Les Éditions Sainte-Madeleine de l’abbaye du Barroux viennent de publier un nouveau missel quotidien pour la forme extraordinaire. À cette occasion, nous avons voulu en savoir un peu plus sur cette aventure éditoriale en nous entretenant avec le Père Hubert, cellérier de l’abbaye. Ce missel, qui existe en plusieurs colories (noir, brun, bordeaux, bleu foncé), comprend 2640 pages et il est disponibile au prix de 49 €. Il a reçu l’imprimatur de l’archevêque d’Avignon, Mgr Jean-Pierre Cattenoz. Une très belle réussite éditoriale.
Vous venez de publier un nouveau missel pour la forme extraordinaire alors que vous en éditiez un depuis de longues années. Pourquoi ? Et combien d’années de travail celui-ci a-t-il demandé ?
Le missel des années 50 que nous avions réédité en 1990 – le seul dont nous ayons pu alors et jusqu’à présent obtenir les droits – présentait bien des imperfections. Nous n’avions pu y apporter que de minimes corrections, faute de posséder le texte sous format numérisé. Nous en avons vendu 40.000 tout de même !
Début 2011, après la réimpression du Missel vespéral grégorien, nous avons donc décidé de nous lancer dans la création de notre propre missel et avons établi la « feuille de route » des tâches à prévoir : texte latin à vérifier, traductions à revoir, introductions et commentaires divers à élaborer, notices du sanctoral à réviser, recueil de prières à élaborer, illustrations à réaliser… Chacun s’est ensuite mis au travail pendant un peu moins de trois ans. Près d’une quinzaine de personnes ont ainsi œuvré à la rédaction, aux relectures et aux corrections : Pères et Frères de l’Abbaye, Moniales de Notre-Dame de l’Annonciation, et mères de famille (la collaboration de laïcs garantissait que le missel serait bien adapté à son usage par tous).
Quelles sont les améliorations notables par rapport à votre précédent missel ?
Elles sont nombreuses : tout le texte a été recomposé dans la fidélité aux rubriques du bienheureux Jean XXIII :
– les traductions ont été entièrement revues et corrigées par un moine de l’abbaye (elles suivent désormais le texte latin de près) ;
– une introduction générale fournit un catéchisme liturgique très complet, avec 4 cartes ;
– chaque partie du missel et chaque temps liturgique (Avent, Noël, Épiphanie…) est précédé d’une courte introduction sous forme de petit catéchisme ;
– pour les dimanches et fêtes, outre les commentaires liturgiques, nous avons ajouté de courtes méditations tirées du trésor des écrits des saints et du magistère (provenant en grande partie de la base de commentaires du service evangelizo);
– un rituel des sacrements et un recueil de prières très enrichis, avec également des petits catéchismes et de nombreuses bénédictions ;
– des illustrations pour les dimanches et les fêtes principales (réalisés par deux moines et un ami de l’abbaye).
Cette nouvelle édition offre une grande qualité de lecture. Est-ce un choix éditorial déterminé ? De la même manière, il semble que vous ayez mis en avant dans l’ordinaire les emplacements des servants et les explications du rite ?
En effet, nous avons pris le temps et les moyens de soigner la présentation et la lisibilité, en nous inspirant de ce qui avait été fait de meilleur avant nous.
Nous avons cherché à simplifier et faciliter à tous l’utilisation du missel, pour permettre au plus grand nombre d’entrer dans l’esprit de la liturgie.
Dans nos vieilles églises de pierres chargées d’histoire et de symboles, un guide est souvent utile pour découvrir et apprécier les trésors qui y sont cachés. Le but des explications, des commentaires, des citations est de souligner telle expression, éclairer tel symbole ou tel geste, comme une maman qui se penche à l’oreille de son enfant pour soutenir son attention et l’aider à prier pendant la messe.
Car les commentaires et les textes n’ont pour but que de stimuler la contemplation amoureuse. Aussi avons-nous dédié le missel à notre sainte patronne Marie-Madeleine, répandant son nard le plus précieux sur les pieds et la tête de Notre-Seigneur. Magnifique image de la sainte liturgie et de ce qui s’y rapporte !
On trouve dans ce missel, outre les textes du sanctoral, du temporal et de l’ordinaire une grande quantité de textes spirituels : y a-t-il là une raison particulière ?
Oui, ces textes spirituels ont pour fin d’aider les fidèles à s’arrêter et à méditer les textes de la liturgie. Ils soulignent tel ou tel aspect du mystère célébré et aident à en vivre.
Comme nous l’enseignait Dom Gérard : par le contact de la liturgie nous sommes des enfants sur les genoux de notre Mère l’Église, qui nous enseigne le chemin du Ciel. Les hymnes, les psaumes, le chant grégorien, l’ordre sacramentel versent dans nos âmes la lumière des vérités de la foi et nous invitent à regarder vers Dieu et à chanter ses merveilles.
Il semble que contrairement à d’autres missels vous n’avez pas opté pour la séparation du propre de France du reste de l’année liturgique ?
Oui, et c’est encore pour faciliter l’utilisation du missel : certains anciens missels avaient jusqu’à 3 voire 4 propres en plus du sanctoral romain. À moins d’être un expert dans le maniement du missel et des renvois, les fidèles se sentaient vite perdus ! Nous n’avons donc prévu qu’un seul sanctoral, et les messes des saints propres à certains lieux (propre des pays francophones, à certains diocèses…) sont à leur date et précédées d’un astérisque. De même, nous avons inséré à leur place liturgique les préfaces accordées à la France et à d’autres pays (Avent, dédicace, saint Jean-Baptiste…).
Contrairement à votre édition précédente, sauf erreur de ma part, les annotations grégoriennes sont disponibles dans ce nouveau missel ?
