La dernière encyclique antimoderne que projetait Pie XII

Publié le 14 Déc 2025
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Pie XII, septembre 1945.

En mars 2020, le Vatican ouvrait les archives du pontificat de Pie XII, de 1939 à 1958, permettant aux historiens de se pencher sur cette période. Il en est ressorti des schémas d’une encyclique jamais parue, devant porter sur les erreurs du modernisme.
Le présent article est publié conjointement sur les sites de L’Homme Nouveau et de Res Novae

 

Quatre ans avant Vatican II, en 1958, un dernier document pontifical antimoderne, une encyclique, était en préparation dans les palais apostoliques. La mort du Pape en interrompit la rédaction finale et la publication. C’est ce qu’a révélé l’ouverture en 2020 des archives du pontificat de Pie XII, désormais consultables jusqu’à 1958, année de la mort de ce pape.

Cette ouverture avait provoqué l’arrivée d’une nuée de chercheurs en direction des archives vaticanes, qui pensaient pouvoir démontrer les faiblesses coupables du Pontife vis-à-vis du régime hitlérien, et qui, comme il était prévisible, ont eu la déception de trouver toutes les preuves du contraire. En revanche, des historiens sérieux ont vu s’ouvrir de vastes perspectives sur des sujets du plus grand intérêt.

On savait que Pie XII avait lancé en 1948 la préparation d’un concile œcuménique, qui fit l’objet de travaux importants jusqu’en 1951. Il était d’ailleurs question, de manière très caractéristique, non pas de convoquer un autre concile, mais de « continuer » celui réuni par Pie IX en 1869 et, qui avait dû s’interrompre en 1870 en raison de la guerre franco-prussienne. Mais le projet fut abandonné (1).

En revanche, on ignorait généralement ce dont fit état, dès mars 2020, l’historien allemand Matthias Daufratshofer. Voulant étudier dans les archives de l’ex-Saint-Office les travaux qui avaient précédé la proclamation du dogme de l’Assomption de la Sainte Vierge, il y découvrit les textes préparatoires, les schémas, d’une encyclique antimoderne élaborée dans les dernières années du pontificat pacellien, qui aurait développé et précisé la lettre encyclique de 1950, Humani generis, « sur quelques opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique » (2).

Deux chercheurs, sœur Sabine Schratz, op, de l’Institutum Historicum Ordinis Prædicatorum, et Daniele Premoli (Archivum Generale Ordinis Prædicatorum), se sont consacrés à l’étude de ce projet. Ils préparent la publication du schéma en ses états successifs qui avait été réalisé par une commission, et ils ont publié, le 3 janvier 2024, un article sur l’état de leurs travaux dans le Journal of Modern and Contemporary Christianity: « L’Enciclica Pascendi dei tempi moderni. Il progetto per l’ultima enciclica di Pio XII (1956-58). »

Le projet initial : publier une encyclique en 1957, pour les 50 ans de la condamnation du modernisme par Pascendi

Au cours du pontificat de Pie XII n’avait cessé de croître à Rome l’inquiétude à propos de la diffusion de courants nouveaux qu’on évoquait autour du Pape sous l’appellation générale de « Nouvelle Théologie ». L’expression était de Pie XII lui-même dans un discours à la congrégation générale des Jésuites le 19 septembre 1946 (3), à la suite duquel le Père Réginald Garrigou-Lagrange, op, avait publié dans la revue Angelicum, en octobre 1946, un article qui fit grand bruit : « La nouvelle théologie, où va-t-elle ? ».

La critique visait surtout le fait que cette Nouvelle Théologie, au nom d’un « retour » idéologisé à la théologie des Pères, dénigrait la théologie scolastique (et à travers elle, des formulations dogmatiques, grandement tributaires de cette scolastique). Parlant de cette nouvelle manière de parler de doctrine, Humani generis dira en 1950 qu’on voulait remplacer « une présentation de plus en plus exacte des vérités de la foi » pour « leur substituer des notions conjecturales et les expressions flottantes et vagues ».

Rome s’inquiétait particulièrement de l’ébullition théologique qui régnait en France. Lors de l’Assemblée plénière des évêques français, qui devait se tenir en avril 1957, Mgr Joseph Lefebvre, archevêque de Bourges, qui sera fait cardinal par Jean XXIII, de la même famille d’industriels du Nord que Mgr Marcel Lefebvre, s’apprêtait à présenter un rapport doctrinal basé sur les réponses à un questionnaire envoyé à tous les évêques français (4).

