« Alleluia Vidimus » l’enseignement des mages : suivre l’étoile

Publié le 05 Jan 2018
"Alleluia Vidimus" l'enseignement des mages : suivre l'étoile L'Homme Nouveau

« Alléluia, Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus avec nos présents adorer le Seigneur. » Le texte de cet alléluia de l’Épiphanie est tiré de l’Évangile selon saint Mathieu, chapitre 2, verset. Ce n’est donc pas saint Luc, l’Évangéliste de saint Luc, qui nous parle des mages, mais saint Mathieu, l’Évangéliste qui dès le début souligne l’accomplissement des prophéties de l’Ancien Testament par le Nouveau. La visite des mages à Jérusalem, et surtout le message qu’ils délivrent à Hérode, (c’est le texte de notre alléluia) provoque un grand émoi dans toute la ville. Les spécialistes en exégèse sont convoqués par le roi déjà inquiet et répondent à sa question concernant l’origine du Messie, en citant le Prophète Michée, 5, 1-2 : «  Et toi, (Bethléem) Ephrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que me naîtra celui qui doit régner sur Israël ; ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques. C’est pourquoi il les abandonnera jusqu’au temps où aura enfanté celle qui doit enfanter. » Il est amusant de voir que saint Mathieu cite Michée en modifiant le texte : à la place de Bethléem, le moindre des clans de Juda, il dit : « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es nullement le moindre des clans de Juda ; car de toi sortira un chef qui sera pasteur de mon peuple Israël. ». Et Péguy, notre poète renchérit en disant, lui, à la lumière de tout ce qu’à réalisé le Christ dans l’histoire de l’humanité : « Et toi, Bethléem, terre de Juda, le plus grand parmi les clans de Juda... »

Mais revenons à nos mages et à notre chant. C’est le chant des gentils, des païens, qui eux ont reconnu le Sauveur, à la différence des membres du Peuple de Dieu, et spécialement les chefs de ce peuple, qui selon la logique de la prophétie, auraient du accourir pour aller l’adorer. Non seulement ils n’y vont pas, préférant sans doute leur coupable confort, mais ils projettent en la personne du roi, de mettre à mort celui qui est dès à présent le rival à abattre. Triste orgueil de l’homme qui tombe dans l’illusion et pense que son pouvoir pourra empêcher le plan de Dieu de s’accomplir. Notre époque est elle aussi très chatouilleuse à propos de son bien être, du plaisir des individus. Dieu nous gène et on a pris le parti de l’écarter. Est-ce que cela empêche Dieu de diriger le cours du temps ? Pauvres et ridicules petits humains que nous sommes. Les mages nous donnent la leçon. Et les mages existent aujourd’hui aussi. Ce sont les nouveau convertis, ceux de l’islam ou d’ailleurs, ceux qui reviennent de l’indifférence religieuse, et qui nous bousculent par leur ferveur et la simplicité de leur relation avec Dieu, avec le Christ, avec sa mère. Nous avons vu son étoile et nous sommes venus l’adorer. Voilà c’est tout simple. Les Pères de l’Église considéraient déjà les mages comme les précurseurs, les prémices de la gentilité. Ils disaient aussi que le Peuple de Dieu, représenté par les bergers, ont les anges pour les prévenir de la naissance du messie, tandis que les païens, eux, ont des signes, comme cette étoile mystérieuse, qui est une manifestation lointaine mais déjà attirante, de la présence de Dieu. 

Mais finalement, ce chant des mages, c’est le chant de l’Église, c’est notre chant. Nous aussi nous devons et nous pouvons dire : « Alléluia, Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus avec nos présents adorer le Seigneur. » Nous sommes les témoins de l’œuvre accomplie par le Christ, nous avons vu combien il a bouleversé toute l’histoire humaine par sa révolution d’amour, nous avons vu sa lumière. Cet alléluia représente l’immense procession de tous les adorateurs du vrai Dieu et vrai Roi, Jésus-Christ, qui ont traversé les siècles, jusqu’à nous. Et grâce à la liturgie, nous pouvons faire notre ce chant, venir avec nos présents, c’est-à-dire notre âme, notre corps, nos pensées, nos actes, notre foi, notre amour, notre confiance, notre vie tout entière que nous sommes invités à venir déposer en hommage aux pieds de l’Enfant Dieu.

