Caravage à Rome, amis et ennemis

Publié le 21 Déc 2018
Caravage à Rome, amis et ennemis L'Homme Nouveau

Dix peintures de Caravage dont sept jamais montrées en France, confrontées aux œuvres de ses collègues, élèves ou rivaux, sont exposées au Musée Jacquemart André. 

En entrant dans la première salle de l’exposition, le regard du visiteur s’arrête immédiatement sur un grand tableau d’un réalisme saisissant : Judith décapitant Holopherne (1598). Judith vient de trancher la tête du chef militaire. Elle semble dégoûtée, le sang se répand ; la servante, au visage usé et repoussant, attend un sac à la main. Holopherne, la bouche ouverte, la main rétractée sur le drap blanc, ne crie plus mais reste très impressionnant. La scène vient de se passer, c’est une sorte d’image instantanée qui rend l’œuvre d’autant plus violente. Juste à côté, la même scène peinte par un autre artiste ne dégage pas autant d’intensité. 

Dans les salles suivantes les sujets, toujours traités avec une grande volonté de véracité, sont plus paisibles. Il y a le thème de la musique et de la nature morte où se déploie le magnifique talent de Caravage avec Le joueur de Luth (1595-1596) [toile récemment restaurée, conservée à Saint-Pétersbourg] : les instruments de musique, la partition, le bouquet, les fruits, et le jeune musicien aux mains si délicates montrent sa grande dextérité.

Et plus loin, les peintures aux thèmes religieux où Caravage excelle avec beaucoup de nouveauté. Il n’y a plus d’idéalisation mais des scènes qui semblent sortir du quotidien. Ainsi, le splendide Souper à Emmaüs (1605-1606) dont la composition simplifiée présente des personnages modestes, surpris par la bénédiction du Christ. Le fond sombre du tableau, la palette réduite utilisée pour les personnages et surtout l’éclairage singulier qui les met en valeur, donnent à cet instant une dimension mystique. En contemplant ce tableau, on ne peut s’empêcher de penser à la même scène peinte par Rembrandt quelques années plus tard.

Michelangelo Merisi dit Caravage, serait né à Milan en 1571, ville que ses parents auraient quitté pour le petit bourg de Caravaggio à la suite d’une épidémie de peste. Il a travaillé dans différents ateliers puis est allé à Rome où il se fait connaître. Tout en fréquentant les grands de ce monde, il reste très proche des milieux pauvres où il choisit ses modèles. Il est connu aussi pour son tempérament sanguin et colérique. Souvent en procès, il tue dans une rixe une de ses connaissances, Ranuccio Tomassoni, à Rome. Il fuit alors la ville et est condamné à mort par contumace. Il se réfugie à Naples, puis à Malte où il est de nouveau emprisonné mais réussi à s’enfuir jusqu’à la Sicile. Il espère revenir à Rome et obtenir le pardon du pape mais il meurt en 1610, sur le chemin du retour. Sa vie affective semble aussi tourmentée. Comme il a peint de jeunes garçons, on a supposé qu’il avait un penchant pour eux, mais un des commissaires de l’exposition suggère que ce sont plutôt ses commanditaires. Il aimait les femmes… et avait, semble-t-il, une certaine foi. Ses œuvres religieuses, très originales pour son temps mais toujours respectueuses, montrent souvent la lumière au milieu des ténèbres. Il a apporté à la peinture un éclairage particulier appelé le caravagisme qui influence les peintres de son temps mais aussi ceux qui lui succèdent (Georges de La Tour, Rembrandt…).

À ne pas manquer !

Jusqu’au 28 janvier 2019. Musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann, 75008 Paris. Ouvert tous les jours de 10h à 18h. Nocturne le lundi jusqu’à 20h30 en période d’exposition.

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