Entretien avec Jean-Frédéric Poisson, président du Parti Chrétien Démocrate
Propos recueillis par Clémence Gidoin
Le 23 mai dernier, Jean-Frédéric Poisson demandait la création d’une commission d’enquête, afin de déterminer si le pétrole que l’on achète en France provient ou non des puits de l’organisation terroriste qui sévit au Moyen-Orient. Effaré par la possibilité que nos entreprises françaises puissent être mises en cause dans les massacres perpétrés par Daesh, il nous explique les tenants et aboutissants de cette demande.
Pour quelles raisons avez-vous demandé une commission d’enquête ?
Je l’ai demandée parce qu’une diplomate représentant l’Union européenne à Bagdad a déclaré il y a quelque temps qu’il était probable, et même certain, que des sociétés occidentales achètent du pétrole au Daesh. Cette perspective m’est insoutenable, donc il est impératif de faire la lumière sur cette question. J’espère que ce n’est pas vrai, mais je constate qu’une diplomate, qui surveille tout cela de très près, le croit et le dit : nous devons en avoir le cœur net.
En quoi cette commission consiste-t-elle ?
C’est un groupe de parlementaire constitué à la demande de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Il est composé d’environ trente parlementaires, répartis à proportion de la majorité et de l’opposition. Il est doté de pouvoirs d’investigations judiciaires, de telle sorte que lorsqu’il convoque telle ou telle personne, celle-ci ne peut pas refuser de venir, et elle dépose sous serment devant les membres de la commission. C’est donc la seule modalité selon laquelle l’Assemblée nationale, ou le Sénat, est investie de tels pouvoirs. La commission peut être publique, ou du moins elle fait l’objet d’un rapport public.
Combien de personnes ont pour l’instant signé cette demande ?
À l’heure où je vous parle, elle compte 140 signatures. Je ne sais pas si elle sera acceptée, cela dépend de la décision de la gauche majoritaire, qui ne sera pas rendue avant l’automne puisque nous arrivons bientôt au terme de la session ordinaire.
Qui pourrait la refuser, et pour quelles raisons ?
La majorité de gauche décidera si elle doit avoir lieu. Au moment où nous parlons, je ne vois pas de motif raisonnable de refus. Que l’on soit de gauche ou de droite, l’idée que des sociétés françaises achètent du pétrole à des barbares est inacceptable.
Je ne peux pas m’avancer sur l’éventuelle implication de ces sociétés : je fais confiance à mon pays pour ne pas croire qu’elles puissent le faire, et en même temps je connais la puissance de l’attrait mercantile. Daesh vend son pétrole à moitié prix par rapport aux autres vendeurs du marché, puisqu’ils ont besoin de liquidités et donc de vendre vite. Toutefois, le pétrole ne s’achète pas comme sur internet : il y a des puits, des tuyaux, des camions, des trains, de nombreux intermédiaires pour que cette marchandise physique puisse être acheminée. Et je n’ai pas entendu pour l’instant qu’il soit question de tarir la source ou la fourniture de ces produits, donc je suis très interrogatif. Je ne vois pas d’autre enjeu que l’argent dans cette affaire.
À supposer que la commission révèle la responsabilité des entreprises françaises, quelles seraient les suites ?
Il faudrait voir, en terme de droit, quels sont les griefs que l’on pourrait imputer à ces entreprises : il y a le fait d’entretenir des relations avec des ennemis alors que nous sommes en état de guerre déclarée puisque des troupes françaises se battent contre Daesh au Moyen-Orient.
Au-delà des enjeux de droit, les enjeux d’image sont colossaux : il va falloir beaucoup de temps avant que les consommateurs retournent faire leur plein à la station-service d’une entreprise qui achète son pétrole à Daesh. Je crois bien plus, et c’est malheureux à dire, dans l’efficacité de la sanction éthique que dans la sanction juridique.
Il n’y a pas mort d’homme donc ce n’est pas un crime de guerre, mais plutôt une intelligence avec l’ennemi : cette faute est dans le code pénal, et est très sévèrement réprimée.
Je ne sais pas pour l’instant si le jugement se ferait au niveau international. D’autant plus que je ne sais pas ce qu’il faut entendre par «acheter» : est-ce-que c’est à la sortie du tuyau, ou bien par le biais de quatorze intermédiaires ? Il y a de nombreuses nuances, donc c’est difficile d’imaginer les conclusions de la commission.