Le rapport notait que le relativisme, le rationalisme, le naturalisme et l’humanisme athée ont conduit à une « mutilation de notre nature » qui coupe la référence de l’homme à Dieu, l’idéalisme et l’existentialisme le refermant sur lui-même, le marxisme le conduisant au déterminisme et au matérialisme.

D’où, chez un certain nombre de catholiques, une perte du sens de Dieu, du péché et de l’Église, et une série de déviations, que le rapport qualifiait de faiblesse de la foi ou bien de fausse compréhension de la foi, revendiquant le droit à liberté personnelle, ignorant la nature de l’autorité ecclésiastique, dissociant l’Église visible de l’invisible, mettant l’Église à l’écart des affaires de l’État et de la société, réduisant enfin le témoignage chrétien à la pure intériorité. Le rapport parlait d’« une sorte de néo-protestantisme » et de la dépendance d’un certain nombre de théologiens vis-à-vis des idées de l’époque.

Mais le rapport Lefebvre, après cette critique du « progressisme », dénonçait aussi l’« intégrisme » de ceux qui s’érigeaient en censeurs des évêques français jugés trop faibles devant les théologiens défendant les positions nouvelles. Il accusait des prêtres et des fidèles de se livrer à « des interventions inadmissibles » par lesquelles ils donnaient des leçons d’orthodoxie « même à la hiérarchie ».

De ce fait le rapport Lefebvre n’était pas sans rappeler la lettre pastorale du cardinal Suhard, archevêque de Paris, intitulée Essor ou déclin de l’Église et publiée pour le carême 1947, dans laquelle le cardinal renvoyait dos à dos les deux options qui retardaient l’essor espéré, à savoir le « modernisme » et l’« intégrisme ».

Le rapport Lefebvre prenait d’ailleurs soin de remarquer que les erreurs modernes qu’il énumérait ne devaient pas être considérées comme générales, certains évêques assurant même qu’elles étaient en régression, et qu’il fallait en tout cas se garder – sous-entendu adressé aux « intégristes » – de « transformer en un horizon noir chargé d’orages les quelques nuages qui traînent dans un ciel, par ailleurs lumineux ». Thème qu’on retrouvera dans le discours d’ouverture de Vatican II de Jean XXIII, Gaudet Mater Ecclesia, du 11 octobre 1962, avec la célèbre charge contre ces « prophètes de malheur qui annoncent de sinistres présages comme si la fin du monde allait arriver ».

Ce qui conduit à remarquer que la situation du catholicisme français sous Pie XII annonçait ce qu’elle serait à l’époque du Concile et du post-Concile. D’un côté un « progressisme » aux nuances diverses : mouvement œcuménique, pour une part mouvement liturgique, affaire des Prêtres Ouvriers, revues diversement fascinés par le marxisme, Esprit, Témoignage chrétien, La Quinzaine, publication d’ouvrages de remise en cause de la théologie traditionnelle sous divers aspect, par les dominicains Congar et Chenu (ce dernier ayant forgé l’appellation d’« école du Saulchoir »), par le Père de Lubac et les jésuites dits de l’école de Fourvière, et par d’autres encore.

Sur le trottoir d’en face s’était constituée une sorte de minorité « intégriste », héritière du catholicisme intransigeant, tels l’abbé Luc Lefèvre, fondateur de La Pensée catholique, l’abbé Victor Berto, qui sera le théologien de Marcel Lefebvre lors du Concile, les abbés Alphonse Roul et Raymond Dulac, le Père Fillère et l’abbé Richard, fondateurs de L’Homme Nouveau.

Or, ces ecclésiastiques, marginalisés en France, étaient en revanche en phase avec le personnel théologique du pontificat de Pie XII, à savoir les dominicains Réginald Garrigou-Lagrange, Marie-Rosaire Gagnebet, Luigi Ciappi, les jésuites, comme le moraliste Franz Hürth, Sébastien Tromp, le franciscain Ermenegildo Lio, le religieux stigmatin Cornelio Fabro, le carme Philippe de la Trinité, et des prêtres séculiers, tels Pietro Parente, Pietro Palazzini, Dino Staffa et Antonio Piolanti, qui deviendra recteur de l’Université du Latran en 1957. Ils constituaient ce qu’on a appelé l’École romaine de Théologie, à laquelle se rattachaient aussi les cardinaux Pizzardo et Ottaviani, secrétaires successifs du Saint-Office, Ruffini, archevêque de Palerme, Siri, archevêque de Gênes.

