Tendance de fond ces dernières années, la société paraissant malade ou repoussante à beaucoup, le communautarisme de tout poil prospère. La parution d’un ouvrage de l’abbé Raffray, qui se veut une réponse aux inquiétudes contemporaines, est l’occasion de faire le point sur ce qui pourrait sembler bien tentant à des chrétiens dégoûtés par le monde dans lequel ils vivent et soucieux de se rassembler pour se garder des maladies de l’âme qu’il véhicule.
Le sujet du communautarisme est un vrai serpent de mer qui resurgit régulièrement dans l’univers catholique. L’ouvrage récent de l’abbé Matthieu Raffray, Le Plus Grand des Combats(1) nous en apporte une illustration, principalement à travers un chapitre intitulé « Bâtir des citadelles ». Puisqu’il s’agit d’un entretien, c’est le fait que la question soit posée qui attire l’attention car, de manière générale, l’homme d’Église reprend la pensée politique la plus classique, en affirmant, par exemple, que le chaos est la pire des choses et qu’il ne faut en aucun cas le souhaiter. Il rappelle également fort à propos que le « catholique authentique ne doit pas s’imaginer un destin d’Amish, il ne s’agit pas de fuir le monde en pensant être de la sorte préservé de la décadence » (2). De longs développements concernent la famille, première communauté naturelle. Cependant, le vocabulaire employé peut, selon nous, ouvrir la voie à une interprétation quelque peu différente de la pensée classique, surtout lorsque l’auteur considère que « citadelles ou oasis » désignent de manière identique des lieux de repos.
Le sens des mots
Les mots étant des signifiants précis, il est bon de s’interroger sur la manière dont ils sont intériorisés par les destinataires. Une oasis est un point d’eau dans le désert, qui permet de survivre. Au sens figuré, c’est un lieu de ressourcement, un havre de paix dans un milieu hostile. Une citadelle est une forteresse dotée de remparts, souvent un lieu de commandement. Différence notoire ; l’oasis est ouverte, la citadelle est fermée. Le simple énoncé du terme détermine la conception des communautés désignées par ce mot. Il est donc important de savoir desquels il s’agit. L’homme étant naturellement un animal politique et pas uniquement « social » (zoon politicon dit Aristote), il vit nécessairement dans des communautés, à commencer par la famille, jusqu’à la plus importante d’entre elles, la cité, société parfaite (3), supérieure aux familles. Membre de l’autre société parfaite qu’est…