Le mystère de l’Immaculée Conception, s’il est une lumière pour les âmes pures, peut être perçu comme un paradis perdu par ceux qui ont hélas perdu la virginité de leur cœur. Mais Marie ne saurait-elle pas, par son innocence absolue, racheter la nôtre ?
Marie, une privilégiée inimitable ?
Parler du mystère de l’Immaculée Conception demande nécessairement de trouver un positionnement juste entre deux approches extrêmes. La première consiste à faire de Marie une femme comme une autre, pécheresse, elle aussi ; ce qui présente le double avantage de maintenir l’universalité de la Rédemption, et de trouver dans la Vierge un modèle imitable en tout, y compris sa lutte contre le mal.
La seconde approche fait d’elle une créature extraordinaire, quasi-divine, au point de nier qu’elle ait eu part à la Rédemption : elle se retrouve placée ainsi sur un tel piédestal qu’il devient bien difficile pour le pauvre pécheur, accablé par ses fautes, de voir en elle une Mère aimante.
La voie médiane reconnaît en Marie une créature unique, parfaite, sans tâche, non qu’elle n’ait pas eu besoin de la Rédemption, mais parce que la Rédemption lui a été appliquée dans la même mesure que la grâce qui remplit son âme : dans une mesure telle qu’elle est préservée du péché originel, par anticipation des mérites que son Fils lui acquerra quelques 45 ans plus tard…
Du fait que ce privilège de Marie découle de la Rédemption, le chrétien, racheté par le Sang de son Fils, voit en elle la première-née des bénéficiaires de cette œuvre salvifique, de la même manière que « le Christ est le premier-né de toute la Création » comme l’explique saint Paul aux Colossiens (Col 1, 15). Elle est donc le modèle absolument parfait de toute créature, celle que tous devront imiter pour avoir part au bonheur du Ciel.
Est-ce vraiment d’indulgence que mon âme a soif ?
Une ombre cependant parait sur ce tableau : si l’innocent enthousiasme des enfants voit naturellement en Marie celle qui, telle l’étoile des orages, les guide vers le Ciel, si cet enthousiasme demeure intact dans les âmes de bon nombre de saints que la souillure de l’impureté n’a jamais atteinte, ceux qui ont perdu l’éclat de leur virginité peuvent se trouver indignes de cet amour maternel immaculé. Ils se réfugient plus volontiers dans l’imitation d’un saint pénitent, à l’instar de saint Augustin ou de sainte Marie-Madeleine.
La raison en est qu’il paraît bien plus probable d’obtenir l’indulgence chez ceux qui nous ont précédés dans la dure voie de la chute et du repentir que chez ceux qui ne l’ont jamais empruntée… Mais est-ce vraiment l’indulgence qu’il faut attendre de Marie ? L’indulgence est la facilité à excuser, littéralement à mettre hors de cause. Mais le mal que j’ai commis, même si je désire de tout mon être qu’il n’ait jamais eu lieu, est bien réel ; le nier ne m’aidera pas à remonter la pente de la sainteté.
Bien plus belle que l’indulgence, la réponse de l’innocence
Dans le Journal d’un curé de campagne, Bernanos place ces mots merveilleux sur les lèvres du curé de Torcy :
« Le regard de la Vierge est le seul regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui se soit jamais levé sur notre honte et notre malheur. Oui mon petit, pour la bien prier, il faut sentir sur soi ce regard qui n’est pas tout-à-fait celui de l’indulgence, car l’indulgence ne va pas sans quelque expérience amère, mais de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, d’on ne sait quel sentiment encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue… »
Le fruit de l’innocence de la Vierge, cette vertu merveilleuse pour le pécheur repentant, c’est la clémence, celle que l’on chante à la fin du Salve Regina… La clémence permet à celle qui détient l’autorité de pardonner les offenses et d’adoucir les châtiments. Plus question donc de nier ou d’amoindrir l’ignoble réalité du mal que j’ai commis, mais, et c’est là le privilège de Marie, médiatrice de toutes grâces, de faire descendre la miséricorde divine tout au fond du gouffre boueux dans lequel je me suis enfoncé, pour guérir mon âme, m’arracher au mal et me donner l’incroyable grâce de pouvoir, à nouveau et mieux qu’avant, aimer.
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