Maxime Duboscq a publié en octobre dernier, à 17 ans, un livre intitulé Chers professeurs aidez-nous à réussir ! aux éditions Favre. À partir de son expérience de collégien puis lycéen, il analyse les méthodes pédagogiques qui fonctionnent, les piliers indispensables pour transmettre efficacement son savoir.
Comment l’idée d’écrire un livre sur votre expérience d’élève est-elle née ?
Tout a commencé en quatrième, lorsque je suis revenu chez moi avec un 8/20 en mathématiques. Cette nouvelle mauvaise note, malgré mes efforts d’attention en cours et de travail depuis des mois, était accompagnée d’une colle. Je regrettais la pédagogie d’un ancien professeur, avec lequel ma motivation et mes résultats dans la matière étaient bien meilleurs. Mes parents m’ont suggéré d’en parler au professeur concerné mais je doutais de son écoute. Craignant que s’installe un goût amer pour l’école en général, mes parents me firent voir que certains autres cours captivaient les élèves.
Mon père suggéra de noter sur un petit carnet bleu mes observations sur les pédagogies les plus remarquables ; ma mère appuya immédiatement le projet avec enthousiasme, elle y décela l’embryon d’un projet utile aux professeurs. Mes parents savaient mon goût pour l’écriture – j’avais à cette époque déjà écrit un petit roman.
C’est ainsi que je me suis remis à suivre les cours dans une tout autre posture : spectateur et analyste en herbe, je repérais les méthodes originales déployées par les enseignants pour transmettre les savoirs. Ainsi chaque cours avait une saveur unique, l’école était devenue passionnante ! Année après année, mon regard s’est affiné, les observations se recoupaient, et finalement en classe de terminale j’ai entrepris la rédaction du livre.
L’ouvrage prend donc ses racines dans une expérience personnelle douloureuse, transfigurée en un hymne à l’art d’enseigner, un hommage à la grandeur de transmettre. Finalement, c’est un témoignage de reconnaissance à tous ces professeurs consacrés à nous faire aimer leur matière, à nous conduire plus haut.
Comment se structure cet ouvrage ? Est-ce un témoignage, une méthode ou des conseils ?
Le livre est structuré en dix chapitres portant chacun sur un stratagème, autrement dit une méthode pédagogique particulièrement captivante. Je livre les clefs de chaque stratagème, les conditions pratiques pour qu’il soit un succès, c’est-à-dire in fine, faire aimer la matière. Pour y parvenir, les stratagèmes jouent sur des cordes variées, tels les effets dynamiques dans la classe, la curiosité, le suspense, les astuces de discipline, l’enrichissement de la relation entre professeur et élèves, l’esprit de compétition…
Oui, ce livre est aussi un témoignage : le mien, car tous les stratagèmes sont illustrés par mon expérience avec circonstances et sentiments personnels ; mais le témoignage est plus large puisque j’ai intégré les confidences de camarades en dehors de la classe, et celui d’autres élèves issus de diverses écoles. Tout cela vise à rendre compte du point de vue de l’élève face aux pédagogies vécues en classe.
En découvrant les stratagèmes illustrés par des anecdotes véridiques, vécues depuis la salle de classe, se dévoile un pan de la richesse, la complexité et l’inventivité de cet art subtil et exigeant, faire aimer une matière à des adolescents.
Au fur et à mesure que j’observais les professeurs, d’année en année grandissait ma reconnaissance et mon admiration pour leur inventivité, leur persévérance afin de nous faire découvrir quelques bribes de sagesse humaine.
Vous avez écrit ce livre à 17 ans, quelle est votre légitimité pour écrire sur ce sujet ?
Merci de poser cette question de la légitimité car elle a constitué pour plusieurs professeurs une difficulté… du moins avant d’avoir lu le livre ! Je le comprends bien : la démarche est une première dans son genre, elle peut surprendre, voire choquer si l’on passe à côté du propos.
Ma seule légitimité est évidemment celle de l’élève, ou plus exactement de l’ancien élève, qui livre son témoignage avec sincérité, propose ses analyses avec le souhait de servir le bien commun. Mon expérience et celle des autres élèves que j’ai consultés pour préparer ce livre sont-elles représentatives ? Je ne le prétends pas – même si les messages convergents reçus de professeurs issus d’écoles variées suggèrent l’existence d’un fonds commun dans l’art d’enseigner, dès lors que les éducateurs partagent des valeurs similaires : faire aimer leur matière, tirer les élèves vers le haut.
Le livre propose un retour d’expérience aux éducateurs, professeurs et parents, sur la manière dont des élèves vivent l’enseignement en classe. C’est une boucle de rétroaction, un « feedback ». Il y a là, de l’avis de beaucoup d’éducateurs qui me l’ont confié, matière à penser pour, ici ou là, perfectionner l’art d’enseigner, mieux comprendre les adolescents, ouvrir de nouveaux horizons.
