Au troisième et quatrième étage (sans ascenseur) du musée Gustave Moreau (1826-1898), dans les ateliers du Maître, se déploie une exposition rappelant les liens picturaux entre cet artiste et son élève préféré Georges Rouault (1871-1958). Celui-ci devint le premier conservateur de ce lieu plein de charme, récemment restauré. Deux admirables dessins de Rouault à eux seuls méritent le déplacement, des œuvres de jeunesse, au fusain, jouant sur le clair-obscur : un autoportrait et l’enfant prodigue. Ils montrent son talent de dessinateur figuratif, habile, d’une grande sensibilité. Le prodigue aux yeux tristes, est saisissant. Il est représenté debout, en un jeune homme dénudé et amaigri.
Scènes bibliques, paysages et regards des deux artistes sur la figure féminine s’inscrivent dans les thèmes principaux du parcours. Chez Moreau, la femme est idéalisée et a presque toujours le même aspect, qu’elle évoque une sainte ou une pécheresse : elle est mince, sans âge et peu expressive. Pour Rouault, ce sont des personnages du monde réel, des prostitués, des écuyères ou des femmes du peuple. Comme Degas ou Toulouse-Lautrec, il peint les « filles de joie » dans leur aspect terrible mais aussi pathétique car étant chrétien, il voit « au fond des yeux de la créature la plus hostile, ingrate ou impure Jésus qui demeure ». Les deux artistes illustrent également des sujets religieux ainsi La Sainte Face, célèbre œuvre de Rouault, inspiré par le voile de Véronique et la Passion du Christ, très sombre de Moreau, où l’on devine une Marie-Madeleine, assise au sol, contemplant le Crucifié. Comme son « patron », Rouault aime les effets de matière et s’intéresse à la couleur. On apprend aussi que Gustave Moreau fut un professeur exemplaire, sachant mettre en avant les talents de ses élèves en les aidant à trouver leur propre chemin artistique. Et Georges Rouault de rapporter un de ses conseils : « Regardez la nature et les maîtres anciens ; eux seuls vous feront accoucher ; ne vous laissez pas trop prendre et porter au courant du succès des modes passagères, d’où qu’elles viennent. »
Jusqu’au 25 avril 2016 au Musée Gustave Moreau, 14 rue de La Rochefoucauld, 75009 Paris. Tél. : 01 48 74 38 50. Ouvert tous les jours sauf mardi. Lundi, mercredi, jeudi : de 10h à 12h45 et de 14h à 17h15. Vendredi, samedi, dimanche : de 10h à 17h15 sans interruption.