas le droit d’invoquer la clause de conscience pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Refuser cette clause, c’est banaliser la sédation et nier qu’elle puisse poser un quelconque problème éthique.

Les droits ne vont jamais sans devoir. Aussi le droit de mourir accordé au malade suppose-t-il le devoir de tuer imposé au médecin. Ils ont détrôné le médecin tout-puissant pour couronner le patient-roi. 

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