La précédente édition comportait également une partie grégorienne mais en notation moderne. Nous avons rétabli la notation carrée traditionnelle. Cette partie grégorienne comporte les pièces les plus usitées en paroisse (kyriale, messe des défunts, antiennes à la Sainte Vierge…).
Vous éditez également un missel grégorien. Quelle est la différence entre les deux ouvrages ?
Le Missel vespéral grégorien comporte toutes les partitions des pièces grégoriennes des dimanches et fêtes, pour la messe et les vêpres. Ce missel grégorien est donc pour tous ceux qui veulent chanter ou tout simplement suivre les chants grégoriens. Le Missel quotidien complet est destiné à tous les fidèles, car il permet de suivre (quoique sans la musique) la messe même en semaine, et contient tout le rituel des sacrements et de nombreuses prières supplémentaires, dont certaines très récentes (des Bienheureux Card. Newman, Saint Padre Pio, Bienheureuse Mère Teresa…).
Vous proposiez dans votre précédent missel les éléments particuliers du rit dominicain. Est-ce le cas ici ?
Oui, les particularités de ce rit vénérable sont indiqués après l’ordinaire de la messe.
Y a-t-il un ajout de certaines fêtes de saints canonisés depuis 1962, date de la dernière édition typique du missel romain ?
Les rubriques du missel permettent de célébrer tout saint canonisé par l’Église, au moins en messe festive ou votive. Nous avons donc inséré à leur place, avec la permission de la Commission pontificale Ecclesia Dei, les saints inscrits au calendrier liturgique de l’Église romaine depuis 1962, en indiquant la messe propre déjà approuvée le cas échéant pour le missel de 1962. Comme par exemple pour Notre-Dame de Guadalupe le 12 décembre, saint Thomas More le 22 juin… Dans les autres cas on utilise une messe prise dans le commun des saints.
Pour terminer, à qui s’adresse en priorité ce missel ?
Il est destiné à tous les fidèles qui veulent suivre et aimer la sainte liturgie ! Comme l’écrivait Dom Gérard (La Sainte Liturgie), « c’est une excellente méthode d’oraison que de lire lentement le propre du missel, de tamiser, pour ainsi dire, jour après jour, l’eau de cette rivière et de retenir soigneusement ce qui répond à l’attente et au désir de l’âme. La collecte du dimanche deviendra, sous la dictée de l’Église, une méditation savoureuse et une exhortation pratique pour la vie chrétienne. On peut alors porter, gravées dans sa mémoire, les formules de nos oraisons préférées et vivre ainsi entouré de maximes lumineuses qui éclairent notre route. Il y a une grande douceur à prier avec les mêmes mots et les mêmes accents que les premiers chrétiens fraîchement renés de l’eau baptismale, écoutant les mêmes lectures, modulant les mêmes chants, attentifs comme eux à la voix mystérieuse de l’Esprit et de l’Épouse qui dit : Viens, Seigneur Jésus ! »
Quels sont vos autres projets en matière de livres liturgiques ? À quand la parution du bréviaire bénédictin ?
Nous avions édité le Diurnal monastique en 2002 (réédité en 2012 mais en 2 couleurs), puis des livrets pour les offices bénédictins et romains, ainsi que La Semaine Sainte. Nous préparons maintenant le complément pour l’office de nuit (matines), le Nocturnal (latin-français). Nous avons aussi lancé, pour le Pontifical romain, la reprise du texte sous format informatique et sa traduction française.
Bref, ce ne sont pas les projets qui manquent… Mais toujours avec cette intention d’inviter et d’aider les fidèles à entrer dans le drame sacré de la sainte liturgie, comme à « l’école du service du Seigneur », selon l’expression de saint Benoît, avec une âme paisible, contemplative, et d’y puiser chaque jour la paix, la bonté, la beauté et la joie de Dieu.
Pour en savoir plus : www.barroux.org
Pour alller plus loins, deux citations de dom Gérard Calvet, fondateur et premier abbé de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux :
Considérez le missel comme le manuel par excellence du chrétien. L’agencement des textes empruntés à la Sainte Écriture, tels que vous les offre la liturgie du jour, donne à votre lecture une valeur supérieure à ces mêmes textes si vous les aviez choisis de votre propre mouvement : c’est l’Église qui vous les présente pour les besoins de votre âme, c’est elle, cette « grande mère l’Église aux genoux de laquelle j’ai tout appris » (Claudel), qui les insère dans le cycle des mystères du Christ. Les textes et les rites sacrés vous apprendront en outre la révérence profonde que l’âme doit ressentir en présence des choses divines. Qu’il s’agisse du déroulement somptueux d’une messe solennelle, ou de la plus humble bénédiction du rituel pour un enfant malade, c’est la même grandeur d’inspiration qui transparaît. C’est par cette attention et cette estime envers les actes relevant en propre de l’Église, que se forge une âme catholique.
Le choix d’une lecture spirituelle est d’une importance capitale : il faut suivre ses goûts et ses inclinations, en restant docile à cet instinct secret qui préviendra contre l’excès de la facilité ou, à l’inverse, contre une prétention de voler trop haut. La valeur d’une bonne lecture sera toujours prouvée par ses effets dans la vie quotidienne. « Malheur à la science qui ne se tourne pas à aimer ! » disait saint Bernard. Une lecture du missel est toujours la meilleure façon de se préparer au dimanche ou à une grande fête. Dom Romain va jusqu’à dire que le missel est plus nécessaire que la Bible, n’étant rien d’autre que l’Écriture elle-même, mais appliquée et adaptée à nos âmes dans le temps liturgique. Au fond, dans toute lecture, il y a essentiellement l’intention primordiale de trouver la lumière, puis de transformer la lumière en amour. Cela dure toute une vie.