L’antichristianisme de Nietzsche : haine, mystifications et confusion (2)

Publié le 01 Juin 2024
Friederich Nietzsche
Faisant un mauvais procès au christianisme, Nietzsche l’accuse d’être une religion de faibles, accusation démontée par la vie même du Christ, celle de saint Paul et celle que mènent les moines. Troisième volet de notre présentation de la philosophie nitzschéenne *.

  Deuxième chef d’accusation : le christianisme serait la religion des faibles, les « débiles et mal venus » qui, manquant ainsi de robustesse, de santé et d’énergie vitale, ne peuvent qu’être hostiles à la vie et à ses joies. Voulant se venger du mauvais sort qui est le leur et ne pouvant le faire en y échappant dans la réalité même de leur vie, ils n’éprouvent que ressentiment à l’égard de la vie et des hommes forts et promeuvent des valeurs à leur image condamnant la force et la puissance.  Cette généalogie, se voulant subtile et démystificatrice, est-elle vraie ? Osons la question : le Christ, saint Paul, les moines chrétiens furent-ils des « débiles malvenus » difformes de corps et faibles de caractère ? Comment le Christ, « le plus beau des enfants des hommes » selon le Psaume 45 (v. 3), dont la colère a renversé les échoppes des marchands du Temple (Jn 2, 15) et dont la présence impressionnait ceux qui voulaient l’arrêter (Lc 4, 30), pourrait-il entrer dans cette catégorie ? Faut-il rappeler ici le linceul de Turin qui révèle les mensurations d’un homme robuste tandis que la reconstitution en trois dimensions du visage de « l’Homme du suaire » impressionne et suscite le respect ? Et comment le Christ – dont la vie publique anticipée, assumée et menée durant tout son cours avec maîtrise et constance, quoiqu’elle ne cessât d’être une succession d’obstacles à sa mission : incompréhension de ses cousins (Jn 7, 3), hostilité croissante et finalement homicide des pharisiens (Jn 5, 18), trahison de Judas (Mc 14, 10 ; Lc 22, 21 ; Jn 18, 2) et abandon de ses apôtres (Mc 14, 50), procès inique et exécution horrible (Mc 14, 53 ; Jn 18, 19) – pourrait-il manquer de caractère et de volonté ? Faut-il plus de force intérieure, de retenue et de maîtrise de soi pour imposer par la force ses désirs ou pour mener une vie sainte et l’offrir jusqu’au terme d’une mort ignominieuse ?   

Un modèle de vigueur

Quant à saint Paul – réduit par Nietzsche à un « génie dans la haine » (de la vie) utilisant une « technique de tyrannie sacerdotale » par l’affirmation d’un jugement post mortem [1] –, sa…

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Jean-Marie Vernier

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