Au quotidien-n°41 (Revue de presse du confinement)

Publié le 13 Mai 2020
Au quotidien-n°41 (Revue de presse du confinement) L'Homme Nouveau

Depuis le début de la crise liée au Covid-19, les réflexions abondent, très inégales, tentant de cerner les raisons de la réaction étonnante du monde occidental. Ancien directeur de la revue Esprit, Paul Thibaud, dans une tribune libre du Figaro (12 mai) pointe deux facteurs liés à notre rapport au passé :

L’idéologie aujourd’hui prise en défaut est à deux branches, indissociables selon de bons auteurs mais qui se présentent séparément à notre attention : l’individualisme et l’universalisme. Deux faces de la même médaille, deux manières de refuser toute identité, toute structure partielle. Bien qu’il ne corresponde pas à la vue que nous avons spontanément du monde, le pari mondialiste s’est imposé ces dernières décennies, quand le « marché global » a semblé lui donner corps. On affirme actuellement qu’il faut le reconsidérer, un tel retournement est-il possible ? Quant à l’autre face de la médaille, la face individualiste, elle est plus ancrée dans la mentalité commune que le mondialisme, qui reste une utopie élitiste. Elle exprime la conviction que rien ne vaut plus que nos vies, ce qui porte à voir la mort comme un appendice de la vie sans signification propre. L’expression « fin de vie » qui s’est imposée, est révélatrice. Elle l’est encore plus quand on affirme que cette fin doit advenir « dans la dignité ». La demande d’euthanasie correspond à cette idée d’un point final dont tout le sens tient à ce qui précède. (…) En politique, même une période où il a fallu prendre parti comme celle du pétainisme, de la France libre et de la Résistance montre, si on n’y voit pas qu’une occasion de prêche, qu’à côté de choix résolus, il y a eu des déterminations tardives et des impasses tragiques qui ont pu se frôler et s’éclairent réciproquement. Faite d’actions personnelles, l’histoire n’avance pas en cadence, ce pour quoi elle est indication autant qu’inscription, sans que nous en apercevions la fin. À la différence de la Chine totalitaire et de l’Orient confucianiste, l’Europe n’a pas trouvé chez elle les ressources pour affronter la pandémie virale. Sans doute les avait-elle précédemment occultées et délaissées, grisée qu’elle était par une hypermodernité utopique, fataliste et sans ancrage.

Jack Dion, l’un des éditorialistes de Marianne (9 mai) s’inquiète d’un monde d’après qui sera comme celui d’avant :

Pendant que certains, n’engageant qu’eux-mêmes et leur fan club, discourent jusqu’à plus soif du nouveau monde, du jour d’après et des lendemains qui chantent, le commissaire européen au commerce, Phil Hogan, est venu mettre les points sur les i et les idées en place. Morale de son histoire : l’après Covid-19 doit ressembler à l’avant Covid-19.L’ancien ministre centriste irlandais s’en explique ce 7 mai dans un entretien accordé au Monde. (…) Interrogé sur la crise de la mondialisation et la possibilité de ne plus bouder le protectionnisme en vogue sous d’autres cieux, il répond illico presto : « Il faut rappeler l’importance pour l’Union Européenne d’être ouverte sur le monde ». Le rôle d’idiot du village global va si bien à l’UE qu’il serait dommage de l’en priver, au grand bonheur des dirigeants de pays (les Etats-Unis ou la Chine, par exemple) qui n’ont pas ces pudeurs de jeune fille. (…) Le message est entendu. Quelques multinationales vont quitter la Chine ou l’Inde pour s’installer en Roumanie ou en Bulgarie, et c’est tout. Bref, la délocalisation sera la règle et la relocalisation l’exception, alors que la logique devrait être l’inverse. C’est qu’on ne s’émancipe pas aisément de dogmes qui ont façonné les esprits, surtout quand les lobbies de la finance sont dans l’ombre et mobilisent leurs réseaux. Phil Hogan a fait ses calculs et ils sont parfaitement limpides : « Dans les vingt prochaines années, 85% de la croissance du monde se fera en dehors de l’Europe ». (…) Notre ami commissaire tire donc la morale de la fable : « C’est pourquoi nous devons approfondir nos accords de libre-échange existants – on en a avec quelque 70 pays- et chercher à en contracter d’autres ». D’ailleurs l’UE vient de proposer de finaliser un accord de ce type avec le Mexique. (…) C’est un peu comme si un capitaine de navire, après une grave avarie, conseillait de se débarrasser des canots de sauvetage. Phil Hogan aurait fait un excellent capitaine du Titanic.

Cette Revue de presse ne se contente pas de proposer des informations éphémères, mais vous offre aussi de découvrir des réflexions. Elle est là pour nous inviter à réfléchir. En ce sens, elle ne perd (presque) rien de son actualité. Elle se lit et se relit.

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