Attentat : quelle portée pour le discours de François Hollande ?

Publié le 14 Nov 2015
Attentat : quelle portée pour le discours de François Hollande ? L'Homme Nouveau

Éditorialiste à L’Homme Nouveau et Professeur en Histoire du droit, Joël Hautebert a écouté ce samedi 14 novembre, au matin, le discours du Président de la République, François Hollande. Il en propose ici une première analyse.

La déclaration de François Hollande prononcée ce matin à l’Elysée démontre une évolution sensible du discours présidentiel. Nous retenons trois points, les deux premiers ayant été abondement repris et commentés, à l’inverse du dernier.

Reconnaisance de la guerre en cours

Tout d’abord, François Hollande parle ouvertement d’actes de guerre, menée contre nous par une « armée ». Les conséquences juridiques et politiques du constat tardif de cette situation de guerre, devront être tirées au cours des prochaines semaines.

Un ennemi désigné

Ensuite, puisque nous sommes en guerre, il convient de désigner clairement l’ennemi, dont l’identité se diluait jusqu’à présent dans le moule bien commode du terrorisme. Le progrès est cette fois-ci notable, puisque François Hollande dénonce explicitement « une armée terroriste, Daesh, une armée djihadiste (…) avec des complicités intérieures ». La nouveauté réside ici dans la modification du statut du terrorisme qui tend à redevenir moyen d’action, au service d’une puissance politique (Daesh) et d’une cause (Djihad). Certes, le Président préfère évoquer Daesh plutôt que l’Etat Islamique, et parler du Djihad plutôt que de l’islamisme, mais l’on ne peut envisager de djihad sans le référent islamique.

La France avant la République

Enfin, le discours présidentiel a évolué au sujet de ce que nous sommes, c’est-à-dire de ce qui doit nous unir (« j’en appelle à l’unité, au rassemblement »). Nous sommes hélas habitués à l’effacement de la France derrière la République. Cette fois-ci, il n’en est rien. La République n’est mentionnée qu’à la fin du discours, dans la formule habituelle « vive la République, vive la France ». Dans le corps du discours, il est surtout question de la France, mais aussi du pays, un peu de la nation (aux sens variables) et même de la patrie, ce dernier terme pourtant si fort, étant généralement absent. Toutes les allusions aux valeurs portées par la France restent volontairement vagues. Ainsi, dit-il, cet acte a été perpétré contre « les valeurs que nous défendons et ce que nous sommes : un pays libre ». Les allusions aux valeurs d’humanité, supérieures à la patrie, restent également vagues. Tout le monde peut s’y retrouver, l’ensemble des « familles spirituelles », comme on dit aujourd’hui. On est loin, pour l’instant, de la suprématie affichée des « valeurs de la République », absentes du discours. C’est suffisamment rare pour mériter d’être souligné. Il en va de même pour le triptyque « liberté, égalité, fraternité », cité par Barak Obama mais pas par François Hollande.

Une déclaration habile

De ce point de vue, cette déclaration, très habile, nous instruit beaucoup sur les véritables ressorts d’une authentique défense. Quand l’extrême gravité de la situation exige un vrai sursaut unitaire, c’est vers la France que nous sommes invités à rechercher notre « commun »et non vers la République (dans son acception idéologique) qui, pour l’occasion, reste en retrait.

Certes, ce n’est qu’un discours, peut-être sans lendemain. Mais qu’il soit l’œuvre d’un rédacteur particulièrement adroit, ou qu’il s’agisse d’un réflexe spontané après une longue nuit d’épreuves pour le pays, ce discours nous dit quelque chose sur le seul fondement communautaire politique susceptible de galvaniser les énergies dans notre pays. 

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneSociétéFin de vie

Euthanasie : « Pierre Simon voulait faire de la vie un matériau à gérer »

Entretien | Alors que le Sénat reporte une nouvelle fois l’examen du projet de loi sur la fin de vie, l’essayiste Charles Vaugirard publie La face cachée du lobby de l’euthanasie (Téqui). En s’appuyant sur les écrits oubliés de Pierre Simon, fondateur de l’ADMD et ancien grand maître de la Grande Loge de France, il dévoile les racines eugénistes et prométhéennes d’une idéologie qui, selon lui, continue d’inspirer les lois bioéthiques contemporaines.

+

euthanasie pierre Simon
Société

Nos raisons d’espérer

L’Essentiel de Joël Hautebert | Malgré l’effondrement des repères et la crise des institutions, il demeure des raisons d’espérer. On les trouve dans ces hommes et ces femmes qui, par leurs vertus simples et leur fidélité au devoir d’état, sont capables d’assumer des responsabilités au service du bien commun.

+

espérer vertu
À la uneSociétéPhilosophie

La logique, un antidote à la crise de la vérité

C’est logique ! – Entretien | Dans son nouvel ouvrage Devenir plus intelligent, c’est possible ! (Le Cerf), François-Marie Portes invite à redécouvrir les outils logiques de la tradition antique et médiévale. Pour lui, apprendre à définir, énoncer et argumenter n’est pas réservé aux spécialistes : c’est un savoir-faire accessible à tous, indispensable pour retrouver le goût de la vérité dans un monde saturé de discours trompeurs. Entretien.

+

penser portes intelligent logique
SociétéLectures

Maurras, pour la Nation, contre le racisme

Entretien | En août, les éditions de Flore publiaient un petit livre d'Axel Tisserand, Maurras, pour la Nation, contre le racisme. À cette occasion, Philippe Maxence s’est entretenu avec l’auteur, agrégé de lettres classiques et docteur en philosophie, au sujet de Charles Maurras (1868-1952).

+

charles maurras racisme nation patrie
SociétéPhilosophie

Le Centre culturel Simone Weil : redonner à la médecine son âme

Entretien | Créé par des professionnels de santé pour leurs confrères, le Centre culturel Simone Weil propose des formations alliant médecine et philosophie. À l’occasion de son séminaire de novembre, il invite praticiens, étudiants et aidants à redécouvrir la vocation profondément humaine et éthique de la médecine face aux défis contemporains. Présentation par François et Marie Lauzanne, pharmaciens et fondateurs du centre.

+

Centre culturel Simone Weil médecine
SociétéBioéthique

« 40 Jours pour la Vie » : prier et jeûner contre l’avortement

Initiatives chrétiennes | Depuis le 24 septembre et jusqu’au 2 novembre, des bénévoles se relaient chaque jour devant l’hôpital de Port-Royal, à Paris, pour prier le chapelet et jeûner dans le cadre de la campagne internationale 40 Days for Life. Clotilde Chompret, responsable de l’antenne parisienne, explique le sens de cette démarche de témoignage public et ses fruits spirituels.

+

40 jours pour la vie