Le deuxième anniversaire du motu proprio Traditionis Custodes sur la messe traditionnelle du pape François est l’occasion de revenir sur deux ouvrages antérieurs sur la question et de signaler un troisième et récent livre. Le tout dans une perspective de sortie de crise par le haut, en soulignant les propositions émanant des deux côtés du spectre liturgique.
Qui n’a pas souligné le chiffre record du pèlerinage de Chrétienté de Chartres 2023 ? 16 000 pèlerins, sans compter ceux qui n’ont pu s’inscrire faute de place : Quelle joie ! Deo gratias ! Ces pèlerins, en particulier les jeunes, sont très éloignés des clivages qui ont marqué les générations précédentes de catholiques.
Certes ils n’ignorent rien du passé ni du présent, et de leurs oppositions et déchirements, mais, par leur attitude empreinte d’adoration, de contemplation et d’humilité, ils transmettent un message d’unité et de paix, que résument bien ces deux mots extraits de l’introduction de la Préface de la messe : « Sursum corda ! », « Haut les cœurs ! », c’est-à-dire : « Élevons nos âmes vers Dieu ! »
Ou, si l’on préfère, sortons de l’impasse par le haut, selon cet « esprit de la liturgie » que le cardinal Robert Sarah décrit ainsi en trois points (1) :
1. le Missel de saint Pie V, qui n’a jamais été abrogé et ne saurait l’être, avec son génie propre, donne accès au mystère du sacrifice du Christ qui s’offre au Père pour le Salut du monde.
2. La liturgie est une œuvre de communion entre Dieu et son peuple. C’est aussi un lieu d’évangélisation où, à travers des signes visibles par tous, se déploie le mystère chrétien : point de rencontre de l’homme avec son Créateur et des hommes entre eux autour de la Croix du Christ Seigneur ressuscité, le Rédempteur de l’humanité.
3. La liturgie tridentine est indispensable, car elle permet de mettre en évidence le processus vivant de croissance de la liturgie en vue d’une meilleure compréhension du renouveau liturgique voulu par le concile Vatican II, et donc une application correcte de la constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium.
Mais, me direz-vous, comment faire ? Voici deux pistes concrètes provenant des deux bouts du « spectre » liturgique, qui répondent à cette nécessité de la « sortie par le haut » afin d’établir ou de consolider l’unité et la paix.
Tout d’abord, citons ces extraits des excellents messages du président de Notre-Dame de Chrétienté, Jean de Tauriers, en 2022 :
« Nous supplions le Saint-Père de regarder la vie quotidienne des catholiques. Nous ne sommes pas des théologiens subtils, de grands exégètes des intentions cachées de Vatican II ni des liturgistes raffinés. Nous sommes de simples familles catholiques voulant rester catholiques dans un monde qui ne l’est plus », et en 2023 : « Nous ne “normaliserons” pas demain notre pèlerinage. Nous resterons fidèles à ce que nous sommes, un pèlerinage traditionnel de Chrétienté, une œuvre de fidélité et de résistance dans une Église plongée dans une crise qui est d’abord doctrinale, qu’elle doit admettre et regarder en face. Nous savons que la réforme de l’Église commence par notre conversion personnelle et nous y travaillons avec la grâce de Dieu sur les routes de Chartres par nos prières et tous nos efforts. »
Je formule donc ce double vœu : en plus du pèlerinage annuel à Chartres, la mise en œuvre d’initiatives locales pour que des pèlerinages de Chrétienté se multiplient dans divers sanctuaires de notre pays, et, comme cela a été annoncé, l’instauration de pèlerinages de Chrétienté à l’étranger.
Et puis voici un livre tant attendu et de grande qualité : il est publié par un prêtre de la Communauté de l’Emmanuel, l’abbé Jean-Baptiste Nadler, qu’on ne remerciera jamais assez : L’Esprit de la messe de Paul VI : pour un authentique renouveau liturgique* .
Pour l’auteur, aucun renouveau ne sera possible sans une réception de la liturgie comme un « patrimoine à habiter » et comme une « école d’humilité se vivant la tête au Ciel et les pieds sur terre » (2).
Comme l’affirme l’éditeur dans sa présentation de l’ouvrage : « le père Nadler met en lumière l’esprit du Missel de Paul VI dans une triple perspective : restauration liturgique, formation à celle-ci de tout le peuple chrétien et meilleure célébration de la messe. C’est aussi, et ce n’est pas le moindre des objectifs, la volonté apaisée et affirmée de dépasser l’opposition entre les deux formes de célébration de la messe, moins de deux ans après le motu proprio Traditionis Custodes du pape François ».
L’auteur présente des propositions concrètes qui permettraient de mettre en œuvre une application fidèle de la constitution sur la liturgie du concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium : la solennité indispensable qui s’attache à la messe, l’offertoire, la position du prêtre à l’autel, la place du chant grégorien, la communion… L’auteur replace ces mesures, à mon avis excellentes, indispensables et même incontournables, dans toute leur profondeur et toute leur perspective liturgiques et sacrées.
Ce 16 juillet 2023, à l’occasion des deux ans de Traditionis Custodes, confions à Notre-Dame du Mont-Carmel cette œuvre indispensable d’unité et de paix pour répondre en toute vérité à l’invitation du prêtre, dans les deux Missels de saint Pie V et de saint Paul VI : « Sursum corda » – « Habemus ad Dominum » : « Nous le tournons vers le Seigneur ».
*Artège, 2023, 160 p., 14,90e.
- Cf. préfaces des ouvrages de Gérald de Servigny, Joseph Ratzinger et l’esprit de la liturgie ancienne, Ad Solem, 2016 ; de l’abbé Romano Guardini et de Benoît XVI, L’Esprit de la liturgie, édition double, traductions par Genia Català et Robert d’Harcourt, Artège, 2019.
- Cf. Aleteia, « Pour un authentique renouveau liturgique », 28 mai 2023.
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