Commentaire musical
Un des plus beaux Agnus Dei daté des XIIème-XIIIème siècles, représenté par une centaine de sources manuscrites. Dom Gajard explique qu’à l’origine il était sans doute écrit et chanté en finale Sol avec un ton plein inférieur Sol-Fa, et non ce demi-ton Mi-Fa qu’on entend maintenant, et qui sonne plus doucement à nos oreilles modernes. On trouve aussi des variantes de cet Agnus écrites en finale Do, ou encore en Si ou même en La. Ainsi, à côté des sources manuscrites strictement liées à l’Agnus 4, on en trouve beaucoup d’autres qui s’en éloignent plus ou moins. De plus les nombreux tropes réalisés sur cet Agnus montrent sa grande popularité.
Nous sommes donc en présence d’un 6ème mode, mais dont les nombreux Sib atténuent le caractère lumineux et joyeux pour lui conférer au contraire une douceur très expressive, une vraie tendresse. Les première et troisième acclamations sont identiques du point de vue mélodique, et la seconde présente une légère variante en son début, qui correspond au sommet de toute la pièce.
L’intonation se déploie sobrement à l’intérieur de la tierce Fa-La, en montée mélodique vers l’accent de Dei. Puis, la belle descente mélodique de Dei revient du La jusqu’au Fa, en s’appuyant légèrement sur le Mi grave qui joue ici le rôle de sous-tonique, mais aussi et surtout de sensible, ce qui confère à ce chant son intériorité priante. Après l’intonation, la mélodie remonte sur l’accent de tollis, touche le La, continue de s’élever pour aller cueillir le Do de la première syllabe de peccáta, puis redescend par degrés conjoints jusqu’au Fa, amorce d’un petit rebond sur le mot mundi qui se fixe sur le La.
Le miserére est en descente jusqu’au Mi, mais se pose sur le Sol, et la cadence de nobis utilise les trois cordes de la tierce du 6ème mode, le Sol, le La et le Fa. Dans cet Agnus, on a trois descentes significatives qui se ressemblent : sur l’accent de Dei, sur le mot peccáta, et enfin sur le mot miserére. Ces belles descentes sont l’expression de la miséricorde du Seigneur qui se penche sur l’humanité.
La seconde acclamation est donc différente, elle représente une montée syllabique et expressive vers le Do, atteint sur la finale de Dei. Les deux accents de Agnus et de Dei peuvent être pris au levé, ce qui donne de la légèreté à cette montée. Et même s’ils sont moins élevés que les syllabes faibles des deux mots, ce sont bien eux pourtant qui doivent porter l’intensité. Le syllabisme se poursuit sur les mots qui tollis peccáta, dans les hauteurs puisque on touche le Ré pour l’unique fois de toute la pièce. Sur la finale de peccáta, la mélodie retrouve la formule des première et troisièmes acclamations.
Dans un Graduel italien du XVème siècle, ce second Agnus représente une composition autonome formée d’une acclamation unique, et écrit en mode de Sol, donc un ton plus haut.
Voilà un très bel Agnus grégorien qui pourrait aujourd’hui aisément être réintroduit dans la liturgie des paroisses, en raison de sa noble beauté et de sa simplicité.
Pour écouter :
Retrouvez la messe Cunctipotens genitor Deus (Fêtes des Apôtres) :
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