Japon : le dernier missionnaire

Publié le 01 Juin 2018
Japon : le dernier missionnaire L'Homme Nouveau

La sortie en 2016 du film de Martin Scorsese, Silence, a rappelé aux Occidentaux le long calvaire des chrétiens japonais, persécutés pour leur fidélité au Christ. Adapté du roman éponyme (Chinmoku en japonais) de l’écrivain Shusaku Endo, Silence posait clairement la question de l’apostasie, de la souffrance et de l’identification au Christ lorsque celui-ci demanda à son Père pourquoi Il l’avait abandonné.

Nous pensions qu’entre 1641 et 1853, année de l’ouverture du Japon à l’étranger, aucun missionnaire n’avait pu entrer dans ce pays. Le livre de Tomoko Furui, Le dernier missionnaire, dont les éditions Salvator viennent de publier la traduction française, montre qu’il n’en est rien.

Le 12 octobre 1708, un missionnaire italien, le Père Jean-Baptiste Sidotti, débarque en pleine nuit à Yakushima, une île montagneuse, difficilement abordable. Le temps de gravir un sentier, il est accompagné par le capitaine du Santa Trinidad, le navire qui l’a conduit jusque-là, et par quelques hommes d’équipage. Après les adieux, il se retrouve seul. Vêtu comme un samouraï, en possession de quelques mots de japonais mal maîtrisé, il rencontre au matin le paysan Tobe, un homme modeste avec lequel il tente d’échanger.

C’est le départ de cette aventure missionnaire hors du commun et que raconte à la manière d’une enquête policière, la journaliste Tomoko Furui, dans ce livre en tout point poignant.

Car, la suite de l’histoire, on s’en doute, contient en elle quelque chose de terrible, bien qu’un épisode l’illumine quelque peu, comme une sorte de parenthèse. Finalement arrêté et emprisonné, le Père Sidotti va, en effet, connaître plusieurs interrogatoires que la barrière de la langue est loin de rendre facile. Comme pour ces prédécesseurs mis en avant par Silence, Sidotti a le choix entre l’abjuration et la condamnation à mort.

Sa chance se situe alors dans la rencontre avec Arai Hakuseki, un lettré et un homme de bien, conseiller du shogun. Lors des interrogatoires qu’il mène, celui-ci est impressionné par le prêtre étranger et cherche en même temps à se renseigner sur l’Occident. De ce fait, il préconise de le renvoyer du pays, en le menaçant de mort s’il revenait au Japon. Mais, finalement, le missionnaire italien est condamné à vie et enfermé à la résidence des chrétiens, avec deux serviteurs à son service.

C’est la conversion au christianisme de ces derniers qui déclenche finalement la mort du Père Jean-Baptiste Sidotti, après un cruel emprisonnement. On peut bien sûr, comme Jean-Pierre Denis, dans la très informée préface qu’il donne à cette édition française, voir dans cette histoire la chronique d’un extraordinaire face-à-face culturel et intellectuel entre Sidotti et Hakuseki. On peut y voir également, comme le préfacier ne manque pas de le faire également, le récit d’une stupéfiante aventure missionnaire. Mais on y trouve également le sujet d’une méditation sur notre propre foi, notre propre désir missionnaire et sur l’abandon nécessaire. Car, la vie du Père Sidotti confirme une fois de plus la parole de l’Évangile sur le grain qui doit mourir pour porter des fruits. Au fond, sommes-nous prêts nous aussi, à l’image du Père Sidotti à échouer humainement pour que le Christ transforme cet échec en sa victoire ?…

Le dernier missionnaire, Tomoko Furui

Salvator, 290 pages, 22 €

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneCulture

Ermonia : Magnificat, une adaptation de René Bazin en court-métrage 

L'association de production cinématographique Ermonia s’est éprise de la noble ambition de faire éclore la beauté, en tissant des liens entre les trésors de l'Histoire, les splendeurs de la littérature et les échos du patrimoine. Ermonia présente son troisième moyen-métrage de quarante-cinq minutes : Magnificat, un voyage dans la Bretagne du début du XXe siècle.

+

ermonia magnificat
À la uneCulture

Catholics : fiction ou constat précoce ?

En 1973, un film anglais sortait sur les écrans. Catholics racontait l’histoire d’un monastère refusant les réformes de Vatican IV et décidant de continuer à dire la messe et à conférer les sacrements selon l’ancien ordo. Film prémonitoire ? Toute la tragédie de l’obéissance est ici dévoilée.

+

catholics 1823
À la uneCulture

L’exposition : Ribera. Ténèbres et Lumière

À Paris, le Petit Palais présente la première rétrospective des œuvres de Jose de Ribera (1591-1652). Peu connu du grand public, il fut pourtant en son temps un des principaux artistes de l’âge baroque. Considéré comme l’héritier du Caravage (1571-1610), ses contemporains décrivaient son travail « plus sombre et plus féroce ».

+

ribera
Culture

Il y a quatre-vingts ans, les Polonais tentaient de se libérer

Culture | La Pologne a connu deux occupations successives, allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, puis soviétique à l’issue de celle-ci. Les Polonais avaient pourtant montré un farouche attachement à leur patrie, résistant pendant la guerre à travers différentes organisations clandestines – politique, militaire, scolaire, scoute, etc. – puis se soulevant en armes à Varsovie en 1944.

+

Warsaw Uprising by Chrzanowski Henio Roma 14828 2 polonais

Vous souhaitez que L’Homme Nouveau poursuive sa mission ?