Du recours au procès et de l’esprit de justice

Publié le 16 Jan 2023
procès

Poursuites judiciaires multipliées, dénonciation à tous crins, vindicte publique, scandales et exécutions sociales… La vraie justice pâtit de l’oubli général du bien commun. Et celui-ci demande parfois que l’oubli recouvre des crimes anciens pour apaiser la société, une réalité difficile à admettre de nos jours.   À quoi sert un procès ? La question peut surprendre. Elle est pourtant essentielle pour comprendre le sens de la justice, puisque c’est à l’issue du procès que le juge dit le droit, ars boni et aequi, art du bon et de l’équitable (en principe…), selon la belle définition du juriste Celse (IIe siècle ap. J.-C.). La finalité de la justice est de peser, d’ajuster afin de rétablir l’équilibre, en donnant à chacun ce qui lui est dû. Par ce moyen, elle résout les conflits et garantit la paix et l’harmonie au sein de la cité. La mission de la justice est si élevée qu’Aristote en fit l’une des conditions du bien commun et les rois de France la finalité même de leur fonction, symbolisée par la main de justice. Sur les frontons de nombreux tribunaux, la justice est représentée avec une balance et un glaive. La force coercitive dont elle use est au service de l’équité. Pour juger avec impartialité, la justice ne doit pas subir les influences extérieures, celles des groupes de pression, des puissants et de l’opinion publique. C’est pourquoi, les représentations de la justice sont souvent pourvues d’un bandeau sur les yeux, symbolisant l’indépendance des juges. Mais ce bandeau, nous pouvons lui attribuer une signification complémentaire. Le règlement des conflits entre les particuliers et la paix sociale exigent parfois de ne pas mettre en mouvement la machine judiciaire. Dans certains contextes, à l’issue d’une guerre civile par exemple, un législateur prudent sait stopper l’exercice vindicatoire de la justice, lorsque le recours aux tribunaux, même fondé en droit, risque d’entretenir la rancœur au lieu de prodiguer des soins attentionnés aux membres endoloris du corps social dont il faut restaurer l’unité. Dans cet esprit, afin de mettre un terme aux guerres intestines dans le royaume de France, Henri IV imposa au tout début de l’édit de Nantes de 1598 (article 1) « que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre, (…) demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque…

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Joël Hautebert

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