L’association « Lazare » entend venir en aide aux personnes de la rue grâce à la cohabitation organisée avec des jeunes engagés dans la vie active. Ces colocations originales ont pour but de donner un cadre restructurant à ceux à qui la misère a ôté jusqu’à l’estime d’eux-mêmes.
| Quelle place occupe le travail dans votre association ?
« Lazare » anime et développe des colocations solidaires entre des personnes qui ont connu la rue (ou de très grandes galères) et des jeunes professionnels (25-35 ans), qui s’engagent pour un an ou plus. Nos volontaires partent le matin pour travailler. À l’inverse, nos personnes de la rue ou en galère le plus souvent ne travaillent pas. Le premier fossé qui saute aux yeux dans nos colocations est donc ce contraste entre nos « jeunes actifs » et d’autres… souvent moins jeunes et moins « actifs », du moins aux yeux de la société !
| Quelle importance peut avoir une réinsertion professionnelle pour vos colocataires ?
Le travail est une des étapes vers la réinsertion, mais ce n’est pas la seule. Ma première conviction c’est que le travail ne peut pas être l’horizon de tous les profils de ceux que nous accueillons. Certains ont passé l’âge de la retraite et ne retourneront jamais travailler. D’autres sont dans des états de santé ou de handicap tels que l’idée même d’exercer une profession « classique » semble farfelue. Néanmoins, ils peuvent tous faire un pas vers une forme de vie active. À « Lazare », nous essayons de déployer le « DPA », ce qui signifie : développement du pouvoir d’agir. Nous les aidons à retrouver ce qui les anime, leurs rêves, pour entrer dans une dynamique de projet qui aide à aller de l’avant. Concrètement, ce pouvoir d’agir peut être un bénévolat, un passe-temps, ou simplement renouer avec un membre de sa famille. Pour certains, il s’agit du premier pas nécessaire vers la vie professionnelle. Il nous faut encourager « la politique des petits pas », progressivement.
| Comment est-ce que vous les accompagnez ?
Nos jeunes actifs sont souvent bien établis dans leur vie professionnelle. Ils ont la tentation de dire aux colocataires sans emploi : « Tu es là depuis quinze jours déjà ! Tu prépares ton CV et je te trouve un entretien d’embauche ». Un travail va même parfois être trouvé mais, au bout d’une ou deux journées seulement, si le colocataire n’est pas préparé, il se retrouve dans la spirale…