Guerres carlistes (2/4) : Conflit de succession et lutte idéologique

Publié le 24 Oct 2023
guerres carlistes

Bataille de la première guerre carliste (1830-1846) par Francisco de Paula Van Halen. Museo del Carlismo, Estella, Navarre.

Trois guerres carlistes déchirèrent l’Espagne à partir de 1833 et jusqu’aux années 1870. Déclenchées par la succession disputée du roi Fernando VII, elles opposèrent des successeurs au trône d’obédience traditionaliste à des souverains libéraux et se prolongèrent par les luttes politiques de la Communion catholico-monarchique jusqu’à l’époque de Franco.

  Les guerres carlistes, qui ont profondément bouleversé l’histoire de la monarchie espagnole pendant trente-cinq ans, en conditionnant lourdement sa configuration politique, ont commencé par un grave conflit de succession qui surgit lorsque le roi Fernando VII procéda à des modifications au moyen de ce qu’on appelle autoacordado, à la fin de son règne, en omettant les exigences légales essen­tielles, les règles de succession à la couronne espagnole, dans le but d’imposer l’accession au trône de sa fille Isabel, au détriment des droits légitimes de son frère, l’infant Carlos María Isidro [1]. Le ressort d’une décision aussi inquiétante fut les desseins de sa quatrième épouse, María Cristina de Borbón-Dos Sicilias, mère de l’infante, qui avait le soutien d’une partie de la Cour et de l’idéologie libérale, déterminée à déposséder du trône le frère du roi parce qu’il était fidèle aux principes directeurs de la monarchie catholique espagnole et adversaire du ferment révolutionnaire que la Constitution de Cadix de 1812 avait introduit en Espagne.  La séquence d’affrontements militaires – les trois guerres carlistes – déclenchée par la mort du roi, le 29 septembre 1833, avait donc une double dimension de facteurs imbriqués : un conflit de succession d’une part, et un conflit public d’ordre juridique et doctrinal d’autre part. Les carlistes défendirent – avec une détermination d’autant plus admirable si l’on considère que les armées qu’ils devaient affronter avaient le soutien exclusif de l’appareil d’État – les droits de leur roi légitime, envers qui ils avaient une exigence sacrée de fidélité, et les principes fondateurs de la monarchie catholique traditionnelle, d’une validité ancienne, qui sont résumés dans la quadruple devise carliste « Dios, Patria, fueros, Rey » [2]. Il y eut cinq rois porte-drapeaux de la légitimité proscrite : Carlos V, Carlos VI, Carlos VII, Jaime III et Alfonso Carlos Ier, avec la mort duquel, le 29 septembre 1936, s’éteignit la ligne directe de la dynastie légitime espagnole, ouvrant une succession juridiquement et politiquement compliquée qui revint à la personne de Javier de Borbón Parma.   

Octobre 1833 – juillet 1840

La première guerre carliste dura d’octobre 1833 à juillet 1840. Dans…

Pour continuer à lire cet article
et de nombreux autres

Abonnez-vous dès à présent

Andrés Gambra, Professeur d’Histoire du droit

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneSociété

La République du Panthéon

L’Essentiel de Joël Hautebert | En accueillant Robert Badinter, la République a poursuivi sa liturgie laïque au temple de ses héros. De l’église Sainte-Geneviève au sanctuaire des « grands hommes », le Panthéon incarne la substitution progressive du culte de Dieu par celui de la République.

+

robert Badinter panthéon
SociétéArt et Patrimoine

Transmettre le patrimoine vivant, un défi pour la France

Entretien | Malgré les difficultés et la disparition d’un tiers des événements en cinq ans, les Français restent profondément attachés à leurs traditions festives. Thomas Meslin, cofondateur de l’association « Les Plus Belles Fêtes de France », défend ce patrimoine culturel immatériel et veut lui redonner visibilité et dynamisme grâce à un label national et un soutien accru aux bénévoles. Entretien.

+

patrimoine
Société

Nos raisons d’espérer

L’Essentiel de Joël Hautebert | Malgré l’effondrement des repères et la crise des institutions, il demeure des raisons d’espérer. On les trouve dans ces hommes et ces femmes qui, par leurs vertus simples et leur fidélité au devoir d’état, sont capables d’assumer des responsabilités au service du bien commun.

+

espérer vertu
SociétéFin de vie

Euthanasie : « Pierre Simon voulait faire de la vie un matériau à gérer »

Entretien | Alors que le Sénat reporte une nouvelle fois l’examen du projet de loi sur la fin de vie, l’essayiste Charles Vaugirard publie La face cachée du lobby de l’euthanasie (Téqui). En s’appuyant sur les écrits oubliés de Pierre Simon, fondateur de l’ADMD et ancien grand maître de la Grande Loge de France, il dévoile les racines eugénistes et prométhéennes d’une idéologie qui, selon lui, continue d’inspirer les lois bioéthiques contemporaines.

+

euthanasie pierre Simon
SociétéPhilosophie

La logique, un antidote à la crise de la vérité

C’est logique ! – Entretien | Dans son nouvel ouvrage Devenir plus intelligent, c’est possible ! (Le Cerf), François-Marie Portes invite à redécouvrir les outils logiques de la tradition antique et médiévale. Pour lui, apprendre à définir, énoncer et argumenter n’est pas réservé aux spécialistes : c’est un savoir-faire accessible à tous, indispensable pour retrouver le goût de la vérité dans un monde saturé de discours trompeurs. Entretien.

+

penser portes intelligent logique