EIIL : le silence des imams

Publié le 18 Juin 2014
EIIL : le silence des imams L'Homme Nouveau

Agrégé, docteur en histoire, spécialiste de la naissance de l’islam, chercheur-associé à l’université d’Aix-Marseille, Olivier Hanne lance ici un appel à la communauté musulmane de France. Il est temps de sortir, pour elle, d’un silence complice.

La prise de la moitié nord de l’Irak par les groupes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) s’ajoute à la longue liste des récentes exactions djihadistes dans le monde arabe mais aussi en Europe. Les massacres à venir écraseront un peu plus les minorités chrétiennes du nord de l’Irak, mais toucheront certainement aussi la majorité musulmane.

La violence absolue de ces groupes et leur absence totale de considération pour les non-combattants doivent inspirer la nausée et susciter enfin une réaction de la part des musulmans français, et plus encore de leurs responsables, qu’il s’agisse du Conseil français du culte musulman, des recteurs des différentes grandes mosquées et de tous les imams. Car plus le djihadisme prend d’ampleur depuis une dizaine d’années, plus le silence de l’islam devient insupportable.

Un silence insupportable

Il ne suffit plus de déclarer avec bonhommie que l’islam est la religion de la paix ou que le Coran rejette le meurtre religieux en se basant toujours sur le même verset isolé (lâ ikrâha fi d-dîn, sourate 2, verset 256 : « pas de contrainte en religion ! Â»). Il faut – et c’est maintenant – que les imams de France épurent la Sunna, la doctrine traditionnelle, quitte à passer pour des mécréants aux yeux de l’Arabie saoudite ou de leurs cousins algériens. Il faut renoncer explicitement aux autorisations légales du meurtre et dénoncer l’ensemble des hadiths qui décrivent les modes d’action militaire au cours du djihâd, hadiths compilés dans le Livre du djihâd et du comportement guerrier (Kitab al-djihâd wa s-sayari). Plus encore, vous devez expliquer à vos fidèles, et tant pis s’ils ne vous croient pas, que le modèle du prophète Muhammad ne peut plus être suivi pour tout ce qui relève des expéditions militaires qu’il a conduites. Nous ne pouvons plus entendre les formules finales des Maghâzî, les récits des combats menés par Muhammad :

« Il alla, il attaqua, il tua, il fit du butin et il revint indemne. »

Toutes les règles du djihâd mises en place autour des VIIe-Xe siècles sont appliquées avec scrupule par les djihadistes du Sahel et de Syrie, les AK47 ayant toutefois remplacé les épées. Direz-vous enfin si ces règles ont encore, à vos yeux, une quelconque actualité, ou ferez-vous le choix radical et audacieux d’un islam épuré ?

Vers une hostilité grandissante ?

Pour finir, oserez-vous prendre vos distances avec les passages les plus violents du Coran (notamment la sourate neuf, at-Tawba), en valorisant une lecture purement spirituelle ? Vous comptez parmi vous des intellectuels qui ont tracé des voies originales et courageuses, voulant promouvoir un pacifisme musulman que l’on peine à découvrir par ailleurs.

Si vous ne faites rien, si vous ne réagissez pas, les musulmans de France seront l’objet par votre faute, autant que par celle des barbares de l’islamisme, d’une hostilité grandissante. Lorsque nous accueillerons les réfugiés irakiens, quels souvenirs apporteront-ils avec eux de la cohabitation avec l’islam ? Une défiance s’est déjà installée en France envers les musulmans, défiance que nos responsables politiques s’obstinent à nier, mais que trop d’indices dévoilent. Votre silence résonne comme une indifférence. Craignez qu’elle ne soit pas comprise comme un consentement. Changez l’islam, maintenant !

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