> Lettre Reconstruire n° 45 (mars 2025) | La Bibliothèque politique et sociale
L’extension sans fin de l’État moderne que des épisodes récents, comme la gestion de la crise liée au Covid-19 ou actuellement la « guerre » déclarée entre la France et la Russie, mettent en évidence, conduit immanquablement à s’intéresser à la question du « pouvoir ». Professeur de sociologie à l’université de Barcelone, docteur en philosophie, auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles, Javier Barraycoa a consacré un petit essai sur la situation du pouvoir dans nos sociétés postmodernes. Traduit en français, Du pouvoir bénéficie d’une substantielle préface de Thibaud Collin dont le titre indique tout l’intérêt : « L’arbitraire du pouvoir ou dans quelle mesure la démocratie peut-elle être dite totalitaire ? » D’une manière plus large s’interroger sur le pouvoir revient à solliciter les notions d’autorité, de pouvoir, d’État, de légitimité et de bien commun. Javier Barraycoa prend acte dans son essai de la radicale transformation opérée par la modernité politique au moment de la Révolution française donnant naissance à l’État moderne. Citant plusieurs auteurs, de l’anarchiste Max Stirner à Hannah Arendt en passant par Bertrand de Jouvenel, il constate avec Stirner que « la Révolution a transformé la monarchie limitée en monarchie absolue. Désormais, tout droit qui n’est pas conféré par ce monarque est “usurpation”, tout privilège qu’il accorde, en revanche “droit”» (Max Stirner, L’unique et sa propriété et autres écrits, L’Âge d’Homme, 1972, p. 163). Paradoxalement, ce pouvoir absolu conduit à un double mouvement : « C’est l’État moderne qui produit l’individu ; et c’est la création continue de l’individu qui permet la consolidation de l’État moderne. » Ces constats, beaucoup plus développés et étayés dans le livre, poussent Javier Barraycoa à poser la question de l’autorité et du pouvoir. Dans la conception traditionnelle, l’autorité est un pouvoir, mais tout pouvoir n’est pas autorité. L’autorité est un pouvoir moral et est davantage liée à la raison qu’à la volonté. De son côté, le pouvoir représente davantage la capacité concrète d’agir et de produire des effets. Il est dépendant et donc limité par l’autorité. La modernité a renversé ce lien. « L’identification moderne du pouvoir (ou potestas) à l’autorité, écrit ainsi Javier Barraycoa, a permis de consolider le caractère négatif du pouvoir.…