En raison de l’attention particulière au sein de la Curie pour ce qui se passait en France, l’imminence de la réunion de l’Assemblée plénière de l’Épiscopat devant faire le  point sur la situation doctrinale, fit adopter en 1956 la décision de reprendre le thème de la critique de la Nouvelle Théologie dans un document papal. La commission préparatoire de l’Assemblée de l’Épiscopat avait demandé au Père Paul Philippe, dominicain, commissaire du Saint-Office, futur cardinal, un rapport.

Paul Philippe en une soixantaine de pages liait au modernisme la Nouvelle Théologie, tout en expliquant que les déviations de cette dernière n’avaient pas le caractère rationaliste de l’hérésie dénoncé par l’encyclique Pascendi en 1907, mais se présentaient de manière plus « mystique » et se voulaient très optimistes. Le cardinal Ottaviani jugea le rapport Philippe apte servir de base à la préparation du document pontifical envisagé pour 1957.

Les travaux préparatoires à l’encyclique (1956-1958)

Pie XII approuva formellement le projet à la Noël 1956. Immédiatement, dans les derniers jours de décembre, fut nommée une commission ad hoc au sein du Saint-Office (Saint-Office qui deviendra la Congrégation pour la Doctrine de la Foi après Vatican II). De cette congrégation romaine, chargée de la doctrine, la plus éminente alors de la Curie (on l’appelait la Suprema), le pape se réservait la présidence (elle n’avait pas de Préfet, mais était dirigée par un Secrétaire). La commission ne parvint pas à achever ses travaux pour 1957 et les poursuivait encore lorsque Pie XII mourut, en 1958.

Elle se réunit une première fois au début de 1957. Ses membres étaient parmi les plus éminents du Saint-Office : les dominicains Paul Philippe, président, Gagnebet et Garrigou-Lagrange, tous trois proches du Maître général de l’Ordre, Michael Browne, et formant avec lui un quatuor dominicain extrêmement influent ; les jésuites qui avaient contribué à la rédaction d’Humani generis, les Pères Tromp et Bea, ce dernier, confesseur de Pie XII, et qui vira de bord après 1958 ; le grand mariologue Karlo Balić, capucin ; le carme français Philippe de la Trinité ; et Antonio Piolanti.

Le rapport de Mgr Joseph Lefebvre, envoyé au Saint-Office, devint, avec le rapport Philippe, une source disponible pour l’examen que l’on se proposait de faire des erreurs doctrinales du moment. Sa critique des « intégristes » était en revanche jugée tout à fait contreproductive.

Le 20 mars 1958, le Père Tromp présenta un premier projet, un schéma de 64 pages, qui commençait par les mots Instaurare omnia in Christo, la devise de saint Pie X. Le Père Philippe présenta lui aussi un autre projet. L’un comme l’autre seront publiés par la sœur Sabine Schratz et Daniele Premoli.

En mai 1958, le Saint-Office eut à trancher : compte tenu de l’importance des matériaux réunis par la commission, convenait-il de publier un seul document ou plusieurs ? Le cardinal Ottaviani entendait réserver la question des relations entre l’Église et l’État à un document spécifique, qui était d’ailleurs en préparation depuis 1950 (le Père Gagnebet en était l’artisan principal) et qui visait de fait à rappeler la doctrine traditionnelle contre les idées anticipant la doctrine de la liberté religieuse du Père Courtney Murray, jésuite américain, et de Jacques Maritain, le philosophe français.

Le document du Saint-Office a servi de base, durant la préparation de Vatican II, au chapitre 9 du schéma De Ecclesia préparé par la commission de théologie et repris pour l’occasion par le Père Gagnebet (5). L’ensemble du schéma sera d’ailleurs évacué et remplacé par celui qui aboutira à la constitution Lumen Gentium. Quant au contenu de son chapitre 9, il sera invalidé par la déclaration Dignitatis humanae.

À propos de tous les matériaux réunis par la commission, Pie XII, informé pas à pas des travaux de préparation, fit savoir qu’il voulait publier un texte unique et non plusieurs encycliques.

La commission, réduite à Philippe, Piolanti, Bea, Tromp, Balić et Gagnebet, se réunit une troisième fois le 10 juin 1958 et formula des recommandations que le Père Tromp incorpora dans sa deuxième version du schéma préparatoire. Il commençait désormais par les mots : Cultum Regi Regum, Culte du Roi des rois. Cet ultime schéma fut communiqué aux autres membres de la commission le 27 septembre 1958. Mais Pie XII mourut douze jours plus tard, le 9 octobre. Les archives postérieures n’étant pas consultables, on ne sait si le projet d’encyclique fut présenté à Jean XXIII, ce qui est fort probable. En tout cas, il n’eut pas de suite.

