Ce dimanche 3 juin, la Fédération des Parents d’Élèves des Écoles Indépendantes (FPEEI) a publié un communiqué de presse suite aux nombreuses plaintes qu’elle a reçu de la part de ses adhérents. Les parents d’élèves ont exprimé leur mécontentement face à certains procédés mis en place lors des inspections de l’école de leur enfant par les services académiques de l’éducation nationale. La Fondation pour l’École a relayé ce communiqué.
La multiplication des inspections abusives dans les écoles hors contrat s’inscrit dans le cadre d’une remise en cause générale de la liberté d’enseignement. L’instruction à la maison est devenue limitée à certains cas très précis, et sous réserve d’acceptation par les services académiques de l’éducation nationale. Non seulement les parents doivent faire tout un dossier administratif pour instruire eux-mêmes leur propre enfant, mais aussi la moitié des demandes sont refusées sans justification. Est-il nécessaire de rappeler que les parents sont, par nature, les premiers éducateurs de leurs enfants ?
Le communiqué de presse dénonce ce que les parents ont perçu comme un excès de zèle de la part des inspecteurs : « Arrivée par une porte dérobée, fouille des cartables des élèves, intimidations […] inspecteurs en surnombre : 10 pour une école de 90 élèves par exemple ! »
Les entretiens avec les élèves ont bien souvent pris l’allure de véritables interrogatoires. D’après la FPEEI, de plus en plus souvent « les inspecteurs imposent de se retrouver seuls avec les élèves pour pouvoir s’entretenir avec eux », refusant parfois la présence de tout adulte de l’école.
Bien que les écoles inspectées soient déclarées et autorisées en bonne et due forme, le soupçon pèse immédiatement sur les familles des élèves. Être soucieux de l’avenir de son enfant est devenu suspect, comme si vouloir une éducation de qualité était signe de graves problèmes sociaux.
Les questions posées par les inspecteurs aux élèves témoignent de cette volonté de remettre en cause, implicitement, les choix éducatifs des familles : « Avez-vous des problèmes familiaux ? Avez-vous accès à internet à la maison ? Parlez-vous de la sexualité à la maison en famille ? En avez-vous assez d’être cloîtrés toute la journée sans votre téléphone ? Pourquoi ne lisez-vous pas des mangas ? ».
À l’Institut d’Argentré à Sées, en Normandie, la directrice Sylvie Biget a ainsi reçu une visite surprise le 12 mai 2023 de sept inspecteurs. « Si les autres années, le climat était cordial, la visite annoncée et le dialogue établi, cette fois, les inspecteurs sont arrivés sans prévenir pour la journée entière. Entrant dans les classes, prenant des photos des bibliothèques, des cahiers des élèves, sans jamais demander notre accord, j’avais l’impression de subir une perquisition plutôt qu’une inspection » raconte-t-elle.
Dans cette même école, une élève raconte que les inspecteurs leur ont demandé s’ils étaient obligés de se marier entre eux à la fin de leur scolarité. Cette anecdote illustre comment les écoles indépendantes sont systématiquement suspectées de dérives sectaires. Ce n’est donc pas le niveau des élèves qui est inspecté, mais bien leur famille. On peut ainsi lire sur le site de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (Miviludes) :
« Dans le cas de mouvements adoptant un mode de vie communautaire fermé sur l’extérieur, lorsque notamment la scolarisation se fait via l’enseignement à domicile ou l’enseignement dans des établissements privés hors contrat, la désocialisation de l’enfant et par là son emprise sont totales. »
Les écoles indépendantes sont donc suspectes, pourtant elles ne cessent de croître. En dix ans, leur nombre a triplé. Pendant ce temps, le système scolaire public s’écroule : baisse du niveau scolaire, inégalités au sein des écoles, pénuries de professeurs…
Les raisons qui conduisent les parents à choisir une école hors contrat sont bien souvent des questions éducatives. Elles peuvent être multiples : effectif réduit de la classe et meilleur suivi de l’enfant, meilleure formation, pédagogies alternatives, ou encore liberté d’innovation. Enfin, alors que la mixité sociale est débattue, elles apparaissent comme des exemples en matière de diversité, notamment de revenus des parents.
Dans un tel contexte, la FPEEI rappelle en outre que les écoles hors contrat sont déclarées et respectent le socle commun des connaissances. Est-il alors adéquat de faire peser sur toutes les écoles hors contrat ce soupçon de dérives sectaires ?
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