Un pivot commercial entre l’Egypte et la Syrie
A l’aune de l’histoire, Gaza se présente comme un pivot commercial majeur entre deux centres de civilisation : l’Egypte et la Syrie. Ce carrefour permet en outre de surveiller l’intérieur des terres. Le Pharaon Thoutmôsis III ne s’y trompe pas, se saisissant de cette route côtière afin de contrôler la Palestine dès le XVe siècle av. J-C. Il y installe l’un de ses fonctionnaires, chargé de surveiller le pays de Canaan. D’autres puissances s’intéressent à sa suite, à cette région. C’est le cas de l’Assyrie continentale, qui s’en empare en 734 avant J-C, de la Babylonie et d’Israël lui-même, qui la conquiert en 97 avant J.C. Rome annexe Gaza en 63 av. J-C et lui accorde une certaine autonomie. Il s’agit pour ces différents Empires de s’assurer du contrôle du territoire de Gaza, sans pour autant détruire son riche commerce, qui le relie au nord et au sud. Le vin de Gaza, produit de luxe, est en effet recherché dans tout l’empire romain. Plus tard, au Moyen-Age, un tissu précieux y est fabriqué : la gaze. Aujourd’hui, cette voie de communication très ancienne est devenue un cul-de-sac. Seuls les tunnels de contrebande assurent la liaison vers l’Egypte au Sud et Israël au Nord. Mais cette fois, les armes se sont substituées aux denrées précieuses.
Une porte stratégique sur la mer
Depuis l’Antiquité, le port de Gaza se présente comme une escale stratégique. Peuple maritime originaire de Crète, les Philistins s’y installent et refondent Gaza, cité murée située à 2,4 kilomètres du port. La Perse Achéménide, qui s’appuie sur les peuples navigateurs afin de remédier à son déficit maritime, s’empare, à son tour de Gaza en 525 av. J-C et en fait la tête de pont de ses campagnes vers l’Egypte. La ville retrouve alors une grande prospérité. Ceci explique les raisons pour lesquelles Alexandre le Grand en fasse le siège avant de se tourner vers l’Egypte. Plus tard, Gaza se peuple de chrétiens qui assurent la liaison maritime avec l’Europe. Lorsque la cité tombe aux mains des Musulmans en 637, les 60 soldats chrétiens qui forment sa garnison sont tous passés au fil de l’épée. La ville se replie alors vers la terre. Au XIIe siècle, les croisés y construisent un château-fort, qui suscitera plus tard l’intérêt de Sir Lawrence d’Arabie. Durant la Première Guerre mondiale, les troupes britanniques, commandées par le général Allenby, s’emparent de Gaza où les Ottomans se sont retranchés. Le port de Gaza, actif jusqu’à cette époque décline alors. Aujourd’hui, le littoral n’en a pas perdu de son importance pour autant. Celui-ci est soumis au blocus israélien pour deux raisons. Il s’agit d’empêcher la circulation des armes entre la mer et la bande de Gaza mais aussi de s’assurer le contrôle des gisements stratégiques de gaz off-shore découverts depuis les années 2000 au large du territoire palestinien. Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si les tensions ont connu un regain depuis cette date. Cela explique enfin la raison pour laquelle l’Iran, puissance gazière soit si sensible à ces combats.
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* Thomas Flichy de La Neuville est professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux, à l’Ecole Navale puis à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr. Il est spécialiste de la diplomatie au XVIIIe siècle et auteur de plusieurs ouvrages de géopolitique. Prochain livre à paraître, en collaboration avec Olivier Hanne : La dette ou le crépuscule des peuples, Editions de l’Aube, septembre 2014.