Le contenu du schéma Cultum Regi Regum

En fait, le projet avait pris la forme d’une suite et d’un approfondissement d’Humani generis. Le texte abordait tous les domaines de la vie ecclésiale, morale et sociale, exposant, 50 ans après Pascendi, « l’hérésie globale de la modernité » (6), à savoir l’acceptation d’une rupture de la société d’avec Dieu. Il le faisait en six chapitres :

  1. La nature de la religion.
  2. Le culte liturgique et les dévotions privées, (culte dont l’importance sociale expliquait le titre qu’aurait reçu l’encyclique).
  3. La théologie morale.
  4. La profession de foi.
  5. La relation entre autorité et liberté dans l’Église.
  6. Les relations entre l’ordre religieux et l’ordre profane.

Le schéma d’encyclique rappelait que la religion est une vertu par laquelle l’homme, reconnaissant l’excellence divine, rend un culte à Dieu créateur et maître de l’ordre naturel tout entier qu’il transcende. Elle n’est pas une réalité d’ordre purement affectif et émotionnel, ni l’opium du peuple.

Le traitement de la question liturgique, au deuxième chapitre, reprenait des thèmes de l’encyclique Mediator Dei de 1947, et visait diverses erreurs, entre autres celle qui veut « que la célébration d’une seule messe, à laquelle assistent religieusement une centaine de prêtres, est la même chose que cent messes célébrées séparément par une centaine de prêtres (7) ». Le schéma insistait aussi sur la gravité et le dommage social du non-respect de la sanctification du dimanche par le culte et le repos

Dans la partie morale, la doctrine traditionnelle sur la loi naturelle était rappelée et les questions les plus controversées examinées : dangers du matérialisme, tant communiste que capitaliste ; caractère souverain du jugement de l’Église dont l’autorité a été constituée par Dieu lui-même et qui lui permet d’éclairer des questions morales difficiles, qui lui permet de trancher dans les questions aujourd’hui controversées – comme celle de la primauté de la procréation dans la hiérarchie des fins du mariage, la virginité pour le Royaume de Dieu restant un état plus parfait que le mariage.

C’est dans le quatrième chapitre qu’était abordé le thème de l’œcuménisme, sous l’aspect de la collaboration avec des chrétiens d’autres confessions dans l’opposition au communisme athée. Était relevé le caractère problématique de la mise de côté de ce qui sépare le catholicisme de ces confessions, notamment de ce qui les a fondées en haine de l’Église. Plus globalement, la collaboration pour des buts louables entre catholiques et non-catholiques, si elle pouvait être acceptée en principe, soulevait d’importantes réserves :

« Si un médecin en bonne santé collabore avec un médecin atteint de lèpre pour combattre la lèpre, il honorera son collègue, mais plus la collaboration avec son partenaire sera intime, plus il devra être vigilant de peur d’être lui-même atteint par la maladie. »

Le cinquième chapitre du projet traitait de la relation entre les autorités et la liberté, c’est-à-dire entre le magistère et les théologiens : on ne peut atteindre le Royaume de Dieu que par « la voie de l’autorité et de l’obéissance » ; or celle-ci, notamment après la chute des totalitarismes en Allemagne et en Italie, était entrée en crise, non seulement dans les États, mais aussi à l’intérieur de l’Église catholique. Cultum Regi Regum réaffirmait avec force que le munus docendi, la charge d’enseigner dans l’Église, résidait uniquement dans la hiérarchie, constituée par le Pontife romain et l’épiscopat.

Le texte ajoutait :

« Loin de nous l’idée de nier que les théologiens aient une vocation particulière au sein du Corps mystique du Christ, à laquelle correspondent grâce et lumière du Saint-Esprit. Car c’est à eux que l’Épouse du Christ confie la formation du futur clergé ; ils sont appelés par le Magistère sacré lui-même à préparer les documents doctrinaux ; il leur appartient d’approfondir et de préciser les décisions données par le Magistère authentique ; il leur appartient surtout de manifester au monde la merveilleuse et divine harmonie par laquelle les vérités divinement révélées s’accordent entre elles et avec les diverses sciences humaines.

