Une phrase du pape François, entendue lors de son dernier voyage en Asie, a suscité beaucoup de commentaires. Le Salut est-il ouvert à chacun par sa propre religion ? Une explication théologique et pastorale était indispensable pour rappeler la juste articulation entre dialogue et évangélisation.
Le 13 septembre dernier, au cours de son voyage à Singapour, le pape François s’est adressé à des jeunes pour leur parler de l’importance du dialogue, spécialement entre ceux qui appartiennent à des religions différentes : « Toutes les religions sont un chemin vers Dieu. Elles sont – je fais une comparaison – comme des langues différentes, des idiomes différents, pour y parvenir. Mais Dieu est Dieu pour tous. Et parce que Dieu est Dieu pour tous, nous sommes tous fils de Dieu. » Cette conversation a suscité des polémiques et des contestations. Tout en reconnaissant qu’elle ne constitue pas un acte du magistère mais une consigne pastorale et missionnaire, elle peut être aussi l’occasion d’une clarification pour mieux saisir ce qui est vraiment en jeu.
1. L’être humain est naturellement religieux
Il ne s’agit pas là d’un simple constat ethnologique mais d’une réalité anthropologique fondamentale. Il est dans la nature de l’homme d’être religieux, c’est-à-dire de reconnaître ou de chercher à établir un lien avec l’infini, avec cette réalité que la créature raisonnable pressent. Même dans un état de faiblesse congénitale (que nous appelons en régime chrétien le péché originel), l’intelligence humaine est capable de parvenir à la certitude de l’existence de Dieu, objet de son désir inné de vérité et de bonheur. Dès lors le comportement le plus humain et le plus raisonnable est de chercher à entrer en contact avec cette réalité à la fois mystérieuse et omniprésente. Mais parce que l’homme n’accomplit sa vocation qu’au sein d’une communauté (la famille puis la société), cette quête d’infini prend aussi une dimension familiale, sociale et communautaire. Elle se traduit par un ensemble de rites, de coutumes, de croyances, de manières de faire et de vivre, d’exigences éthiques et de lois morales. La première mission du théologien et du missionnaire est donc de reconnaître la part de vérité sur Dieu et sur l’homme que comporte chaque tradition religieuse. En ce sens le dialogue est bien la première étape de l’évangélisation. Mais le missionnaire est aussi appelé à un travail de discernement parce que ces différentes traditions religieuses restent marquées par la loi universelle de péché.…