La Pause liturgique : Communion Mitte manum tuam (2ème dimanche de Pâques)

Publié le 06 Avr 2024
communion
Traduction Mets ta main et reconnais l’emplacement des clous, alléluia ! Et ne sois pas incrédule mais fidèle, alléluia, alléluia !

(Jean, 20, 27)

 

Commentaire spirituel

Cette communion nous présente le reproche d’incrédulité fait par le Seigneur à l’apôtre Thomas. La foi de Thomas se fonde sur une expérience sensible, une rencontre avec le Seigneur ressuscité. Mais sa foi lui montre autre chose que ce qu’il voit. Il voit un homme aux mains transpercées, et il croit en Dieu, caché sous cette humanité.

À force de dire et de répéter que la foi, ce n’est pas évident, à force de parler ou d’entendre parler, sans trop savoir ce que c’est au juste, de la nuit de la foi, à force d’opposer la foi à la vision béatifique, on aboutit souvent à considérer la foi comme une ignorance plutôt que comme une connaissance. Or, la foi est vraiment une connaissance.

Le Cardinal Journet dit de façon très juste que la foi est une lumière tamisée. La foi est vraiment une lumière, la lumière de Dieu qui se communique à nous. Mais cette lumière, en elle même, est tellement éclatante, tellement radieuse, qu’elle serait insoutenable à nos yeux, si Dieu ne l’adoucissait pour nous y acclimater. Cette douceur, cette acclimatation, c’est cela la foi, une lumière, mais tamisée, sur les splendeurs de Dieu.

Que la foi soit une lumière, on peut le comprendre très vite en contemplant tout simplement la foi au plan purement humain. Car, sans le savoir, sans nous en rendre compte, nous vivons de foi, même au plan purement humain. Il y a quantité de choses que nous croyons sur parole. Ce que nous acquerrons ainsi de connaissances par la foi, c’est-à-dire par l’intermédiaire des autres, est beaucoup plus important que les maigres informations que nous pouvons recueillir par nous mêmes. Toute notre éducation, familiale et scolaire, au fond, est basée sur la foi.

C’est avec la foi théologale, la confiance en Dieu, que nous atteignons le plus haut degré de certitude dans notre connaissance humaine. Nos certitudes les plus absolues ne nous viennent pas de ce que nous voyons, de ce que la science nous apprend, mais de ce que Dieu nous dit, par l’intermédiaire de ses témoins. Le témoin par excellence, c’est son Fils, venu corroborer le témoignage des prophètes de l’Ancien Testament. Jésus est le révélateur du Père, il nous dit, à travers l’Évangile, ses paroles, ses enseignements, ses actes, la vérité sur Dieu, la vérité sur l’homme.

La même vérité de foi traverse les siècles pour nous faire vivre dans la même certitude de l’amour de Dieu pour nous. Par la foi, par notre confiance, par notre adhésion au message de Dieu contenu dans la Révélation et transmis intact jusqu’à nous par la tradition, nous rejoignons Dieu très réellement, nous vivons de sa vie, nous participons à toute sa connaissance, qui, en lui, coïncide avec la génération de son Verbe, au sein de l’éternité. La foi est une lumière.

Des actes de foi, au plan humain, nous en produisons constamment. La foi est un procédé de connaissance extrêmement courant, chez nous, et on ne voit dès lors vraiment pas pourquoi c’est seulement face à Dieu qu’on aurait du mal à croire, alors qu’il est précisément le seul témoin absolument infaillible. La foi est quelque chose de très raisonnable, parce que, de fait, on s’en sert constamment, c’est un procédé très naturel, quelque chose qui nous est très spontané.

En outre, la foi est la plus noble de mes connaissances, parce qu’elle engage ma liberté, au contraire de l’évidence ou de la démonstration, ces autres moyens mis à ma disposition pour acquérir des connaissances. La foi est une confiance, c’est-à-dire qu’elle engage non seulement mon esprit (c’est effectivement une connaissance) mais aussi et surtout mon cœur. C’est une confiance, un abandon. Par elle, je livre tout mon être spirituel. Et cet être est élevé au-dessus de lui-même.

Dieu ne se moque pas de nous. En nous demandant l’adhésion de notre foi, il ne nous propose pas des choses insignifiantes, sans valeur et sans intérêt, des vérités à quatre sous qui sont sans rapport avec notre nature profonde et nos vrais besoins humains. Non, Dieu nous élève très réellement en nous proposant à croire des vérités qui, à la fois, nous dépassent complètement, et nous concernent au plus haut point.

