DOSSIER | « Les catholiques et le sport : des patronages aux Jeux olympiques » 1/3
Au moment où vont s’ouvrir les Jeux olympiques de 2024 à Paris, l’historien Yvon Tranvouez publie un ouvrage sur le père Henri Didon, inspirateur de la devise des Jeux et proche du baron de Coubertin. La vie du dominicain est passionnante à plus d’un titre, reflétant les tensions du catholicisme français à son époque et la pénétration de nombre de valeurs modernes dans un milieu antirépublicain.
| La devise olympique « Citius, Altius, Fortius », est une formule du père Didon (1840-1900). Pourquoi avez-vous choisi de lui consacrer une biographie ?
L’actualité olympique s’y prêtait, bien sûr, mais j’étais, depuis longtemps, très intéressé par ce moment, à la fin du XIXe siècle, où la question du rapport des catholiques à la modernité se posait à la fois sur le terrain politique et scientifique : fallait-il accepter ou non la République ? comment répondre aux défis posés par le positivisme et le matérialisme ? Il m’est apparu que la vie du père Didon était un excellent miroir, reflétant parfaitement les grands problèmes de cette époque.
| D’où lui vient justement cette ouverture à la modernité ?
Sans doute d’abord de l’influence familiale. Il est né au Touvet, près de Grenoble. Son père était républicain et démocrate, dans la lignée d’une certaine tradition dauphinoise que l’on voit très bien aux origines de la Révolution. Le jeune Henri Didon, entré chez les Dominicains à l’âge de 16 ans, en 1856, s’est immédiatement inscrit dans le sillage des catholiques libéraux, et en particulier dans celui du père Henri-Dominique Lacordaire (1802-1861), qui avait rétabli l’Ordre dominicain en France en 1839. À la fin de sa formation dans l’Ordre, en 1865, le père Didon choisit de s’affilier à la province de France, qui voulait précisément poursuivre dans la ligne d’ouverture préconisée par Lacordaire, tandis que la province de Toulouse penchait pour une position plus intransigeante à l’égard de la modernité.
| Ce rapport au monde moderne, comment s’est-il traduit tout au long de sa vie ?
La carrière du père Didon peut se résumer en trois moments bien différents. Dans un premier temps, de 1865 à 1880, c’est un prédicateur, une « vedette », pourrait-on dire, de plus en plus couru dans les paroisses parisiennes de la rive droite, mais…