Un vote symbolique, qui doit encore être confirmé par le Sénat et, éventuellement, par un référendum. Quoi qu’il en soit de l’avenir de ce texte, l’idée même de faire entrer le droit à l’avortement dans la Constitution, de le « sanctuariser » en quelque sorte, montre la direction profonde donnée par les institutions de notre pays : celle de la mort.
L’avortement, un moindre mal ?
Face à cette volonté affirmée et largement partagée par les responsables politiques, certains ont pensé un temps proposer la constitutionnalisation de la loi Veil, au titre d’un « moindre mal ».
Mais la mort d’un innocent ne reste-t-elle pas toujours un mal, qu’il faut combattre et empêcher ? Dans un article publié sur ce site, le chanoine Benoît Merly apporte des éléments de réponse. Je n’y insiste donc pas.
L’avortement pose notamment deux problèmes politiques
En revanche, cet épisode parlementaire, odieux par ce qu’il signifie, pose deux problèmes de fond que nous ne pourrons pas toujours esquiver sous prétexte de ne pas troubler notre confort dans un monde de plus en plus antichrétien.
Le premier entre dans une perspective assez large : doit-on laisser à la volonté générale le pouvoir de remettre en cause la loi naturelle, particulièrement en ce qui concerne le respect de la vie innocente ? C’est tout le problème posé par la Constitution de 1958 qui renvoie dans son préambule à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Celle-ci postule en son article 6 que « la Loi est l’expression de la volonté générale ». Tant que nous ne remettrons pas en cause cette affirmation, notre défense de la vie humaine risque d’être vaine. Nous sommes là en effet face au cœur nucléaire de notre système politique.
Celui-ci entraîne justement un deuxième problème. Celui de la légitimité d’un système politique qui impose toute une série logique de lois directement contraires à la loi naturelle et donc au respect de la vie. Dans Evangelium Vitæ, Jean-Paul II écrivait
« que, lorsqu’une loi civile légitime l’avortement ou l’euthanasie, du fait même, elle cesse d’être une vraie loi civile, qui oblige moralement » (n. 72).
Ne conviendrait-il pas d’élargir ce principe au système lui-même qui ne cesse d’émettre des lois civiles qui légitiment des pratiques directement opposées à la loi naturelle. Autrement dit, ce système est-il encore lui-même légitime ?
Face à l’avortement, la grâce de la conversion
Le récent film de Gad Elmaleh, Reste un peu, a posé la question de la conversion au catholicisme de cet acteur et humoriste. Pourtant, comme l’écrit Olivier de Boisboissel dans l’article qu’il a consacré à ce sujet :
« Gad Elmaleh ne franchit pas le dernier pas ; il reste dans son monde juif et, sans doute par gentillesse envers ses parents, par effroi intérieur devant une telle rupture, s’interdit d’aller jusqu’au bout du chemin, vers Celle qu’il aime, la Vierge Marie. »
Les conversions ? Trop souvent impatients, ne prenant en compte ni le temps de Dieu ni celui de la liberté humaine, nous aimerions qu’elles se produisent avec la rapidité d’un éclair.
Nous qui sommes pour la plupart par grâce catholiques depuis notre enfance, nous avons tendance à chercher dans ces révolutions intérieures le viatique qui nous conforte en ces temps troublés, voire qui réchauffe une foi quelque peu attiédie.
Conversions foudroyantes ?
Pourtant, s’il existe des conversions foudroyantes (au moins ainsi perçues depuis l’extérieur), beaucoup d’entre elles arrivent en fait au terme d’un long cheminement. C’est le cas exemplaire de saint Augustin tel qu’en témoignent Les Confessions.
À son sujet, le père Mandouze notait justement (Saint Augustin. L’aventure de la raison et de la grâce, Paris, 1968, p. 114) :
« ce qu’on appelle habituellement “conversion” n’est jamais instantané ; ou, si l’on préfère, l’instantané que fixe la littérature et que l’histoire retient n’est que le dénouement d’un mouvement intérieur souvent très lent, en général irrégulier, accumulant avances, arrêts et reculs »
On trouvera dans le dossier consacré aux grâces de Noël, à travers l’évocation de plusieurs itinéraires de foi et de conversion, un écho de ce cheminement, qui ne va pas habituellement sans combat intérieur.
L’essentiel est invisible aux yeux
Au-delà de ce que représente chacune de ces vies, de ces rencontres entre l’âme et Dieu, une petite leçon peut être retenue. Elle a déjà été formulée, mais en raison même de ce qu’elle est, nous avons régulièrement besoin de la remettre devant nos yeux embués : « l’essentiel est invisible pour les yeux » (Saint-Exupéry, Le Petit Prince).
Le flot d’informations qui se déversent à torrent sur nous chaque jour ne doit pas détourner notre regard de l’essentiel ni de la pensée que les faits qui s’imposent à nous ne sont pas le tout de la réalité.
Souvenons-nous : à part quelques bergers d’un coin perdu de Palestine, quelques mages venus de contrées étrangères et un despote manipulateur, nul n’a su que le Christ était né à Bethléem. Cet événement reste pourtant le moment central de l’histoire du monde.
Saint et joyeux Noël à tous les lecteurs de L’Homme Nouveau.