Une semaine avant son voyage en Irlande, le Pape adresse à tout le peuple de Dieu une longue lettre sur la pédophilie. En lisant cette lettre douloureuse mais sereine, je pense à la remarque qu’avait faite Jean-Paul II à propos de la repentance. Comme on observait au saint pape que c’était seulement l’Église qui faisait repentance, il avait répondu : c’est peut-être providentiel et finalement il en est bien ainsi. On pourrait faire la même remarque à propos de la pédophilie. En effet, je crains que trop souvent on abuse de tels scandales, avec une mauvaise intention à peine voilée, uniquement pour discréditer l’Église ou pire lui faire changer sa morale et sa discipline. On ne tient jamais compte des non-lieux décrétés par la justice et on s’avère d’un grand laxisme pour des instituteurs, pédagogues ou autres, y compris des parents, qui se vantent d’être pédophiles, sans recevoir la moindre condamnation. On a ainsi sans doute condamné des prêtres non coupables qui, pour certains, en sont venus au suicide. Cette remarque préliminaire faite, abordons la lettre pontificale.
Le Pape est très sévère et à raison, conscient cependant qu’il existe hélas beaucoup d’autres abus que les abus sexuels. Le défi est immense et il est communautaire. Ce sont tous les membres de l’Église qui sont concernés par ces abus. Aussi le Pape nous invite-t-il tous à prier, jeûner et faire pénitence. Le Pape s’appuie sur la phrase de saint Paul enseignant que, comme dans tout corps, si un membre du corps mystique du Christ souffre, tous les membres souffrent avec lui. L’Église s’associe donc au cri de toutes ces victimes qui monte vers le ciel. Ce cri ressemble au cri des martyrs de l’Apocalypse criant vengeance de leur sang versé. « Il ressemble plus encore au Magnificat de Marie proclamant que Dieu renverse les puissants de leur trône et exalte les humbles ». Oui, il faut beaucoup d’humilité, de pureté de cœur et de pudeur pour pouvoir parler convenablement de ces choses-là, sans s’aveugler par un orgueil malsain dans un sens comme dans l’autre. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons reconnaître les négligences des membres de l’Église sainte en elle-même et pourtant composée de pécheurs. Paul VI déjà parlait de la trahison des clercs. Et cette trahison s’avère d’autant plus douloureuse lorsqu’elle souille des innocents, des petits que le Seigneur chérissait. C’est d’ailleurs à ce propos que Notre Seigneur prononça des paroles terribles contre le scandale. Le Pape cite le cardinal Ratzinger dans son allocution du Vendredi Saint 2005, peu avant son élection au souverain pontificat. Oui nous devons tous souffrir, tant l’ampleur et la gravité des faits nous poussent non seulement à prendre pleine connaissance des faits (et là il y aurait peut-être beaucoup à dire !), mais encore la gravité de la situation nous force à relever le défi et nous ne pourrons réussir que par le pardon. Notons à ce sujet que pour être efficace, le pardon doit être des deux côtés. Que l’on songe à la parole héroïque d’Assunta Goretti au bourreau de sa fille : « Elle vous a pardonné, comment ne le ferai-je pas moi-même » !
Le Pape prône donc la tolérance zéro à l’égard des coupables, mais il ne s’arrête pas là et heureusement. Il réclame, dans la ligne du Concile, la sainteté de tous les membres de l’Église. Pour cela, il reprend l’invitation de Jean-Paul II au début du troisième millénaire de repartir tous du Christ. Avec raison, il affirme de fait que la sainteté n’est pas réservée à une élite. Elle est universelle, comme l’enseignait déjà saint Paul, car « elle est la volonté de Dieu » sur nous. Que la Mère de l’Église nous aide à rentrer dans cette dynamique.