Loi sur la fin de vie : commission spéciale et audition des évêques de France

Publié le 24 Avr 2024
loi sur la fin de vie
Le projet de loi sur la fin de vie sur lequel travaille la commission spéciale de l’Assemblée nationale depuis la fin d’avril cumule les défauts et les forfaits. Ce mercredi 24 avril, Mgr d’Ornellas et Mgr Jordy étaient auditionnés par la commission spéciale sur la fin de vie. Les parlementaires s’apprêtent à faire un grand bond en avant de la culture de mort. 

 

Mercredi 24 avril 2024, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, responsable du groupe de travail « Bioéthique » et Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours, vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF), en charge des questions sur la fin de vie, ont été auditionnés par la commission spéciale sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.

Les évêques de France se sont dit inquiets quant au texte du projet de loi et son « modèle qui rompt une digue essentielle, un principe structurant de notre société voire de notre civilisation, celui de l’interdit de tuer qui se trouve entre autres au cœur du serment d’Hippocrate. »  Mgr Vincent Jordy précise également que « la dignité d’une société humaine consiste à accompagner la vie jusqu’à la mort et non à faciliter la mort ».

Les évêques regrettent également que le texte n’énonce pas clairement les termes d’euthanasie et suicide assisté, pour Mgr Pierre d’Ornellas : « il convient donc de bien nommer les choses, de les assumer pour s’assurer d’un débat éclairé. La réalité du contenu du texte et son objectif doivent être clairs ». 

 « J’espère que ce texte sera voté dans un an maximum. » Le calendrier est donc fixé par Olivier Falorni, député de la Charente-Maritime et rapporteur général de la commission spéciale sur la fin de vie. Ce projet de loi annoncé dès le début du second quinquennat d’Emmanuel Macron a été présenté  au début du mois d’avril en Conseil des ministres, permettant ensuite, le lundi 22 avril, le début des travaux de la commission spéciale à l’Assemblée nationale.

Les auditions des différents experts se dérouleront jusqu’à l’ouverture du débat en séance publique le 27 mai prochain, avec un vote dans les quinze jours suivants. Il est peu probable que le texte soit adopté dès le premier vote, annonçant une année rythmée par les débats parlementaires autour des conditions d’accès à ce qui est désormais appelé « l’aide médicale à mourir ».  

 

Un calendrier bien calculé

Le premier calendrier ne semble pas avoir été fixé de manière innocente, car la commission spéciale a commencé ses auditions en pleine vacance parlementaire. Le premier vote aura également lieu trois jours seulement avant le scrutin des européennes. Une configuration qui permet au gouvernement de s’offrir une tribune en pleine campagne électorale, mais exerce nécessairement une pression sur les élus et leur discernement concernant la légalisation de l’euthanasie.  

Le projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie » comporte actuellement 21 articles. Un texte donc relativement court, en deux volets. Un premier aborde la question du besoin de « renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades », mais sans pour autant annoncer de mesures financières. Il reste finalement assez évasif sur les moyens mis en place dans le plan décennal annoncé. Le terme « soins palliatifs » est remplacé, s’inscrivant dans la manipulation sémantique générale autour du débat sur l’euthanasie.

Il est désormais question de soins d’accompagnement qui « mettent en œuvre le droit fondamental à la protection de la santé » et offrent « une prise en charge globale de la personne malade afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être ». La modification de ces termes et définitions permettra donc certainement, et sauf si les soignants des services palliatifs sont entendus, d’intégrer la prise en charge du suicide assisté dans les services en question.   

Le projet de loi prévoit également la création de maisons d’accompagnement, lieux spécifiques déjà demandés par les soignants. La Société française d’Accompagnement et de Soins palliatifs (Sfap) avait remis le 8 décembre dernier une étude confirmant le besoin de créer des lieux alternatifs à l’hôpital et au domicile pour les malades en fin de vie, « un lieu d’hébergement pour des patients dont l’état médical est stabilisé, mais nécessitant toujours des soins spécialisés et dont le maintien au domicile n’est pas envisageable ».

 

Les conditions de l’euthanasie

Le deuxième volet du projet présente ensuite « l’aide à mourir », qui « consiste à autoriser et à accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale ».

Cinq conditions seront, pour le moment, nécessaires pour l’obtenir : être majeur, de nationalité française ou bien résider de façon stable et régulière en France, être atteint d’une affection grave incurable engageant le pronostic vital à court ou moyen terme, présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements, et enfin être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

La clause de conscience est aussi mentionnée pour les soignants, et que nous savons nombreux, qui refuseront d’administrer les substances létales.

Le délai de réflexion du patient ne peut être inférieur à deux jours, un délai extrêmement court, voire purement symbolique. Une fois la volonté confirmée, le patient déterminera, avec le médecin ou bien l’infirmier chargé de l’accompagner, les modalités de l’administration de la substance létale. Le malade pourra jusqu’au dernier moment se rétracter et renoncer à l’euthanasie.   

L’ensemble des mesures semble encadrer de manière stricte et précise ces suicides assistés. Pourtant, l’expérience des soignants et législateurs étrangers dont les pays autorisent déjà depuis plusieurs années l’euthanasie nous permet de comprendre précisément toutes les portes qui s’ouvrent avec de telles conditions d’accès. Le principe de pronostic vital engagé soulève une question essentielle : quand commence la fin de vie ? La réponse sera finalement interprétée de façon plus ou moins stricte en fonction des soignants et patients. Il en va de même pour la notion de souffrance « insupportable », forcément subjective. 

 

De vives oppositions  

Les oppositions sont nombreuses depuis la convention citoyenne sur la fin vie constituée en décembre 2022. La Sfap avait mené une large campagne sur les dangers d’une autorisation de l’euthanasie et le refus des soignants en soins palliatifs de donner la mort. Alliance VITA avait également mené des actions médiatiques en décembre dernier pour expliquer qu’un tel projet de loi plongerait la France dans une acceptation culturelle du suicide, pourtant encore aujourd’hui considéré comme un comportement contre lequel il faudrait lutter.

Le projet de loi suscite des réticences venant de camps politiques différents et pour des motifs différents. Une poignée de députés socialistes et communistes constatent de leur côté et à juste titre que, dans un contexte de restriction budgétaire ajouté à un vieillissement de la population, l’euthanasie apparaît comme une possibilité d’économie dans les dépenses de santé.

Le député Dominique Pothier (PS) s’interroge : « J’anticipe une logique comptable, qui s’installerait sur le temps long et qui poserait la question : “Est-ce que cette vie vaut le coup ?” ». Bien qu’il ne soit pas fondamentalement opposé à l’euthanasie, il s’inquiète qu’« avec l’aide active à mourir, la vie de l’individu [puisse] être soupesée économiquement parlant ». Le risque est plus que probable et, si le projet de loi est voté, pèsera sur l’ensemble des Français dans les années à venir.

 

>> à lire également : Euthanasie : un plan contre toute logique

 

Maitena Urbistondoy

Maitena Urbistondoy

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