Chaque matin, la rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une courte revue de presse, principalement axée sur la réflexion (sans dédaigner l’information pure). Nous ne cherchons pas d’abord à faire du clic, pour nourrir des statistiques et l’auto-satisfaction. Notre démarche est plus simple et repose sur une conviction presque simpliste : « demain se prépare aujourd’hui ». Dans ce sens, depuis des années, L’Homme Nouveau propose un regard différent, loin des clivages faciles dans le but d’offrir les outils conceptuels, les habitus de réflexion pour reconstruire une société humaine et chrétienne. cette Revue de presse ne se contente pas de proposer des informations éphémères, mais vous offre aussi de découvrir des réflexions. Elle est là pour nous inviter à réfléchir. Elle ne perd donc (presque) rien de son actualité. Elle se lit et se relit.
Marianne (6 juin) a interrogé Jean-Dominique Michel, expert genevois en santé public. Selon lui, la manière dont l’épidémie de Covid-19 a été géré révèle la faillite de notre système de santé. Extraits :
l’épidémie n’aurait pas dû nous inquiéter particulièrement. C’est un nouveau virus, mais ses données ont été rapidement rassurantes. Il était donc frappant d’observer la panique des exécutifs et des autorités sanitaires, qui ont perdu leur bon sens dans l’évaluation du danger. (…) Cela questionne sur l’impréparation, car on connaît le risque pandémique depuis vingt ans. Les meilleurs virologues nous ont aussi rappelé dès le début du Covid-19 que les épidémies ne se comportent jamais selon les prévisions des modélisations. Qu’il s’agisse de Giesecke, en Suède, de Wittkowsi, à New York, ou de Darlix, en France, ils ont tous considéré celle-ci comme préoccupante, mais en ajoutant que confiner tout le monde n’avait aucun sens dès lors que 98 % de la population n’était pas en danger. On comprend la logique de sauvegarde visant à ne pas surcharger les hôpitaux, mais, aujourd’hui, les données arrivent avec une explosion de la mortalité. Confiner des personnes infectées avec d’autres non infectées à risque a créé une flambée de cas graves, l’exposition au virus étant maximale avec une accumulation de charge virale. On connaissait ce phénomène depuis 1988 grâce à des recherches sur la rougeole, mais on a assisté à une dynamique de psychose collective. (…) Léo Ferré disait déjà : « Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. » L’état de corruption systémique de l’univers médical a influencé les dirigeants et les autorités sanitaires avec des distorsions cognitives et affectives qui ont conduit à cette psychose. Si l’on s’en prend à certaines croyances, c’est vécu dans le registre de l’insulte ou de l’attaque physique. Les mêmes circuits du cerveau réagissent, et des biais faussent notre jugement. On m’a d’ailleurs accusé d’avoir les miens, ce qui n’est pas faux.
Autre regard sur la crise, celui de Marcel Gauchet, dans un entretien accordé au Monde (7 juin) :
Les décisions, pendant cette crise, ont été rendues de manière souvent incompréhensible pour les citoyens. L’Etat a présenté son pire visage, soit une étroitesse bureaucratique, un côté tatillon, autoritaire, voire persécuteur, sans se montrer efficace pour autant. Le jacobinisme impotent, ce n’est pas possible ! On pouvait accepter ces mauvais côtés quand cela marchait ; mais si c’est inefficace, ça devient insupportable. L’attestation dérogatoire de déplacement restera comme un chef-d’œuvre dans les annales de la folie bureaucratique. Il faut la conserver pieusement pour l’édification des générations futures ! (…) C’est un phénomène profond, ancien. Ce qui est en cause, c’est le rapport des élites françaises à la mondialisation, qu’elles n’ont pas comprise. Ces dernières ont une vertu, qui est aussi un défaut politique : elles sont universalistes, se voient comme « citoyennes du monde ». Le patriotisme économique, par exemple, leur apparaît totalement ringard ! Ces élites sont par ailleurs animées par un sentiment de supériorité, avec la conviction absurde que nous sommes plus malins que tous les autres et que nous allons sortir de cette compétition mondiale par le haut. Il y a eu une très mauvaise appréciation du rapport de force. Les entreprises françaises sont celles qui se sont fait le plus piller en termes de brevets, de savoir-faire, par les entreprises chinoises, car ce sont elles qui ont pris le moins de précautions. Finalement, la France, portée par sa mégalomanie, a raté l’entrée dans la mondialisation.
Les institutions portent-elles une responsabilité ?
Oui. Ces institutions ont été conçues par un homme pour un homme, Charles de Gaulle, qui avait une stature hors de l’ordinaire. Il a donc donné à ses successeurs l’obligation d’être des grands hommes, comme si c’était écrit dans la Constitution. Ce qui rend leur tâche impossible et les voue à une mégalomanie constitutionnelle, avec la tentation permanente de retrouver les élans lyriques du fondateur. Quand Macron a fait son discours sur le confinement, le 16 mars, il avait sans nul doute l’impression de rejouer l’appel du 18 juin. La Constitution de la Ve République transforme l’élection présidentielle en ordalie historique : vous êtes le sauveur du pays où vous n’êtes rien. Cela met la barre très haut. Et cela promet le président à une déception qui paralyse son action. Très vite, nos président n’ont plus la légitimité qui leur permettrait de mener une action consensuelle, au sens démocratique du terme, c’est-à-dire acceptable par l’opposition.
Pour consulter nos précèdentes publications, voir :
Au quotidien n°53 (du numéro 24 au numéro 53)
Au quotidien n°23 (du numéro 1 au n° 23)