Quel statut peut avoir ce retour d’expérience ? Les professeurs auraient-ils, selon vous, un devoir ?
Les élèves, eux, pour progresser, bénéficient de boucles de rétroactions fréquentes : bulletins de notes, appréciations sur les copies, observations des enseignants et des parents. Sauf exceptions, il est évident que ces boucles sont indispensables pour que l’élève ajuste son travail et ses méthodes, en un mot se perfectionne. C’est même un devoir, pour l’élève consciencieux, de prendre connaissance de ces multiples échos et chercher à en tirer des axes d’améliorations.
Or, de nombreux professeurs cherchent, eux aussi, à perfectionner leurs gestes éducatifs. Mais leurs sources de retour d’expérience sont ordinairement limitées au comportement des élèves en classe et à la qualité des copies. Est-il possible d’apporter un éclairage complémentaire pour aider ceux qui s’efforcent de discerner ce qui motive leurs élèves, d’analyser pourquoi telle tentative pédagogique a échoué, de trouver des idées adaptées à leur talent propre ? C’est mon pari dans cet ouvrage, qui cumule une somme d’observations mûries durant cinq ans. L’ambition est ici d’ajouter à celui dont ils disposent déjà, un nouveau matériau de réflexion.
Oui, la recherche de perfectionnement me semble un devoir moral, pour l’élève comme pour le professeur. Cela ne renvoie-t-il pas, selon la philosophie de st Thomas à la vertu de prudence, qui dans sa première phase, le conseil, consiste à demander et recevoir des informations utiles pour nourrir les phases suivantes de délibération, décision et action ?
Dans la parabole des talents (Matthieu, 25:14-30), l’impératif est clair. Les serviteurs à qui le maître a confié des talents, chacun selon sa capacité, ont le devoir de les faire fructifier. Celui qui enterre son talent, de peur de le perdre, se voit traité de serviteur méchant, paresseux et inutile, et renvoyé dans les ténèbres du dehors.
Dès lors, il appartient aux professeurs et aux parents de s’ouvrir à ces faits et analyses proposés par un ancien élève, de les projeter dans leur propre contexte, jugeant eux-mêmes de ce qui peut être utile, adapté, réinventé, personnalisé. Un professeur d’histoire-géographie m’écrivait, il y a deux semaines, un bref aperçu des changements qu’elle entendait mettre en œuvre au retour de son congé maternité. Après lecture du livre elle repart pleine d’enthousiasme pour mieux surprendre ses élèves et saisir leur attention. Quelle joie pour elle et quelle chance pour ses élèves de bénéficier d’une enseignante si dévouée !
Notons aussi que tous les éducateurs ont un rôle éminent en matière d’exemplarité. Or, la vertu suscite la vertu : l’exigence vis-à-vis des élèves est l’écho d’une même exigence vis-à-vis de soi. « Peut mieux faire ! », n’est-ce pas là ce que chacun doit penser de son propre travail ?
Pour conclure sur ce sujet j’aimerais citer le professeur agrégé de lettres modernes à Paris, qui a rédigé la préface. Mme Metzinger écrit : « C’est justement parce que le professeur est limité, avec ses faiblesses, sa fatigue, ses erreurs reconnues, mais aussi son enthousiasme, son énergie, sa détermination – ses servitudes et grandeurs humaines en somme -, qu’il est à la portée de son élève et que l’attention qu’il lui consacre acquiert toute sa richesse ».
Dans notre système scolaire où la notion de respect disparaît de plus en plus, quelle est l’importance de cette notion ?
De nos jours, le respect semble remis en cause dans de nombreuses classes. Pourtant c’est la pierre d’angle de ce cercle vertueux qui permet au cours de porter ses fruits. Dans mon livre, je constate que cette notion est la condition sine qua non de la transmission. C’est le socle pour développer les quatre leviers fondamentaux – du moins ceux que j’ai relevés, dans mon expérience d’élève, pour que la transmission soit optimale : la discipline, la relation entre professeur et élèves, la dynamique du cours et la motivation. Ces quatre branches de l’arbre donnent des fruits délicieux et croissent sur un tronc commun, celui du respect mutuel.
Sans respect, la discipline est vite ébranlée, ou bien devient école d’hypocrisie. Sans respect, la relation entre le professeur et ses élèves est desséchée ou bien corrompue, la dynamique de classe pesante et la motivation réduite au strict minimum. En sens inverse, j’ai pu l’observer : mobiliser généreusement ces quatre piliers évoqués tout au long du livre aide à ce que le respect s’instaure progressivement au sein d’une classe : « L’autorité et le cours vivant, dynamique et attractif vont de pair et ne peuvent se délier ».
Chers professeurs aidez-nous à réussir !, Maxime Duboscq, Éditions Favre, 224 p., 19.50 €.
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