Bon Pasteur, mercenaire et loup dans la bergerie : réflexions autour des affaires Pell, Preynat et Finet

Publié le 11 Mai 2020
Bon Pasteur, mercenaire et loup dans la bergerie :  réflexions autour des affaires Pell, Preynat et Finet L'Homme Nouveau

Douloureuse nouvelle : le nom du père Georges Finet vient allonger la trop longue liste des accusés. La renommée du fondateur des foyers de charité, bien connu pour son charisme et sa proximité avec Marthe Robin, rend ces accusations plus scandaleuses encore. Si les relaxes récentes du cardinal Pell et du cardinal Barbarin – le premier accusé de viol, le second d’avoir couvert un prêtre coupable de viol – ont montré que le mal n’était pas toujours du côté du clergé, ces affaires ont néanmoins révélés des crimes, des silences et des dysfonctionnements graves au sein de l’Eglise. Comment et pourquoi les loups sont-ils entrés dans la bergerie ? Comment comprendre et répondre à ces maux à la lumière de la figure du Bon Pasteur ?

Voilà maintenant plusieurs années que nous assistons à la défenestration morale de grandes figures emblématiques du clergé. « La vérité nous libère », encourage l’Évangile, pour permettre au troupeau du Seigneur d’accéder aux splendeurs des mystères divins, et c’est cela surtout qui le met en sécurité, car c’est là sa vocation. En revanche, l’hypocrisie du loup entrant dans la bergerie, caché sous la peau d’une brebis, voilà évidemment le grand fléau, redoutable à tous points de vue, et donc à contrecarrer par tous les moyens naturels, par le surnaturel aussi, surtout quand ces moyens naturels semblent inopérants. 

L’Église est la colonne de cette vérité qui libère. Oui, mais le singe de Dieu, c’est-à-dire le démon, s’évertue à en travestir l’aspect humain en sentine d’enfer, s’acharnant sur ceux qui sont préposés pour la représenter. Déjà les Pharisiens étaient dénoncés en ce sens par le Seigneur. Aujourd’hui le pape François condamne de la même manière l’hypocrisie cléricale, après que le pape Benoît XVI, le premier jour de son pontificat, a demandé avec insistance nos prières pour qu’il ait la force de s’opposer aux loups.

L’Évangile dénonce aussi le mercenaire qui s’enfuit devant la menace, laissant alors au loup toute liberté pour tuer et dévorer les brebis du troupeau. Dès lors, deux dangers graves guettent la colonne de vérité, menaçant sa crédibilité : d’une part la lâcheté du mercenaire qui ferme les yeux et s’enfuit, d’autre part la cruauté du loup ainsi que son hypocrisie quand il saccage le troupeau en s’étant revêtu d’une peau de brebis. 

Ces images enchevêtrées, toutes contenues dans l’Évangile, accusent de leur lumière crue ce mystère de défenestration : la barque-Église est brutalement bousculée. Annihilée ? Jésus l’a-t-il quittée, ou ne fait-Il qu’y dormir au milieu des fidèles effarés ? Une chose est sûre : ce n’est pas la Parole libérée des victimes qui crée la tempête ; elle ne fait que sonner le tocsin. Or un ennemi débusqué, tapi dans l’ombre peut-être, est moins nocif que celui qui est ignoré. Cela dit, il faut ensuite mettre un peu d’ordre dans ce « jeu de massacre » qui n’est pas drôle du tout, et discerner les responsabilités-gigogne en cause, si je puis user d’une telle image. Tentons cela sur trois exemples bien connus désormais.

Ainsi, avant son ordination, le Père Bernard Preynat se sachant dangereux en avait informé l’autorité qui le faisait monter à l’autel. Puis, prisonnière de cette lâcheté de mercenaire, la dite autorité s’est enfoncée de cardinal en cardinal dans des subtilités d’ordre juridique dans lesquels le premier venu de bonne foi ne pouvait pas ne pas voir des mensonges. Ce dossier cruel, trop éloigné de la référence au Bon Pasteur, appartient désormais à l’histoire passée. Mais comment relever les ruines accumulées sinon par l’humilité qui fait revenir le Bon Pasteur et redonne ensuite cette foi vive qui transporte les montagnes pour les plonger dans la mer ?