Il est également du devoir des théologiens de déterminer, pour quelle raison et dans quelle mesure, telles vérités sont contenues dans le dépôt de la foi, ou sont proposées par le Magistère comme étant à croire ou à professer ; et, par conséquent, en quel sens et dans quelle mesure il convient de qualifier les erreurs contraires. Si les théologiens agissent ainsi sous la vigilance des Pasteurs, ils ne s’arrogent aucunement la compétence du Magistère, mais contribuent grandement à préserver la pureté de la foi. »

Le dernier chapitre du document, sous le titre d’Ordo religiosus et ordo profanus était en fait une sorte d’anticipation du document préparé par le Saint Office depuis 1950, dont il a été parlé plus haut, qui traitait des relations entre les deux sociétés parfaites (possédant chacune tout ce qui est nécessaire à l’accomplissement de sa fin), sociétés distinctes mais unies, que sont l’Église et l’État (8).

 

Pie XII voulait-il ainsi couronner son pontificat par une sorte de grand texte testamentaire, qui aurait repris des thèmes traités par lui dans ses diverses encycliques, et aurait tenté de faire barrage au déluge qu’il sentait venir après lui. Notre allusion au mot prêté à Louis XV, « après moi, le déluge », est intentionnelle.

L’activité d’approfondissement et de défense doctrinale par une série de grandes encycliques (Mystici Corporis en 1943, sur le Corps mystique du Christ, Divino afflante, en 1943 également, sur les études bibliques, Mediator Dei en 1947, sur les principes de la liturgie, Humani generis en 1950, sur les erreurs de notre temps), par la définition à contre-courant de l’Assomption de la Sainte Vierge en corps et en âme, et aussi par la canonisation de Pie X en 1954, n’est pas sans évoquer, toutes choses égales, la tentative de consolidation, en tout cas sur un point, de ce qui allait devenir l’Ancien Régime, celui de la justice, à la fin du règne de Louis XV, interrompue par la mort du monarque en 1774.

À défaut d’avoir continué le concile du Vatican réuni par Pie IX, c’est par la continuation de Pascendi de Pie X, qui eût été accompagnée d’un document du Saint-Office fermant la voie aux thèses qui deviendront la doctrine de la liberté religieuse, que Pie XII eût scellé son pontificat. Mais Dieu, dans les mystérieux arrangements de sa Providence, avait décidé de châtier son peuple.

 


1. Patrick Descourtieux « La preparazione del mancato Concilio ecumenico del 1951 secondo l’Archivio del Sant’Uffizio », au symposium sur L’Inquisizione romana. Nuove ricerche, nuove prospettive, 22-24 novembre 2023, actes à paraître.

2. Kathpress, 10 mars 2020.

3. Discours inspiré par un article de Pietro Parente dans L’Osservatore Romano en 1942, « Nuove tendenzeteologiche ».

4. Rapport doctrinal présenté le 30 avril 1957 à l’Assemblée plénière de l’Épiscopat Français (édition Tardy, 1957).

5. Traduction du texte dans : Claude Barthe, Quel avenir pour Vatican II ?, François-Xavier de Guibert, 1999, pp. 163-179. J. A. Komonchak, dans Giuseppe Alberigo (sous la direction de), Histoire du Concile Vatican II (1959-1965), t. 1, Cerf, 1997, p. 336. Voir aussi : Philippe Chenaux « Maritain devant le Saint-Office : le rôle du père Garrigou-Lagrange, OP ». Archivum Fratrum Praedicatorum, Nova Séries, vol. 6, 2021, pp. 401-420.

6. Claus Arnold, Giovanni Vian, La Redazione dell’Enciclica Pascendi. Studi e documenti sull’antimodernismo di Papa Pio X, Anton Hiersemann, 2020.

7. Dès les années 1940 apparurent en effet des anticipations de la concélébration : des prêtres en aube et étole, rangés en demi-cercle devant l’autel où célébrait l’un d’entre eux, assistaient à sa messe et communiaient de sa main.

8. Le document du Saint-Office, tel qu’il avait été introduit dans le schéma préparatoire à Vatican II De Ecclesia disait : « De même que le pouvoir civil estime qu’il lui revient de prendre soin de la moralité publique, de même, afin de garder les citoyens des séductions de l’erreur et pour que l’État soit conservé dans l’unité de la foi, ce qui est le bien suprême et la source d’une multitude de bienfaits y compris dans l’ordre temporel, le pouvoir civil peut de lui-même régler les manifestations publiques des autres cultes, et défendre ses citoyens contre la diffusion des fausses doctrines par lesquelles, au jugement de l’Église, leur salut éternel est mis en péril » (Claude Barthe, Quel avenir pour Vatican II ?, op. cit., p. 174-175).

 

>> à lire également : À Nicée, Léon XIV appelle à l’unité autour de la foi chrétienne

 

Abbé Claude Barthe

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