Vidimus Partition

Une dernière remarque concernant ce texte. Nous avons vu son étoile, disent les mages. Et saint Mathieu souligne combien la vue de cette étoile provoque en eux une joie indicible, une très grande joie. Pour nous, chrétiens, l’étoile porte un nom très doux, c’est Marie, l’étoile de la mer, l’étoile de l’Évangélisation, comme l’appelait Jean-Paul II. Oui, celui qui a vu Marie possède la joie parce qu’il possède la lumière. Contempler Marie, c’est contempler un monde où le mal, celui du péché, celui de la laideur, n’a et n’aura jamais aucune prise. Contempler ce monde, c’est aller tous droit aux pieds de Jésus.

Voilà le contexte de ce chant. La mélodie est la même que celle de l’alléluia de la messe du jour de Noël, Dies sanctificatus. Elle n’a rien de spécifique à la fête de l’Épiphanie. Cet alléluia est un thème habituel des alléluia du 2ème mode. Il y a huit modes en chant grégorien, et le 2ème est celui du sérieux, de la gravité. Il va de pair avec le 1er qui est celui de la paix. Ces sentiment nous donnent un peu l’atmosphère de ce chant. Ce n’est pas un chant de triomphe, une marche des rois, c’est plutôt une joie intérieure, profonde, solide, qui se manifeste dans la douceur plutôt que dans l’exultation extérieure. La mélodie a quelque chose de lumineux cependant qui correspond bien avec le texte. C’est un chant clair et cela se sent dès l’intonation qui monte avec élan et joie jusque au sol d’abord, puis dans le jubilus jusqu’au la. Les grands écarts mélodiques du jubilus, assez rares pour un deuxième mode, ne doivent surtout pas empêcher le legato. C’est un beau balancement bien régulier, sans arêtes vives, de part et d’autre du fa qui est la dominante du mode et qui sert de point d’appui, notamment sur les notes longues.

Le début du verset est aussi très lumineux. Il faut partir piano, puis ménager un beau crescendo sur la première syllabe de vídimus, et atteindre le sommet en grande douceur. C’est une des particularités du chant grégorien, au moins de la méthode de Solesmes dont je vous parle, que de prendre les sommets en douceur, après les avoir bien préparés par un crescendo. Cela donne une impression de paix, de maîtrise de soi, de spiritualité, toutes ces qualités qui collent à la peau du chant grégorien, si l’on peut s’exprimer ainsi. On voit bien en tout cas, sur le seul mot vídimus, un bel arc roman, avec une montée vigoureuse et un mouvement de douce retombée. Et on va retrouver ce balancement sur le mot ejus. Le mot stellam, lui, qui pourrait nous paraître plus important, est traité par le compositeur de façon très sobre, presque négligée et cela est peut-être intentionnel. Nous sommes attirés par les prodiges extérieurs, par le spectacle, par le clinquant. Une étoile filante ou une comète, ou un astre insolite, cela nous intéresse forcément. Oui, mais l’essentiel n’est pas là, et la mélodie grégorienne se charge de nous le signifier. Des trois mots qui composent cette première phrase, le verbe qui désigne l’action des mages, leur regard, est très expressif au plan mélodique. On a un peu l’impression d’un regard qui monte vers le ciel et qui redescend sur la terre, et c’est en tout cas la bonne attitude. Car c’est dans une pauvre petite grotte que se cache le Créateur venu nous sauver. Alors, l’étoile a joué son rôle de guide. Mais devant la lumière du monde, elle s’éclipse, ce n’est pas elle qui doit attirer l’attention. Trois notes suffisent alors au compositeur, sans intervalle spectaculaire, pour l’évoquer. Par contre, le mot ejus, pronom personnel qui renvoie au Sauveur à qui l’étoile appartient, un petit mot de rien, est lui aussi très développé, et un peu à la façon du mot vídimus, c’est-à-dire avec une belle montée et une redescente en pente douce et très balancée qui semble nous conduire vers l’humble réalité humaine de la crèche. L’étoile n’a que cela à faire avant de disparaître. Tout cela est plein de sens théologique. Toute cette phrase doit être très legato, très paisible et lumineux.

La deuxième phrase musicale est très courte, elle accompagne la localisation de l’étoile. Les mages viennent d’orient, c’est la-bas qu’ils ont vu l’étoile. Et l’orient, c’est le lieu du soleil levant, et c’est donc un des noms du Messie. Le Seigneur dit lui-même qu’il reviendra de l’orient, lors de son dernier avènement. La mélodie est grave, paisible.

Et le caractère lumineux reprend avec la dernière phrase.

Ecouter l’alleluia ici

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