La foi est vraiment un ennoblissement et non une humiliation, comme le pensent les grands esprits de ce monde, qui, en refusant de se soumettre au témoignage de Dieu, restent bêtement au ras de leurs pâquerettes scientifiques, si vous voulez, le nez sur le derrière du camion. Ah ! mais ils savent ce que c’est qu’un camion, ça oui !

Enfin, Dieu, en nous demandant de croire, nous donne sa vérité. La foi, c’est un acte pleinement humain, mais qui véhicule un acte divin, la vie même de connaissance de Dieu. Par conséquent, la foi est vraiment quelque chose que l’on reçoit, un don, et non pas quelque chose que l’on se donne à soi même. Il est dangereux et illogique de se forger sa foi, comme on dit, de choisir ce que l’on croit ou ce que l’on veut croire, et de laisser tomber le reste. Cela, c’est une aberration, mais hélas si commune de nos jours ! « Mon Dieu, je crois toutes les vérités que vous nous avez révélées et que vous nous enseignez par votre Église ».

On reçoit tout de Dieu, la lumière spirituelle comme la lumière physique. On ne choisit pas tel ou tel rayon de soleil, on les prend tous comme ils nous viennent. Et cette foi, elle est exprimée dans ce qu’on appelle le symbole de la foi, notre credo. Il est bon de le réciter de temps en temps, de vérifier en quelque sorte qu’on adhère bien à toute la vérité salvifique. Il est bon aussi de le développer ce credo, comme le fait l’Église, en étudiant chacun de ses articles, pour les faire nôtres en profondeur, afin qu’ils passent dans notre vie.

 

Commentaire musical

 

Mitte manum tuam Partition communion

Cette petite communion du 6e mode donne un caractère aimable au reproche du Seigneur. L’atmosphère pascale de joie, de paix, de simplicité, est bien rendue par la mélodie qui ne s’élève guère au-delà du La (on n’entend que quatre fois le Sib) et se maintient habituellement à l’intérieur de la tierce Fa-La, ne descendant au grave vers le Ré que pour mieux souligner le calme et la sérénité de la parole encourageante du Sauveur ressuscité. Analysons brièvement les deux courtes phrases mélodiques qui constituent cette pièce.

L’intonation est toute simple. Elle s’apparente aux intonations des graduels du 5e mode (Christus, Flores, Dómine Dóminus noster, Ecce sacérdos magnus). Elle est large, appuyée, mais aussi simple, correspondant bien à l’ordre du Seigneur, revêtu de douceur. La suite est plus légère, mais le syllabisme de cognósce loca clavórum ne doit pourtant pas être précipité. Le manuscrit de Laon porte en effet une série d’uncinus, c’est-à-dire de notes longues sur ce passage.

Un premier alléluia joyeux et sobre, mais chaleureux et lumineux, vient ponctuer cette première phrase toute simple. C’est un premier sommet de la pièce. L’autre sommet se situera également sur les deux alléluias qui ponctueront la deuxième phrase. Le mot pascal rythme joyeusement cette petite communion.

La deuxième phrase se situe dans la même atmosphère tranquille et confiante. Elle commence mélodiquement, sur et, un peu comme sur le et de la première phrase, par une descente pleine de bonté, de bienveillance. Là encore le passage syllabique de noli esse incrédulus est large. Il faut bien prendre le temps de prononcer ces mots. Même s’ils ne semblent pas contenir de reproche, ils invitent, avec une douce insistance, l’apôtre et nous avec, à faire preuve d’une foi simple, devant l’évidence qui se présente avec tant d’amabilité.

Les deux mots suivants, sed fidélis, sont admirablement rendus par la mélodie qui, en plongeant à nouveau vers le grave jusqu’au Do, revêt une incontestable majesté, mais toujours empreinte de bonté. Même si le neume de fidélis n’est pas muni d’épisème dans les manuscrits, on gagnera à l’élargir et à lui donner une certaine ampleur solennelle.

Enfin, les deux derniers alléluias font remonter la mélodie joyeusement pour conclure cette pièce. Le premier alléluia est tout syllabique et très alerte, le second, plus neumé, amène très naturellement, grâce à ses deux torculus, une cadence à la fois large, pleine, et simple, à l’image de ce chant lumineux.

 

Pour écouter (Triors) :

 

>> à lire également : De la nouvelle traduction du Pater

 

Un moine de Triors

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