Tout récemment, depuis le début 2019, une enquête a été diligentée sur certains agissements du Père Georges Finet. La plupart des 150 témoignages recueillis défendent sa figure de bon pasteur : son autorité forte et paternelle était dotée d’une foi rayonnante et communicative. Mais 26 femmes, scolarisées en leur adolescence au Foyer de Charité de Châteauneuf-de-Galaure (Drôme), ont accusé son comportement déviant et ses questions intrusives lors des confessions. Il s’agit certes d’une minorité, mais d’une minorité traumatisée à vie : cela est très grave. Comment donc le bon pasteur a-t-il cédé la place au mercenaire, sinon même au loup ? L’air du temps pointait l’éducation affective des jeunes et le Père Finet, bon pasteur en tant de domaines, aurait mieux fait d’être plus respectueux de ses pénitentes, sans « psychologiser » à outrance et de travers. 

On lui reproche en outre une autorité excessive qui serait la cause de ces graves dérèglements, péché originel de l’emprise qui tourne à la transgression. « La figure et le rôle du père de Foyer, ainsi que l’obéissance qui lui est due, ont favorisé des abus », conclut la commission d’enquête. « Des systèmes non régulés portent en eux ce risque ». Comme bénédictin, le mot « régulation » me fait réfléchir : dans sa Règle, saint Benoît insiste sur la responsabilité du Père abbé, craignant plutôt l’éviction du principe d’autorité ; pour lui, il fonde sans équivoque l’ordre social dans la communauté. Mais la « régulation » qu’elle appelle, sans l’amoindrir, en est le couronnement : c’est la confiance de la famille qui équilibre tous et chacun, du haut en bas et de bas en haut de la pyramide. 

Autre cas emblématique : le cardinal Georges Pell a passé plus de 400 jours en prison après sa condamnation en appel au début de 2019. Puis en avril dernier, la Haute Cour australienne a jugé finalement « une possibilité importante » qu’il soit innocent, les preuves à charge n’établissant pas sa culpabilité selon le niveau requis : le plaignant n’est pas accusé d’avoir menti (la charge eût été calomniatrice), mais ses preuves ont été déclarées fausses. « Aucune rancœur de ma part », a déclaré pourtant le cardinal à sa libération. Une bévue juridique si grave accuse du moins un relent laxiste et malsain qui a l’odeur du loup. Elle aura eu d’ailleurs l’avantage objectif de purger plus de 800 dossiers de loups dans la bergerie de l’Église australienne. 

Les accusations portées en ces divers cas eussent-elles été possibles dans un climat de foi et d’humilité qui font les cœurs purs ? « La chaste tendresse fraternelle » (cf. Règle de saint Benoît, c. LXXII) sait reconnaître les vrais besoins des âmes et des corps et les traite avec un égal respect. « L’amour n’est pas aimé », se plaignent les saints, la société en pâtit et, hélas, la tiédeur de divers hommes d’Église déçoit et trahit l’attente du Bon Pasteur : la colonne de vérité est alors fragilisée et menacée par la perversion. La révélation de ces comportements déviants ne saurait avoir d’autre portée providentielle que de réveiller les consciences et faire redécouvrir et désirer humblement chez tous la charité, la pudeur, la chasteté, la modestie. « Il y a des eunuques qui se rendent tels pour le royaume des Cieux… Dans le royaume des Cieux il n’y a plus ni mari ni femme, mais tous sont semblables à des anges. »

Il n’y a qu’un seul Bon Pasteur, Jésus, ses prêtres agissant divinement in persona Christi. En dehors de sa configuration au Bon Pasteur, l’autorité dans l’Église est toujours du plus haut risque. François de Sales commença par refuser l’épiscopat par crainte de sa damnation. On pense aussi à la prière éplorée de Nicolas de Flue : « Seigneur, vous avez pris ma nature, prenez aussi ma personne » ; ou celle de saint Philippe Néri : « Mon Jésus, je voudrais bien t’aimer. Mon Jésus, ne te fie pas à moi. Mon Jésus, je te l’ai dit, si tu me m’aides pas, je ne ferai jamais de bien. Grande est la plaie de ton côté, mais si vous ne me prêtez main forte, je te la ferai plus grande ! » Les succès pastoraux un peu spectaculaires deviennent un danger pour le prêtre dont l’union au Bon Pasteur a la moindre fissure : le mercenaire lâche ou le loup cruel sont tapis en son cœur. Mais ces diverses références à l’Écriture invitent en dernier temps à la confiance, elle renferme toujours l’énergie nécessaire pour refaire le visage de l’Église afin qu’il rayonne l’Évangile sur toute la société. 

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