« Le ministère de la Santé ne sait pas où il va. Il ne nous connaît pas, il ne veut pas nous connaître. Invisibles, nous le sommes. Invisibles, il veut que nous le restions », déploraient les sages-femmes ce 10 décembre. Elles sont en grève depuis le 16 octobre dernier, et ont adopté comme signe de reconnaissance un masque blanc marqué de larmes couleur sang.
On ne naît pas sage-femme, on le devient au terme de cinq longues années d’études, dont la première année de médecine qu’il faut nécessairement valider pour entrer en école de maïeutique – c’est le nom officiel de la formation des sages-femmes. Après cinq années d’études, elles encadrent 70 % des naissances en toute autonomie et sont capables d’assurer le suivi gynécologique des femmes. Et pourtant, les sages-femmes ne sont pas reconnues comme personnel médical. Outre les conséquences financières de cette dévalorisation de leur statut, il y a là une profonde injustice, un manque de reconnaissance pour celles qui n’ont rien de moins que la vie des mères et de leur enfant entre les mains. Car la naissance n’est pas une formalité.
« Cigognes, oui, pigeons, non », s’exclament-elles. « Avant nous étions sages, mais ça c’était avant », disent encore les sages-femmes qui ont appelé à une grève illimitée jusqu’à ce que Marisol Touraine, ministre de la Santé, daigne prêter plus qu’une oreille faussement complaisante à leurs revendications. « Et si c’est nécessaire, le clamer et camper », c’est le mot d’ordre de ces milliers de femmes – elles sont 20 000 à exercer cette profession en France – décidées à obtenir un statut qui fasse honneur à leur compétences. Et de fait, à Grenoble, certaines ont planté leur tente devant le centre hospitalier malgré la neige et le froid et elles sont près de 70 % à être en grève sur l’ensemble du territoire, quoiqu’elles continuent d’assurer un service minimum d’astreinte afin de ne pas pénaliser les mamans.
Ces drôles de cigognes ont été reçues au ministère de la Santé le 13 novembre après une manifestation à Paris le 7 novembre et de multiples manifestations en province qui n’ont pas cessé depuis. Une énième manifestation parisienne est d’ailleurs prévue pour le 16 décembre prochain. Du côté du ministère, c’est le silence radio. Mais les sages-femmes ont plus d’un tour dans leur sac et ont trouvé un moyen de pression plus efficace : la dénonciation des facturations frauduleuses des accouchements. Depuis longtemps, lors d’un accouchement sans complications, les sages-femmes codent cet acte avec un code identifié « médecin » qui autorise l’Assurance maladie à rembourser l’acte à l’hôpital. Elles ont décidé de ne plus user de ce subterfuge et les hôpitaux commencent à grincer des dents…
Pourquoi Najat Vallaud-Belkacem n’a-t-elle pas réagi ? Pourquoi le ministre des Droits des femmes est-elle si indifférente à cette profession pourtant toute dévouée aux femmes ? Cette dévalorisation du diplôme de maïeutique révèle une fois de plus les absurdités du système universitaire français. Il révèle surtout – et c’est plus grave encore – le mépris des instances dirigeantes pour la maternité et la vie à naître. Mais au fond, à défaut d’être juste sur les plans moral et politique, cette posture gouvernementale a au moins le mérite de la cohérence. Madame Belkacem, biberonnée au féminisme radical, considère la maternité comme un asservissement. Valoriser celles qui servent la vie naissante serait pour le ministre se vautrer dans les stéréotypes du Genre et la norme hétérosexuelle…