Affaire Bonnemaison : jugé pour avoir empoisonné sept patients en fin de vie

Publié le 13 Juin 2014
Affaire Bonnemaison : jugé pour avoir empoisonné sept patients en fin de vie L'Homme Nouveau

« Pourquoi n’ont-ils pas été informés? Pourquoi ont-ils appris le décès de leur mère par un simple coup de téléphone alors qu’ils étaient venus la voir quelques heures avant, et ses constantes étaient stables? Elle était en fin de vie, mais elle était là encore. Pour eux, il aurait peut-être été important de pouvoir l’accompagner jusqu’au dernier moment. Ils n’ont pas pu le faire. »  Celui qui s’exprime ainsi est l’avocat de la famille de Françoise Iramuno, patiente de 86 ans décédée le 6 avril dernier à l’hôpital de Pau après avoir été empoisonnée par le docteur Nicolas Bonnemaison. Ce dernier, chef du grand pôle urgences et réanimation de l’hôpital de Bayonne, comparaît devant la Cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau depuis ce mercredi 11 juin. Il encourt la réclusion à perpétuité pour avoir donné la mort à sept patients en fin de vie entre février et juin 2011.

Un contexte difficile

Notons que ce procès s’est ouvert dans un contexte particulier, marqué à la fois par l’imminence d’une révision de la loi sur la fin de vie promise depuis longtemps par le gouvernement et par l’attente angoissée et surmédiatisée de la décision qui sera prise pour Vincent Lambert ( dont nous avons évoqué la situation ici ). L’affaire Bonnemaison revêt donc une importance considérable et dépasse le cadre strict de ce qu’il adviendra du médecin urgentiste : le jugement qui sera rendu sera évidemment un signal fort de l’orientation que pourra prendre la révision de la loi Leonetti.

Le scandale a éclaté en 2012 lorsque des infirmières ont fait remonter les faits jusqu’au chef de l’hôpital, lequel a averti le Parquet. Nicolas Bonnemaison, radié de l’Ordre des médecins le 24 janvier 2013, n’a jamais nié les faits. Les familles de deux des patients empoisonnés se sont constituées parties civiles et les infirmiers qui ont été témoins des faits sont appelés à témoigner. L’accusé, quant à lui, affirme ne pas être un militant de l’euthanasie mais avoir agi pour le bien des patients, de leur famille et du personnel médical.

Une décision solitaire

Si l’urgentiste fait valoir de louables motifs comme la compassion et le refus de l’acharnement thérapeutique, il n’est pas moins coupable de deux entorses à la loi Leonetti : il a administré des sédatifs à haute dose à ses patients, non pas dans le but de soulager la douleur mais d’abréger leur vie. Il a également commis ses actes sans en parler à quiconque alors que la loi sur la fin de vie impose justement un processus de décision collégiale : le médecin ne peut normalement décider seul du sort du patient et doit en parler au proche du malade lorsque celui-ci n’est plus en capacité d’exprimer sa volonté. 

« Il a agi dans une grande solitude ». C’est en effet ce que l’opinion publique semble retenir de l’affaire comme si le problème n’était pas tant d’avoir fait délibérément mourir sept patients que de l’avoir fait seul. Est-ce une manière de faire avaler la pilule de l’euthanasie en laissant entendre que cet acte pourrait être légitime pourvu qu’il soit le fruit d’une décision collégiale ? C’est le pouvoir du nombre et du consensus jusque dans l’administration de la piqûre létale : votre mort est juste si elle a été décidée à plusieurs.  

Maîtriser sa vie ?

Des militants pro-euthanasie ont organisé des manifestations de soutien au docteur Bonnemaison devant la Cour d’assises de Pau, brandissant des pancartes « maîtriser sa vie jusqu’à la fin ».  Ont-ils conscience que, dans cette affaire, les patients n’ont justement pas pu maîtriser leur vie jusqu’au bout puisque c’est le médecin qui a pris la décision ? Ont-ils conscience qu’ils pourraient être un jour ces patients incapables d’exprimer leur volonté et par conséquent incapables de « maîtriser leur vie » ? 

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